La panique qui a gagné le régime chérifien lui fait, désormais, accumuler les erreurs de stratégie et d'appréciation. Ainsi, et après la lettre de «supplique» adressée aux Américains leur demandant de se ranger du côté des visions colonialistes marocains, le chef de la diplomatie de Mohamed VI a décidé, hier, de franchir le rubicon sur les colonnes d'un journal farouchement hostile à l'indépendance de la Rasd (République arabe sahraouie démocratique). Les propos de Mohamed Benaïssa et son adjoint Taïeb El-Fassi, respectivement ministre et ministre-délégué aux Affaires étrangères, se veulent péremptoires et rassurants. Ils n'en trahissent pas moins la grande panique qui a gagné les dirigeants chérifiens depuis leur cuisant échec face à une diplomatie algérienne désormais irrésistible. Ils ne comprennent pas, et en font même reproche aux concernés, que la toute puissance américaine ait fait alliance avec notre pays, le considérant - par la voix très autorisée du sous-secrétaire d'Etat américain - comme une région stratégique aussi bien pour l'Afrique que pour la Méditerranée et le moyen-Orient. Haineux, coléreux, ne comprenant plus ce qui leur arrive devant le retour en force de notre diplomatie, Benaïssa et El-Fassi, sur les colonnes de ce journal, qualifient l'Algérie de «ventre mou du Nord de l'Afrique». L'auteur des accords de libre-échange entre le Maroc et les USA, prenant ses désirs pour des ordres, espère que «James Baker et son plan unanimement adopté soit lâché par le département d'Etat alors que l'Amérique s'apprête à présider incessamment le conseil de sécurité». Il fait des propositions à la limite de la décence aux américains en leur rappelant que «le Premier ministre palestinien s'est rendu à Rabat après son périple à Washington et que les Palestiniens ont demandé au Maroc et non pas aux Algériens de jouer les intermédiaires avec les Israéliens». M.Benaïssa omet de signaler que le transit de M.Abbas par Rabat est dû au fait que le Maroc préside le Comité Al-Qods. Comme ils oublient, au passage, de mentionner que contrairement au Maroc, les Américains respectent notre pays et notre diplomatie, demeurée crédible et sûre, parce qu'elle est restée fidèle aux mêmes principes liés au droit international de tous les peuples à l'autodétermination. Notre pays, donc, ne peut normaliser ses relations avec Israël qui continue d'assassiner et d'accaparer des territoires palestiniens. Il ne peut pas, non plus, jouer quelque rôle d'intermédiaire que ce soit histoire de mener un peu plus en bateau un peuple déjà saigné à blanc. Et tous les éléments montrent qu'il s'acquitte à merveille de cette «répugnante» tâche. Les appels du pied faits à Washington rappellent que le Maroc serait un Etat modèle en matière de cohabitation entre l'islam et la démocratie, oubliant seulement de rappeler qu'aucune démocratie n'existe dans ce royaume, en butte à présent à une effrayante montée du terrorisme islamiste dont l'ampleur est carrément en train de faire chanceler le trône de Mohamed VI. El-Fassi, face à une Algérie dont le poids ne fait plus de doute et dont la crédibilité peut la faire intervenir efficacement presque partout dans le monde, admet indirectement l'échec de ses propres diplomates en parlant d'un nouveau statut pour eux, et sans doute d'un grand mouvement dans ce corps hautement stratégique dans les prochains jours. Le chef de la diplomatie marocaine et son adjoint à court d'arguments et sans doute de force aussi, avouent que le «règlement politique» tel que préconisé par Rabat ne signifie rien moins que l'interdiction au peuple sahraoui de décider seul de son destin. Cela, avant d'annoncer officiellement un nouveau chantage sur Alger en indiquant qu'aucune normalisation, ni relance de l'édification de l'UMA, ne seront possibles tant que la question du Sahara ne serait pas tranchée... en faveur du Maroc. Ce dernier ajoute, tentant d'en convaincre les diplomates du conseil de sécurité, qu'il s'agit d'une affaire vitale pour le Maroc et qui ne concerne qu'Alger et Rabat, qualifiant les dirigeants et membres du Polisario de «vulgaires mercenaires». Une sortie pareille, qui n'honore guère la diplomatie déjà ternie de Mohamed VI, trahit au contraire son sentiment d'échec devant la marche immuable du triomphe du droit et de la liberté.