Garante de la stabilité du pays, elle semble penser que ce qui se passe au FLN nuit à la République et peut conduire à sa perte. Le voeu fait par l'Armée, à travers les multiples sorties médiatiques du général Lamari, de ne plus se mêler de politique a-t-il été rompu ou bien est-ce justement le souci de n'avoir pas à gérer une hécatombe que l'ANP est en passe de mettre le holà au conflit qui mine actuellement le FLN? En fait, l'information qui fait état de l'enquête demandée de manière officielle, qui plus est, par les plus hautes autorités militaires, sonne comme une résolution de leur part d'intervenir aux fins de mettre un terme à une situation absurde où tous les instruments de la République semblent impuissants à trancher. En effet, l'Algérie est en situation où un simple conflit partisan peut paralyser toute l'activité politique du pays, voire dégénérer en confrontation aux conséquences graves. L'intervention de l'institution militaire dans la crise qui déchire le FLN est un précédent dans l'histoire de l'Algérie indépendante. Présente dans les structures du FLN et de l'APN, jusqu'en 1988, l'ANP n'a pu amorcer son retrait de la sphère politique. Pis encore, elle s'est vu catapulter sur le devant de la scène, à la veille de l'arrêt du processus électoral, et n'a commencé sérieusement à s'en défaire qu'avec l'élection du premier président civile, en l'occurrence Abdelaziz Bouteflika. Durant la période 1992-1999, l'institution militaire a constitué le seul rempart de l'Etat-nation. La situation sécuritaire et le délabrement politique aidant, les généraux ont fait la décision politique, notamment dans la désignation des premiers magistrats du pays. La relation de l'Armée à la classe politique était à l'époque limpide. Des lignes rouges ont été tracées par l'ANP. Lesquelles ne devaient en aucun cas être franchies par les prétendants au poste de Président de la République, sous peine de marginalisation pure et simple. On retiendra, à ce propos, le caractère républicain de l'Etat algérien et le refus du contrat de Rome. La participation du FLN sous Mehri à la rencontre de Sant'Egidio, lui a d'ailleurs valu une mise au placard et son remplacement par le RND. On se souvient que la crise qui a conduit à la chute de Abdelahmid Mehri n'a eu aucune incidence sur la stabilité du parti, pour la simple raison qu'à l'époque, l'Armée pesait de tout son poids pour le retour du FLN dans le giron du discours anti-intégriste. La nouvelle Constitution de 1996 et la bénédiction du RND en 1997, allaient, dit-on, dans le sens du renforcement de la rupture avec l'islamisme dur, à l'origine de la flambée de violence. Au lendemain de la présidentielle de 1999 et le plébiscite qu'a connu au sein de la classe politique la Concorde civile, il était entendu que la République était sortie de la zone rouge. Le terrorisme étant dépouillé de tout soubassement politique, il devenait désormais une affaire technique et non plus politique. C'est à ce moment-là que l'Armée a décidé de prendre sa «retraite politique» et de vaquer à ses «occupations constitutionnelles». Ayant clairement affirmé sa volonté de ne pas prendre part aux prochaines joutes électorales, les politiques semblent avoir outrepassé d'autres lignes rouges où l'administration est devenue un instrument non pas pour empêcher l'émergence d'une force politique antinationale, mais servir les desseins d'un clan contre un autre, avec pour toile de fond une lutte sans merci pour la récupération du FLN. Garante de la stabilité du pays, l'Armée semble penser que ces pratiques nuisent à la République et peuvent conduire à sa perte. Aussi, s'est-elle apparemment donné la mission de régulateur de la vie politique, tout en la transcendant. Une nouvelle donne induite par l'institution militaire qui reconfigure sa position sur l'échiquier national. Ainsi l'ANP surveillera de plus près que l'on pensait le processus politique et aura un autre type de relations avec les différents partis présents sur la scène. La question de fond que posent les observateurs est de savoir si l'Armée arrivera à garantir l'impartialité de l'administration. Ce serait, en tout cas, une première dans les annales politiques de la nation.