Le chef de la diplomatie chérifienne a reconnu, hier, que le plan Baker n'arrange guère les affaires de son roi. La presse et le gouvernement marocains n'arrivent toujours pas à se remettre d'aplomb après l'adoption, jeudi, par le conseil de sécurité du plan Baker prévoyant dans les cinq années à venir un référendum d'autodétermination du peuple sahraoui. Le ministre des Affaires étrangères et de la coopération, Mohamed Benaïssa, dans un entretien accordé à la chaîne A-Jazira, a clairement indiqué que «le plan Baker représente un retour au processus de 91 qui n'arrange pas le Maroc et qui s'est montré par la suite irréalisable». Le Maroc, après avoir signé des accords à Houston, avait tout fait pour les rendre inapplicables, notamment en trafiquant le fichier électoral, tentant de faire passer pour sahraouis, des dizaines de milliers de colons marocains. Benaïssa, dépité, contredisant le son de cloche officiel et apaisant de son pays, admet ouvertement l'échec du royaume dans ce bras de fer, avant tout diplomatique, avec une chancellerie algérienne particulièrement dynamique et efficace ces dernières années. Mohamed Benaïssa, tout en réitérant «le rejet catégorique du Maroc de se voir imposer une solution», ajoute que «M.Baker ne nous a pas consulté au sujet de ce plan et n'a pas tenu compte des critiques et observations que nous avons formulées en réponse à ce projet». Le Maroc, qui tente de mettre en avant les principes de la légitimité, sans y croire lui-même puisqu'il sait que le droit international accorde de facto celui à l'autodétermination pour toute population, lance un clin d'oeil à peine déguisé aux autorités algériennes dont la diplomatie, à en croire Benaïssa, «est activement mobilisée contre le Maroc». Le ministre des Affaires étrangères, qui ne peut s'exprimer qu'au nom du roi Mohammed VI, indique en effet que «le problème du Sahara est un problème géopolitique dans la région, essentiellement entre le Maroc et l'Algérie». Notre pays est, au passage, accusé d'abriter «dans son territoire des séparatistes avec leurs armes». Ce qui n'empêche pas le Maroc, vaincu et contraint de faire beaucoup de concessions, de demander à «ouvrir ce dossier avec l'Algérie». Le ministre marocain met en avant son intime conviction que «tôt ou tard, nous devrons, Marocains et Algériens, examiner ce dossier de manière positive et constructive dans un esprit empreint de fraternité et mus des aspirations à l'édification de l'Union du maghreb arabe». C'est la première fois que le Maroc, par la voix la plus officielle qui soit, indique être prêt à lâcher du lest en «débloquant» de nouveau le processus d'édification de l'UMA. Le royaume souhaite, en échange que l'Algérie fasse des concessions par rapport à la question sahraouie. Notre pays, toutefois, a toujours privilégié le droit international, refusant donc que cette question soit débattue ailleurs qu'avec les concernés, et au niveau des instances internationales habilitées. Le Maroc, qui sait que le temps ne joue plus en sa faveur, même si la France a copié sa position sur la sienne en se félicitant de la décision prise par le conseil de sécurité, devra bien réviser cette forme de «chantage» diplomatique puisqu'il est également devenu évident, depuis le retour de notre pays sur le devant de la scène internationale, que l'UMA se fera avec ou sans le royaume de Mohammed VI...