Le Conseil de sécurité a ouvert mardi le débat sur le nouveau rapport du secrétaire général de l'ONU. Cela fait maintenant quarante ans (de fait depuis 1965) que le dossier sahraoui se trouve sur les tables de l'ONU et plus particulièrement de ses instances spécialisées, le Conseil de sécurité et la Cour internationale de justice (CIJ). Cette dernière s'était prononcée au moins à deux reprises -à la demande du Conseil de sécurité de l'ONU en 1964 et en 1975- sur les liens existants, ou pouvant exister, entre le royaume chérifien et les tribus sahraouies. A chaque fois la CIJ avait estimé, qu'il n'y avait pas de liens probants de souveraineté entre le Maroc et les tribus des territoires de Saguiet El Hamra et de Oued Edahab (Rio de Oro) qui composent le Sahara occidental. S'appuyant sur cet avis des juristes de la Cour internationale de justice, de même que sur les explications fournies par l'administrateur des territoires sahraouis, l'Espagne (laquelle reste selon la Charte de l'ONU engagée dans la décolonisation de ce territoire) le Conseil de sécurité avait alors, dès les années 1960, placé le Sahara occidental, parmi les territoires à décoloniser et, auquel s'applique singulièrement la résolution 1415 de juin 1960 (XV) sur le droit à l'autodétermination des peuples colonisés. Toutes les résolutions du Conseil de sécurité, consacrées à ce dossier, ont confirmé le fait que le contentieux sahraoui relevait d'un problème de décolonisation, chargeant notamment le secrétaire général de l'ONU d'en suivre les progrès, d'autant plus que les parties belligérantes, le royaume du Maroc et le Front populaire de libération de Saguiet El Hamra et du Rio de Oro (Front Polisario) ont été clairement identifiées par le Conseil de sécurité de l'ONU. En 1991, sous l'égide de l'ONU, un cessez-le-feu est obtenu et un processus de paix mis en branle devant aboutir à terme au règlement définitif du contentieux sahraoui. Il s'agissait alors, de la mise en oeuvre des résolutions pertinentes du Conseil de sécurité, relatives au droit du peuple sahraoui à l'autodétermination afin de choisir entre les deux options qui s'offrent à lui : l'indépendance ou le rattachement au royaume du Maroc. La question est donc claire, il restait en Afrique un peuple sous domination étrangère qui avait le droit de s'exprimer par référendum sur son avenir. De fait, des accords d'Houston, cautionnés par le Maroc et le Front Polisario, au plan Baker II, et les résolutions du Conseil de sécurité sur ce dossier, ressortait le fait que le seul moyen légal et équitable de solutionner la problématique sahraouie était de donner au peuple du Sahara occidental de s'exprimer librement par référendum sur le choix de son avenir. Toutefois, cela semblait trop simple, ou par trop procédurier, pour le Maroc qui, par le défunt roi Hassan II, avait introduit un appendice, selon lequel, si référendum il y avait celui-ci ne aurait être que «confirmatif» inférant ainsi une nouvelle appréciation du droit, comme quoi un peuple auquel les lois internationales -confirmées par la Charte de l'ONU et les résolutions y afférentes- donnent droit de choisir entre deux options se voit sommé par le palais royal marocain au choix d'une seule alternative: abandonner ses droits légitimes de s'exprimer librement sur son devenir. Allant dans le sens de ce que préconisait déjà son père, le roi Mohammed VI croit avoir trouvé une échappatoire en proposant aux Sahraouis une «large autonomie» dans le cadre de la «souveraineté» marocaine. Autrement dit, un référendum «confirmatif» qui ne dit pas son nom. Un leurre de plus pour empêcher le peuple de se prononcer par référendum. Or, plutôt que de remettre les choses à l'endroit et de réitérer qu'un référendum pour le peuple sahraoui restait incontournable, le secrétaire général de l'ONU, Kofi Annan, dans son dernier rapport au Conseil de sécurité, fait un accroc sérieux à cette légalité