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«Mouloud Feraoun ne trichait pas»
DOMINIQUE LURCEL, COMEDIEN, À L'EXPRESSION
Publié dans L'Expression le 29 - 10 - 2011

Un intellectuel engagé par les mots pour son pays mais parfois en contradiction avec lui-même
Adaptation du Journal (1956-1962) de Mouloud Feraoun, Le contraire de l'amour est un spectacle sobre mais au discours ô combien mordant n'ayant laissé personne indifférent mercredi dernier lors de sa présentation au TRB. Le comédien, accompagné d'un violoncelliste, laisse entendre une personnalité puissante et profonde. Nous découvrons un Feraoun tourmenté et inquiet sur le présent tout comme sur l'avenir de son pays. Aussi, un humaniste franc qui se pose des questions sur la logique d'une guerre qui tue des innocents des deux côtés. Un homme qui sonde les raisons «justes» de cette cause.
Enfin, un intellectuel engagé par les mots pour son pays mais parfois en contradiction avec lui-même. En somme, un homme complexe et lucide car il ne triche pas. Le Feraoun de ce spectacle dérange, déstabilise le public pour finir par le réconcilier à la fin. Intelligence et simplicité quand tu nous tiens. Des éléments forts qui rejoignent l'état d'esprit de Feraoun dans cette pièce théâtrale. Son metteur en scène nous en éclaire davantage.
L'Expression: Vous êtes venu l'année dernière dans le cadre du Festival du théâtre professional au TNA avec Folie Coloniale et là vous revenez avec une nouvelle pièce de théâtre intitulée Le contraire de l'amour, oeuvre inspirée du Journal de Mouloud Feraoun. Tout d'abord pourquoi ce titre?
Dominique Lurcel: Parce que c'est une expression qui est tirée d'une page du journal de Mouloud Feraoun et je trouve que c'est un très beau symbole de tout ce qu'il développe dans ces années 1956 à 1962 où il a tenu son journal. Il y a chez lui, d'après moi en tout cas, une demande d'amour très forte qui est devenue impossible et un deuil très difficile à faire. Il y a aussi une analyse de la colonisation qui a été le contraire de l'amour. C'est-à-dire au fond l'indifférence. Je trouvais donc un très beau titre pour cette adaptation du journal de Mouloud Feraoun. Il y a des enseignants qui connaissaient déjà Le fils du pauvre, et Le journal était introuvable en France depuis 15 ans. Depuis le premier septembre il a été réédité. Il est sorti en France. Donc c'est formidable. Il y a le spectacle, le livre et une dynamique qui s'est mise en place. J'ai été bouleversé par son écriture car ce qui est formidable chez lui c'est qu'il est un grand écrivain, un grand bonhomme. Il est toujours du côté des victimes. En même temps, c'est un penseur et analyste qui a du recul. Il est en même temps dedans et dehors. Il n y a pas de parole aussi forte que la sienne sur cette période-là. J'en ai parlé avec des historiens. C'est le plus grand texte de cette période-là qui est toujours d'actualité car il parle du Printemps arabe, de la servitude et de la dignité retrouvée. Il est donc universel ce texte. On retrouve un peu Camus dans son tempérament humaniste.. Oui, il est proche de Camus mais ce dernier s'est arrêté en route et lui il va au bout. C'est vrai qu'on sent de grands points communs avec Camus, dans son rapport avec la justice, la morale, c'est la même famille.
Toute la pièce tourne autour du Journal donc?
