ce dossier en est un exemple classique. La décolonisation en Afrique achevée au milieu des années 70 a cependant buté, pour ce qui concerne le Sahara occidental - plus justement la Saguiet El Hamra et le Rio de Oro - sur un grain de sable inattendu : le Maroc. Ce dernier, sur le tard, revendique le territoire et fait obstacle, par tous les moyens au droit des Sahraouis à l'autodétermination. Le colonisateur espagnol de guerre lasse - après s'être affronté aux mouvements de libérations sahraouis - décida de passer le témoin à Rabat, dans des conditions confuses induites par la fin de règne du godillot espagnol, le général Francisco Franco. C'était en 1975! C'était également la veille du référendum que Madrid devait organiser pour la population sahraouie. Par le bluff et des manoeuvres dilatoires de toutes sortes, le royaume chérifien n'a, depuis 1975, fait que temporiser et gagner du temps dans l'obsession qu'avait eu le défunt roi Hassan II de n'accepter qu'un référendum «confirmatif» de la «marocanité» du territoire en litige. Absurdité juridique, ce concept de «référendum confirmatif» est tout à fait étranger aux normes du droit international. C'est ainsi, que le dossier sahraoui retient l'attention des instances internationales telles que l'ONU et l'OUA et atterrit sur les bureaux de la Cour internationale de justice à laquelle les Nations unies demandent un avis sur le contentieux. Une âpre bataille juridique, avec en arrière-plan un conflit de souveraineté autour du territoire sahraoui, est ainsi engagée. De fait dès les années 60, conformément aux résolutions de l'ONU sur la décolonisation, le Conseil de sécurité invita Madrid à organiser un référendum pour la population sahraouie. Dans ce contexte, en 1969, et en prévision de cette consultation, l'Espagne accorda une large autonomie aux deux territoires - qui pour Madrid sont distincts - de Saguiet el-Hamra et du Rio de Oro. En vue du référendum, l'Espagne organise également un recensement général de la population sahraouie en 1974. Ce recensement, de fait, est considéré par l'ONU comme base pour toute identification du corps électoral sahraoui. Face aux difficultés rencontrées, l'O de en, 1974 un avis à la Cour de justice de La Haye, (CIJ). Dans sa réponse à la requête de l'ONU, la Cours internationale de Justice prend en compte deux problèmes juridiques: 1 Le Rio de Oro et la Saguiet el-Hamra étaient-ils des terra nullis lors de la colonisation espagnole? 2 Dans la négative, ces territoires avaient-ils des liens juridiques avec le Maroc ou l'ensemble mauritanien? Se plaçant en 1884 - début de la colonisation espagnole - la CIJ, (se fondant sur un précédent, l'arrêt Groenland oriental de 1933), constate qu'en 1884 le Sahara occidental «était organisé en tribus, dirigées par des chefs représentatifs qui s'étaient placés sous la protection de l'Espagne». La Cour arrive dès lors à la conclusion que le Sahara occidental «n'était pas un territoire sans maître». Pour ce qui est de la première question. Ceci étant, il fallait examiner le deuxième postulat et essayer de voir si ce territoire était «un bled makhzen», c'est-à-dire soumis au sultan marocain, ou «un bled siba», pays rebelle refusant toute tutelle. La CIJ arrive à la conviction que le sultan «n'a pas exercé une activité étatique effective et exclusive au Sahara occidental», mais «qu'un lien juridique d'allégeance existait pendant la période pertinente entre le sultan et certaines populations nomades du territoire» (1). En termes plus clairs, le Sahara occidental n'était pas un territoire sans maître, de même que la souveraineté du Maroc sur ce territoire contesté n'était ni évidente, ni établie, la CIJ estima alors applicable «le principe d'autodétermination». L'avis était certes nuancé mais conforte l'ONU dans sa détermination à organiser un référendum d'autodétermination pour la population sahraouie, conformément à la résolution 15.14 de 1960 du Conseil de sécurité sur les peuples colonisés. En 1973, se constitue le Front populaire de libération de la Saguiet el-Hamra et du Rio de Oro (Front Polisario) qui revendique l'indépendance du territoire et engage des actions de guérilla contre la présence espagnole. Mais les choses se précipitent avec la maladie de Franco. Le palais royal marocain manoeuvra, en coordination avec certains membres du gouvernement espagnol, et envahit le Sahara occidental sous le couvert de la «Marche verte», le 16 octobre 1975, après l'avis rendu par la CIJ et quelques semaines avant l'accord tripartite, (Espagne, Maroc, Mauritanie), du 14 novembre 1975, par lequel Madrid rétrocède le territoire aux deux pays. Le partage du Sahara occidental est officialisé par l'accord du 16 novembre 1976. Quand il est apparu que l'Espagne a dévié de sa mission de tutelle sur le Sahara occidental, et l'invasion marocaine, le Front Polisario décide de proclamer, le 27 février 1976, l'indépendance du territoire et instaure la République arabe sahraouie démocratique, Rasd, qui deviendra, de plein droit, membre de l'OUA en 1982. L'Organisation de l'Unité africaine et les Nations unies mettent sur pied un plan de paix devant permettre l'aboutissement à une solution négociée entre les deux parties. Les résolutions 621 (1988), 658 (1990) et 690 (1991) confirment le plan de paix. Le Conseil de sécurité crée la Mission des Nations unies pour l'organisation d'un référendum au Sahara occidental, (Minurso), dont l'une des attributions était d'organiser le recensement de la population et l'identification du corps électoral. En 1991 un cessez-le-feu est signé entre le Maroc et le Front Polisario. Cependant, face à l'impasse induite par l'identification du corps électoral, notamment, rejetée par le Maroc, le secrétaire général de l'ONU, Kofi Annan, nomme un représentant spécial pour la Sahara occidental, l'ancien secrétaire d'Etat américain, James Baker. Celui-ci parvient à trouver un consensus entre le Maroc et le Front Polisario par les accords de Houston de 1997. Toutefois, les choses achoppent sur les prétentions du Maroc d'intégrer des tribus du sud-marocain en tant que partie prenante électorale sahraouie. De fait, il apparaissait aux résultats du recensement, que l'identification du corps électoral sahraoui, apte à participer au référendum, n'est guère favorable aux desseins du Maroc. Dès lors, Rabat s'engagea dans de larges manoeuvres dilatoires, ne faisant, depuis 1998, que tergiverser pour gagner du temps, le roi Mohamed VI semblant même reprendre à son compte cette incohérence de référendum «confirmatif» si chère à son défunt père. Or, aujourd'hui - à la veille de la réunion du Conseil de sécurité pour l'examen du nouveau plan Baker (voir article de M Abdoun) - il semble bien que tous les artifices pour retarder le fatidique référendum soient épuisés et que Rabat devra bien, d'une manière ou d'une autre, se conformer au droit international.