internationale protégée depuis plus de soixante ans tant par l'ONU que par les instances internationales qui lui sont affiliées. Aussi, toute approche qui aura pour conséquence de priver le peuple sahraoui de son droit à l'autodétermination constituerait une grave entorse à cette légalité internationale que le secrétaire général de l'ONU a la charge de soutenir et de faire appliquer en toute circonstance. Or, l'organisation des Nations unies, son Conseil de sécurité et, plus précisément, le secrétaire général de l'ONU, n'ont pas vocation à faire de la politique, ou de plaire à tel ou tel partenaire -plus ou moins puissant- mais exclusivement à user des prérogatives que leur octroie la Charte de l'ONU qui consistent en l'application sans défaillance des résolutions adaptées par le Conseil de sécurité sur les dossiers ou conflits qui lui sont soumis à l'instar du contentieux du Sahara occidental dont le dénouement est bloqué par le Maroc qui a réduit la légalité internationale à ses seules lubies expansionnistes. Kofi Annan auquel on doit le fait que le dossier du Sahara occidental soit remis dans sa véritable perspective -celle d'un territoire à décoloniser- et qui a eu le mérite de réunir autour d'une table le Maroc et le Front Polisario (cf; les accords de Houston de 1997) semble, à la veille de la fin de son mandat à la tête des Nations unies, avoir tourné casaque et épousé, peu ou prou, la position néo-coloniale du Maroc, en endossant à l'Algérie une implication implicite dans un dossier où elle n'est qu'un simple observateur, par l'appel que lui fait M.Annan, de prendre part à des négociations «directes» entre les «parties» au conflit, alors que celles-ci sont de longue date identifiées. Or, au même titre que la Mauritanie, l'Algérie n'est qu'un observateur dans une affaire, qui oppose depuis trois décennies le Maroc au Front Polisario, dont M.Annan -qui a suivi le dossier depuis une dizaine d'années- en connaît les tenants et aboutissants. Aussi, force est de constater qu'à l'instar de ses prédécesseurs, Javier Perez de Cuellar et Boutros Boutros-Ghali, qui tentèrent -aux ultimes instants de leurs mandats onusiens- d'offrir le Sahara occidental au Maroc, Kofi Annan marche sur les brisés de ses prédécesseurs qui avaient, par leur prise de position pro-marocaine, quelque part déconsidéré une institution qui n'avait pas à prendre partie (pour l'un ou l'autre des antagonistes) mais uniquement de faire appliquer les lois internationales et la légalité internationale dans toute leur rigueur. Ni plus ni moins. Car, il appartenait, il appartient toujours en fait, au peuple sahraoui, et à lui seul, de dire dans un référendum, libre et transparent, s'il veut l'intégration au Maroc ou de choisir l'indépendance. La seule légalité internationale, confortée par la charte de l'ONU et les résolutions du Conseil de sécurité, sur le contentieux sahraoui, est celle consistant à donner au peuple sahraoui de pouvoir s'autodéterminer. Toute autre mesure ne fait que violer cette légalité internationale censée s'appliquer à tous les pays y compris, certes, le Maroc. Aussi, nous ne suivrons pas les confrères marocains qui dans leur délire, encensaient M. Annan, revenu -selon eux- à de meilleurs sentiments, après l'avoir voué aux gémonies lorsqu'il défendait la seule légalité internationale. C'est triste de voir, qu'après MM.Perez de Cuellar et Boutros-Ghali, c'est M. Annan qui piétine une légalité internationale qu'il avait à charge de soutenir et faire appliquer dans tous les cas de figure. Mais, à l'instar de ses prédécesseurs hier, qui se sont ainsi déconsidérés, Kofi Annan -en fin de mandat et qui n'avait rien à perdre- a dévié, de manière inexplicable, d'une légalité internationale, qu'il avait mission de protéger. Demain, seul cet impair sera retenu, alors que M.Annan avait à son actif d'avoir quelque peu dépoussiéré la vieille institution onusienne. Hélas!