La surprise des révoltes tunisienne et égyptienne passée, le monde dit «libre» a repris avec vigueur les choses en main. En fait, pris en flagrant délit de dissipation - qui ne sut pas prévoir les révoltes qui travaillaient le Monde arabe en profondeur - l'Occident s'est rapidement rattrapé en se repositionnant comme maître d'oeuvre des «révolutions» arabes, allant jusqu'à en susciter là où, soit elles n'étaient pas d'actualité, soit n'avaient pas de prise sur la population. Cette prise en main résolue de la révolte arabe, s'est traduite par la mise à «disposition» de la Libye d'une «révolution clé en main». Au plan politique, des «spin doctor» se sont chargés d'expliquer et de présenter la «révolution libyenne», soutenue au plan militaire par l'Otan qui n'a cessé depuis le 19 mars, de pilonner le pays de ses bombes. De fait, la mission «protectrice des civils» que s'est attribuée l'Otan s'est transformée en carnage pour la population libyenne où le bilan, selon les nouvelles autorités de Tripoli, dépasserait les 20.000 victimes. C'est là - n'ont pas manqué de souligner les Occidentaux en charge de la «révolution» libyenne - des dommages collatéraux «inévitables». Bien sûr! Leur regret sans doute est que ce qui a été réalisable en Libye apparaît plus que compliqué en Syrie ou, à un degré moindre, au Yémen. Deux pays arabes où les révoltes populaires n'arrivent pas à terminer ce qu'elles ont entrepris. La question, au final, n'est pas là, mais bien dans le fait que la révolution dans les pays arabes, baptisée «Printemps arabe» - ou ce qui apparaissait comme tel - a été confisquée par ceux-là qui ont largement participé à asseoir la dictature dans les pays arabes en ayant des relations privilégiées avec les «hommes forts» des lieux. Pratique, que prise l'Occident, selon l'adage qu'il est plus facile et plus fructueux d'amadouer un homme qui détient tous les pouvoirs - en le caressant dans le sens du poil - que de se colleter avec un peuple qui tient à sa dignité et à son indépendance. Des dirigeants comme l'Egyptien Hosni Moubarak, le Tunisien Ben Ali et le Libyen, El Gueddafi, ont largement tiré profit - au détriment des intérêts de leurs peuples - de cette compréhension de leurs «amis» occidentaux avant que ceux-ci ne les larguent dès lors qu'il sont devenus ou redevenus infréquentables. C'est encore à l'aune de la Palestine que l'on discerne mieux la fausseté, le double jeu et double langage de ceux qui nous veulent du «bien». Ils «pleurent» sur le sort des Arabes et veulent contribuer à les «affranchir» des dictatures, alors qu'ils dissocient les Palestiniens - «bantoustanisés», leurs territoires transformés en immenses prisons à ciel ouvert, spoliés et leurs droits déniés par Israël - de ce printemps qu'ils veulent «libérateur» pour les peuples arabes. Cette parenthèse juste pour marquer l'intéressement de l'Occident à faire main basse sur le Monde arabe, dès lors que celui-ci n'était plus en phase avec la reconfiguration mondiale dans laquelle les dirigeants arabes se montraient d'un archaïsme fini, ne comprenant pas qu'il leur fallait changer, se réformer. Ils n'ont surtout pas compris que ce changement était inéluctable, que celui-ci surviendra avec eux ou contre eux. De fait, le président américain, George W. Bush avait, au début de 2003 et dans le sillage de l'invasion de l'Irak, préparé un plan de réforme pour le Monde arabe, présenté sous le vocable de «Grand Moyen-Orient» (GMO). Depuis, les dirigeants arabes, qui ont réussi à éviter que les Etats-Unis leur forcent la main, n'ont fait que tergiverser en gagnant du temps sans n'avoir montré aucune velléité à vouloir procéder à des réformes. Ces réformes les ont de fait rattrapés et, pour certains, les ont éliminés. Le drame est que ces révolutions, qui auraient dû demeurer arabes, ont été largement récupérées, voire confisquées par les Européens et les Américains. Ce qui montre que les dirigeants ont été et resteront toujours en retard d'une guerre.