«Je me porte candidat à l'élection présidentielle» et le palais du Kram explose. L'applaudimètre est à son summum, les youyous donnent le feu vert à l'explosion d'une joie indescriptible. Le président Ben Ali balaie la salle de ses mains pour remercier les congressistes de leur confiance. Il vient de faire, d'une pierre 2...trois coups. D'abord, annoncer la décision de réserver 25% des sièges du comité central à la gent féminine. Ensuite, annoncer que la base du RCD élira, dorénavant, les candidats aux élections communales au lieu que ces derniers ne soient désignés par le bureau politique du RCD comme traditionnellement. Et enfin, l'annonce de sa candidature à la prochaine élection présidentielle 2004, à la suite de très nombreuses sollicitations émanant de la base et des organisations de la société civile. Des coups, qui n'ont pas laissé insensibles les participants, mettent en exergue l'échéance majeure atteinte par le plus vieux parti tunisien pour cette nouvelle étape décisive, qui devra placer la Tunisie dans l'orbite des pays avancés. Le palais du Kram, banlieue de Tunis, abrite, depuis hier, les travaux du quatrième congrès du RCD, parti au pouvoir, placé sous le signe de l'ambition. Près de 2700 délégués, représentant plus de 2 millions de militants structurés dans 7700 cellules, 808 aspirants à la qualité de membres du comité central (300 sièges) dont plus de 25% de , 85 partis politiques étrangers, 177 personnalités étrangères participent à ces assises qui placeront, souligne-t-on, dans les coulisses, la Tunisie dans le peloton des nations avancées. Pour les organisateurs et les militants, il n'est plus admis de considérer la Tunisie comme un pays émergent, mais plutôt comme un pays avancé, étant donné qu'elle est entrée de plain-pied dans la dynamique de la mondialisation. A bien observer les choses et la société tunisienne, l'ambition des Tunisiens n'est pas démesurée: en quinze ans, le taux de scolarité avoisine les 75%, l'électrification a touché les zones les plus reculées, les constructions de routes et d'infrastructures, le problème du logement quasi inexistant, la couverture sociale touchant toutes les populations, des milliers de PME-PMI, une industrie touristique qui a su résister aux effets du terrorisme, une réalité incontestable: la Tunisie avance. Il suffit à l'observateur de visiter l'arrière-pays pour saisir l'évolution et le progrès. Certes, la vie n'est pas aisée car son coût a sensiblement augmenté, mais la caractéristique essentielle du citoyen est le travail. En aspirant à un meilleur statut social, la plupart des citoyens se dépensent sans compter. Presque tout un chacun fait dans la débrouille: qui une activité secondaire, dans le transport clandestin, qui dans le petit commerce, chacun court derrière le dinar. Ainsi, la société s'embourgeoise et il ne reste plus qu'à s'étonner de voir les restaurants et les hôtels pleins à craquer, le week-end, car ici, les gens vivent dans un pays qu'on continue à croire pauvre. Les milliers d'Algériens qui s'y rendent en touristes sont mi-surpris mi-ravis d'avoir un voisin en bonne santé. Qualifiée par certains de «prison à ciel ouvert», et par d'autres de «royaume de la dictature», la Tunisie ne s'accommode pas «des allégations mensongères» ou «des rumeurs colportées par les intégristes et leurs alliés trotskistes». Les congressistes que nous avons abordés préfèrent se consacrer à l'évocation des acquis enregistrés depuis le 7 novembre 1987, c'est-à-dire depuis la prise de pouvoir «constitutionnelle» qui a évité à ce pays de sombrer dans l'intégrisme totalitaire au moment où les institutions vacillaient, où l'Etat était en situation de déliquescence obsolète. La démarche entretenue, depuis, par le président Ben Ali a compté en premier lieu, sur une politique de réconciliation nationale puisque le premier congrès (1988) du RCD (après changement de dénomination) placé alors sous le signe du «salut» en vue de récupérer ceux qui avaient failli plonger la Tunisie dans l'obscurantisme un certain 8 novembre 1987, c'est-à-dire au lendemain du changement opéré par l'ex-Premier ministre Ben Ali. Depuis, le changement est le leitmotiv des Tunisiens qui, avec un soupçon de fierté, n'admettent plus que l'observateur les classe dans la liste des pays émergents. De l'ambition à satiété. A tel point que cela ne signifie pas moins que la Tunisie sera dans le peloton des pays avancés.