Prendre une bière n'est pas en soi un délit. Mais consommer de l'alcool et prendre le volant coûte cher, très cher même, surtout si la juge... Salem B. est un jeune conducteur pris en flagrant délit d'état d'ivresse manifeste. Or, le délit y était car ce jeune conduisait son carrosse, dans un état lamentable. Y avait qu'à voir le taux constaté au labo. Deux grammes soixante-quatorze. C'est la crevaison du nuage noir qui va alors accoucher de gros ennuis. Et comparaître devant le tribunal correctionnel de Sidi M'hamed, Alger, de la cour d'Alger, n'est jamais un plaisir. Loin de là: c'est même un enfer. Il y a juste après l'interpellation, le mandat de dépôt, le temps de dessoûler, l'audition devant le magistrat instructeur. Deux ou trois nuits, sinon plus, en cas de renvoi de la première audience, en taule. Et là aussi, convenez avec nous que se voir entre quatre murs ne peut être facile à supporter. Et le jour du procès est apparu un second délit. La destruction de bien d'autrui. «Madame la présidente, je n'ai pas brisé volontairement l'auto que j'avais louée. Je revenais d'une localité de la Soummam et en cours de route, j'ai rencontré des copains qui m'ont invité à prendre un pot...» «Un pot? ou des pots?», interrompt la juge qui ironise... Je ne me souviens plus. En tout cas, plus de deux tournées» précise le jeune qui s'applique en parlant, évitant de mentir car durant la détention provisoire, on a dû l'informer sur les risques encourus pour tout inculpé qui ment. Salem revient alors au récit qui l'a vu jeter la voiture contre le mur lorsqu'il en avait perdu le contrôle à cause certainement de l'excès de vitesse. Le procureur va alors jouer son rôle rien que pour jeter le doute dans l'esprit du détenu. Il demande à Salem de préciser «deux verres ou deux tournées». L'inculpé répond le front haut: «Deux tournées». Par un signe de tête, le représentant du ministère public fait comprendre à la juge qu'il ne lui restait qu'à requérir. Il demande sans état d'âme entre ses grosses mâchoires une peine de prison ferme de un an, dix mille dinars d'amende et le retrait du permis de conduire pour une année ferme. Salem voit son sang se glacer dans ses veines en imaginant qu'il faille désormais vivre sans permis et donc perdre le privilège et le plaisir de conduire. Et comme pour ne pas lui rendre le sourire, la juge décide, en fin d'audience, d'une peine de prison ferme de deux mois, d'une amende ferme et le retrait du permis de conduire et ce, pour une période d'un semestre. Salem se tient pour la première fois droit. Il a accepté le verdict et son sort...