Israël, le petit «USA» de la région, avertit tous azimuts ses voisins arabes. Au moment où la situation se dégrade avec le Liban suite aux dernières attaques du Hezbollah libanais contre des objectifs israéliens, le ton monte entre Palestiniens et Israéliens qui s'échangent des accusations. Cette soudaine détérioration, du climat général dans la région, est induite d'une part par les atermoiements d'Israël, pour ce qui est de la mise en oeuvre de la «feuille de route», d'autre part, par la mort d'un dirigeant du Hezbollah libanais, victime d'une explosion la semaine dernière à Beyrouth. Explosion qui est imputée par le mouvement chiite libanais aux renseignements israéliens. Après une accalmie de près d'un an, le front Nord (Liban-Syrie) est ainsi sur le point de s'embraser à nouveau. Empêtrés dans les territoires palestiniens dans une situation inextricable - qu'ils ont eux-mêmes favorisée - les Israéliens qui ont toujours su manipuler les évènements à leur profit semblent avoir délibérément réveillé le front libanais, pour faire diversion sur leurs difficultés présentes. En effet, quel intérêt avait le Hezbollah libanais de rompre, à ce moment précis, une trêve de facto qu'il observait depuis presque une année? Aussi, imputant la responsabilité du meurtre, d'un de ses dirigeants, à Israël, le Hezbollah a-t-il répliqué en bombardant vendredi la zone de Chabaâ, pomme de discorde entre Libanais et Israéliens, dont le sort est toujours en suspens après le retrait israélien du Sud-Liban. Après les bombardements de la localité libanaise occupée par les Israéliens, Washington a été le tout premier à condamner l'attaque et à avertir Beyrouth et Damas. Aujourd'hui, ce sont les Israéliens qui font de même menaçant Libanais et Syriens de représailles. Ce qui ressort des déclarations, faites hier, du chef de la diplomatie israélienne, Sylvan Shalom, qui indiquait: «Si nos ressortissants sont atteints (par les tirs du Hezbollah) nous devrons les défendre et il vaut mieux pour la Syrie et le Liban qu'ils ne nous mettent pas en demeure de le faire.» Ce qui est une menace à peine voilée contre Beyrouth et Damas. Cependant, ce qui aussi nouveau et, à tout le moins curieux, est le fait qu'Israël menace aussi d'en référer au Conseil de sécurité de l'ONU. Un Conseil de sécurité dont Tel-Aviv a toujours foulé au pied les décisions, ne lui reconnaissant même aucune prérogative dans le contentieux proche-oriental, comme l'a bien montré la manière avec laquelle Israël a interdit à la mission d'enquête de l'ONU de faire la lumière sur les massacres, en juin 2002, de Palestiniens au camp de réfugiés de Jénine. L'ONU a été ainsi mise dans l'incapacité de faire les investigations qu'appelaient ces crimes de guerre et crimes contre l'humanité. Le curieux de la situation est qu'il se trouve que, grâce à la rotation tournante, c'est la Syrie qui préside, pour le mois en cours, le Conseil de sécurité. Ce qui permet à un responsable israélien d'affirmer que «la Syrie doit comprendre qu'elle ne peut pas présider aux débats du Conseil de sécurité tout en soutenant le terrorisme.» Israël, qui se met au dessus du droit international, assimile par trop facilement tout ce qui est Arabe au terrorisme, déniant à la Syrie le droit d'assumer ses responsabilités au niveau du Conseil de sécurité. De fait, se comportant en petit «USA» du Proche-Orient, Israël qui ne s'est pliée à aucune des résolutions du Conseil de sécurité des Nations unies, distribue des avertissements et des menaces à ses voisins arabes. Aussi, peut-on supposer, le réveil du contentieux avec le Hezbollah libanais survient bien à propos, au moment même où le gouvernement Sharon fait tout pour torpiller la «feuille de route» sans pour autant assumer la responsabilité de ce sabordage. De fait, la construction du «mur de sécurité» est en réalité un véritable sabotage du processus de paix de la «feuille de route», à tel point que cette opération embarrasse les Américains qui, cependant, n'ont rien fait de notable pour dissuader les Israéliens de poursuivre une opération qui est en porte-à-faux avec les efforts jusqu'alors consentis pour redonner tout son crédit au plan de paix international. Or, les «pressions» américaines sur Israël, si pression il y a, se limitent à «l'expression des préoccupations» de Washington. Ce qui est loin d'être adéquat pour faire fléchir l'irrédentisme israélien. Le double jeu américain apparaît lorsque, recevant le Premier ministre palestinien, Mahmoud Abbas le 25 juillet, le président Bush a relevé que le «mur» constituait un «problème». Ce propos du président américain a été alors largement médiatisé. Recevant le chef du gouvernement israélien, Ariel Sharon, quelques jours plus tard, le 29 juillet, cette mention du «problème», créée par le mur israélien, a totalement disparue des déclarations américaines. Ce qui permit à Sharon de réitérer à partir de Washington que la construction de la «clôture de sécurité sera poursuivie». Aussi, l'agitation israélienne autour du Hezbollah est, au mieux, une diversion, plus probablement une autre fuite en avant. Les Israéliens, en fait, n'ont jamais été prêts pour la paix considérée, par une majorité d'entre eux, comme une catastrophe, trop habitués qu'ils sont à faire la loi dans des territoires ne leur appartenant pas (cf. les territoires palestiniens, le Sud-Liban-Chabaâ, le Golan syrien) et assurés aussi de la mansuétude et de la protection inconditionnelle de la super-puissance américaine.