La traditionnelle cérémonie d'anniversaire de la «Révolution du 1er septembre 1969» qui a porté le colonel El Gueddafi au pouvoir a vécu: la révolte en Libye a sonné le glas de la «Jamahiriya» du «Guide» libyen en fuite. «41, c'est pas un chiffre, c'est la vie», proclame un panneau géant sur un grand boulevard de Tripoli, longeant la forteresse de Bab el-Aziziya. C'est tout ce qui reste d'un régime finissant après la débandade du dernier cercle des fidèles de l'ancien homme fort de Libye. Pendant le soulèvement, vite devenu armé, les manifestants avaient prédit dans l'un de leurs slogans que El Gueddafi ne vivra pas le 42e anniversaire de son coup d'Etat. «Homme à la chevelure folle, ne fait pas la tête, le 1er septembre ne sera plus fête», scandaient-ils sur les places de Benghazi et d'autres villes. «Bye, Bye, à bientôt à La Haye», ont aussi scandé les manifestants, souhaitant voir El Gueddafi traduit devant la Cour pénale internationale (CPI). Les plus de 50 ans se rappellent d'un temps où la Libye du vieux roi Senoussi, renversé par El Gueddafi, était un royaume tranquille même s'ils admettent qu'il était sous la coupe de l'Occident. «On vivait dans la simplicité et l'insouciance», se rappelle Saïd Laswad professeur en sciences politiques à l'Université El-Fateh de Tripoli, tout en soulignant le foisonnement d'idées politiques chez l'élite libyenne. «El Gueddafi a exploité la soif de liberté chez les Libyens pour s'emparer du pouvoir», analyse-t-il avant d'énumérer les errements du jeune colonel. Nationaliste arabe subjugué par la personnalité du charismatique raïs égyptien, Gamal Abdel Nasser, El Gueddafi se fait nommer par lui «dépositaire de l'idéologie du nationalisme arabe». Pour l'histoire, Mouamar El Gueddafi arrive au pouvoir alors que Georges Pompidou était à l'Elysée et que Richard Nixon était à la Maison-Blanche, ce qui lui faisait dire récemment qu'il était le doyen des dirigeants du monde. Après la mort de Nasser qu'il n'aura côtoyé que pendant un an, El Gueddafi a une idée fixe: l'unité arabe qu'il veut imposer à tout prix, essayant des fusions de son pays avec ses voisins dont aucune n'aboutira. La Libye d'El Gueddafi soutient ensuite à travers le monde les causes des catholiques irlandais, des Basques espagnols ou des révolutionnaires du Nicaragua, flirte avec les radicaux palestiniens et snobe ses pairs arabes. Déçu par les Arabes, il se tourne vers l'Afrique, dont il se fait proclamer «rois des rois» alors que les Libyens lui reprochent en cachette de dilapider la rente pétrolière de son pays dans différentes aventures internationales. L'implication de son régime dans l'attentat en 1988 de Lockerbie, en Ecosse, en fera un paria international mais il finira pas regagner la faveur des Occidentaux qui ne pouvaient pas ignorer les richesses pétrolières de la Libye. Malgré sa prétention d'avoir inventé une troisième voie entre socialisme et capitalisme, «le pouvoir des masses» par lequel les Libyens pouvaient, selon lui, s'administrer par eux-mêmes, il tient son pays d'une main de fer. Il reste sourd à la volonté de changement déclenchée par la révolution tunisienne et lorsque les Libyens se soulèvent dans l'Est, il promet de les pourchasser «rue par rue, impasse par impasse». Il qualifiera plus tard les rebelles de «rats». Les jeunes Libyens qui n'ont connu que son régime se réjouissent de son départ. «Je n'ai pas souffert personnellement de son régime mais il n'y avait pas de liberté et puis sa famille contrôlait tout», déclare Anis Wadhi, un jeune commerçant de Tripoli. «Le 1er septembre de cette année aura un goût particulier et on souhaite voir El Gueddafi pris un jour dans un trou comme Saddam Hussein», l'ex-président irakien Saddam Hussein qui avait été arrêté par l'armée américaine.