Comme un seul homme, tous les journaux de Sa Majesté ont insisté sur la nécessité qu'Alger fasse des «concessions». Comme il fallait s'y attendre, les journaux marocains, dans leur écrasante majorité, ont consacré hier leurs manchettes au ballet diplomatique dont est la scène la capitale algérienne, avec les déclarations relatives à la question du Sahara occidental, émanant de Paris, Madrid et Washington. Une fois n'étant hélas pas coutume, des journaux comme Le Matin du Sahara ou bien Bayane El-Yaoum, se sont bien gardés de verser dans l'invective, pour se faire tout «doucereux», se contentant de profiter des brèches faites par Barnier, Moratinos et Bush dans la carapace du droit international, concernant le droit du peuple sahraoui à l'autodétermination. Ainsi, les principales publications marocaines, toutes tendances et/ou couleurs politiques confondues, se sont-elles empesées sur le fait que pour la première fois depuis l'apparition de ce conflit entre le Maroc et la Rasd (République arabe sahraouie démocratique), c'est la première fois que la plupart des «super-puissances» accordent leurs violons sur une partition unique, venue, hélas, accorder la part belle aux velléités colonialistes du régime de Rabat. Le Matin du Sahara, qui admet l'absence du moindre moyen que Rabat puisse trouver un terrain d'entente avec Alger, que Mohamed VI continue de vouloir impliquer dans une question qui n'est en rien la sienne, évoque les «bons offices d'amis communs» qu'est la France, un pays qui a eu «l'heur» de coloniser aussi bien le Maroc que l'Algérie durant une bonne partie des deux siècles passés. On peut en effet lire dans ce journal que «la France, qui connaît bien l'Algérie pour l'avoir administrée pendant près de deux siècles, qui connaît le Maroc pour l'avoir eu comme protectorat pendant 44 ans, qui connaît -à ce double titre justement d'ancienne puissance tutélaire de l'un et de l'autre-, les tenants et aboutissants du conflit du Sahara dit occidental et qui a connu les affres de bien des guerres fratricides avec ses voisins et rivaux européens, saura certainement trouver les mots justes et les arguments qu'il faut pour ramener les responsables algériens à de meilleures dispositions et leur rappeler que tous les efforts, tout l'argent et toute l'énergie dépensés depuis bientôt trente ans ne valent pas un grain de sable du Sahara.» Ce ton, beaucoup plus proche de la supplique que de la véhémence, qui a de tout temps caractérisé les journaux marocains quand il s'agit de cette question, est également décelable dans les autres journaux, lesquels se contentent surtout de reprendre les déclarations initialement faites par les chefs de la diplomatie française et espagnole ainsi que par le président américain. Il est rappelé au passage, en manière de menace nouvelle, à peine voilée, à la suite du rappel des «voeux» de Bush que cette question doit trouver une solution concertée dans les plus brefs délais, que le Maroc est le seul pays allié stratégique des Etats-Unis en dehors de l'Alliance atlantique (Otan). Les fameuses concessions dont se gargarisent les Marocains consistent en fait à accorder une large autonomie aux Sahraouis tout en maintenant dans le giron du Royaume la politique étrangère, la Défense nationale, les questions relevant de la souveraineté et, comme de juste, la gestion des ressources souterraines. Nulle part, donc, il n'est question des résolutions du Conseil de sécurité, soutenu par la suite par Baker dans son plan, à savoir le droit du peuple sahraoui à décider souverainement de son sort par voie référendaire. Rabat, pourtant, avait accepté ce principe à la conclusion des fameux accords d'Houston. Rien ne justifie, donc, un pareil revirement de la part d'un Palais qui soutient mordicus que les Sahraouis seraient des sujets marocains. Si la logique, la morale, autant que les principes liés au respect du droit international abondent tous dans le sens de la tenue d'un référendum au Sahara occidental, il ne fait aucun doute qu'une offensive concertée de la part de Paris, Madrid, Rabat et Washington, tend à régler cette question au seul profit du Maroc pour des raisons qui restent encore à définir.