On dit d'ordinaire qu'il faut tourner sa langue sept fois dans sa bouche avant de parler. Depuis que le FLN est entré en dissidence contre l'administration, on préférera dire qu'il faut agiter sept fois son gourdin avant de...frapper. Tant il devient maintenant évident que les pro et les anti-Benflis sont résolus à en découdre, au besoin à coups de massue. Les résultats du 8e congrès étant ce qu'ils sont, c'est-à-dire largement favorables au secrétaire général du FLN Ali Benflis, au grand dam des supporters de Abdelaziz Bouteflika, qui voit ainsi ses chances de réélection remises aux calendes grecques, les citoyens ont été surpris de voir que les services du ministère de l'Intérieur ont commencé à étudier les recours introduits par quelques dissidents. La base du FLN et les instances régulièrement élues ont vu dans ces manigances des sbires de M. Zerhouni une ingérence intolérable dans les affaires internes d'un parti politique et un précédent grave dans la vie politique nationale. Le procédé est d'autant plus grossier que durant toute la préparation et le déroulement du congrès, il n'y a pas eu de contestation, parce qu'à l'époque on croyait que Benflis roulait pour Bouteflika. Ce n'est qu'une fois que les congressistes ont refusé de «choisir» pour une seconde fois le candidat du consensus que les contestataires ont voulu renverser la vapeur et changer le cours des choses à leur avantage. Mais n'était-il pas déjà trop tard ? Aujourd'hui, le ministre d'Etat, ministre de l'Intérieur veut se donner le beau rôle en affirmant à partir de Aïn Defla: «Si la contestation se transforme en problème d'ordre public, il est tout à fait normal que les autorités interviennent.» Cela c'est une bonne manière de préparer psychologiquement l'opinion à ce qu'il y ait des heurts entre les pro et les anti-Benflis, heurts immédiatement suivis de la condamnation des pseudo-fauteurs de troubles de leur incarcération et de l'invalidation des résultats du 8e congrès. Ainsi, les congressistes contestataires pourront tout à leur aise désigner de nouvelles instances du FLN (un nouveau BP, un nouveau comité central, un nouveau SG) mais aussi le candidat du FLN aux prochaines élections. Longtemps excroissance du pouvoir et de l'administration, ce parti réussit aujourd'hui le tour de force d'être membre de la coalition au pouvoir et de contrôler la majorité au Parlement tout en ayant un pied dans l'opposition. Certes, il y a eu la cure d'opposition imposée par la période Abdelhamid Mehri, par ailleurs signataire des accords de Sant'Egidio, mais la situation actuelle est originale et dépasse le seul cadre d'une contestation de façade. Tout laisse croire que Ali Benflis, en déclarant que le FLN est désormais souverain dans ses décisions, est décidé à aller en profondeur et à imprimer une nouvelle philosophie et de nouvelles méthodes de travail. Les menaces brandies par Nouredine Yazid Zerhouni révèlent des arrière-pensées dangereuses pour l'avenir de la démocratie en Algérie: lorsque Abdelkader Hadjar reconnaissait publiquement qu'il était le commanditaire des agressions contre les mouhafadhas du FLN à Blida et Mascara, personne n'est venu lui demander des comptes, alors qu'il agissait en toute illégalité, mais les mêmes qui lui servaient de parapluie sont prêts, le 14 août, à mettre le feu aux poudres tout en cherchant des poux dans la tête des partisans de Benflis. La manoeuvre n'est-elle pas un peu grosse? L'asservissement de l'administration et la mise en quarantaine des élus FLN vont de pair. C'est là que saute aux yeux la contradiction de M.Zerhouni, qui, d'un côté, vante la transparence des dernières élections, et de l'autre ne reconnaît pas les élus issus de ces scrutins. M.Zerhouni tenté de mettre le feu aux poudres pour provoquer des affrontements entre les pro-Benflis et les services d'ordre le 14 août? Fera-t-il ce pas? Il y a des sorciers qui jouent avec le feu!