Tout le texte qu'on entend ce sont des passages du Journal. J'ai choisi une cinquantaine de pages. Je l'ai lu quatre fois avant. Il y a deux, trois thèmes qui m'ont semblé essentiels et j'ai essayé d'abord de respecter la structure du journal qui est faite de moments très précis. Ce qui est très passionnant dans ce journal c'est qu'il soit un mélange de choses très précises, vues, concrètes, au quotidien et un mélange d'analyse à distance de l'événement. Ce que je trouve extraordinaire chez Feraoun c'est qu'il soit en même temps en souffrance avec les victimes, et en empathie avec les bourreaux. En même temps, il a un regard spécial sur l'événement, il a une forme d'ironie, un regard exceptionnel. Pour moi, c'est le document sur la période de la guerre d'indépendance. Il n'y a pas deux qui ont cette force-là. Parce qu'il est en même temps une analyse sur la colonisation, il y a des pages comme ça où on le sent extrêmement lucide. D'une clarté, d'une intelligence très grande. Tout en disant qu'il faut absolument que l'indépendance ait lieu, il y porte un regard inquiet. C'est un personnage fait de contradictions, de choses très contrastées, c'est ce que j'ai essayé de garder dans le montage, ces éléments-là, mais aussi le chemin qu'il prend. Car au début, on voit qu'il n'y croit pas. Il n'adhère pas complètement à la lutte. C'est encore l'intellectuel un peu dans son coin. Petit à petit, au fur et à mesure que les années passent, on sent l'image du peuple qui retrouve sa dignité, cette envie est de plus en plus présente. J'ai voulu faire entendre ce cheminement. Il finit par adhérer à cette idée de la lutte.
Comment avez-vous réalisé votre travail sur le texte de Feraoun?
C'est essentiellement de passation de textes. Il n'y a rien. Autant dans Folie Coloniale était quelque chose en mouvements, avec des tableaux, des chants, ça bougeait, là on est dans une sobriété totale. Il y a un fauteuil, une table et la parole de Feraoun incarnée. C'était ça le travail. Le journal passe d'une émotion à l'autre, avec quelquefois des contradictions très fortes d'un jour à l'autre, en fonction de ce qu'il voit, de qu'il entend à la radio, de ce qu'il lit au journal, le travail avec Samuel était de faire entendre ces passages-là. Pour l'acteur c'est une gymnastique extrêmement difficile car il doit être pleinement dans une émotion. On passe d'une date à une autre, d'une émotion à l'autre. Il faut jouer avec ses variations pleinement. C'est vraiment une direction d'acteur...
La scène est toute sobre finalement
Oui j'ai souhaité un plateau très petit. Une espace de plateau clos. Le plateau fait trois mètres sur deux. Il ne sort jamais de là. Il est accompagné par un contrepoint musical signé par Marc Lorace qui est violoncelliste et qui a crée une sorte de dialogue entre l'instrument et la voix de Feraoun.
Pourquoi cet intérêt sur la guerre d'Algérie dans deux de vos pièces?
Oui, de façon générale, c'est ma compagnie Passeur de mémoire qui en est à l'origine, et le fait que je m'intéresse beaucoup à l'histoire, aux problèmes mémoriels qui ne sont pas encore réglés, car la question de l'Algérie ça reste en France une question ouverte, une plaie pas refermée. Il y a vraiment une guerre de mémoire. Ce qui est formidable chez Feraoun c'est qu'il n'apporte peut être pas des réponses mais une complexité. Dans son regard sur les choses, il n'est jamais dans le manichéisme. Il y a sans doute mon adolescence, j'avais 15 ans à l'époque, je me souviens des manifestations à la fin des années 1950 en faveur de l'indépendance. J'ai participé à ça, j'étais très politisé.
Ce sont des choses qui sont revenues et je ne les jamais perdues de vue. Elles sont revenues avec la loi en 2005 sur l'aspect positif de la colonisation. Il faut refaire un travail là-dessus. Il faut dire les choses et les faire entendre. Comme j'avais travaillé sur Folie Coloniale (période de la colonisation) j'ai découvert Feraoun, j'ai donc voulu travaillé cette fois sur la guerre d'indépendance. J'ai aussi travaillé sur Feraoun avec des jeunes de la banlieue parisienne.
Il y a trois ou quatre ans on avait fait un stage, ces jeunes étaient magnifiques et bouleversants. Je me suis dit il faut faire entendre Feraoun. En France on ne le connaît pas très bien. Je voulais faire découvrir cet écrivain-là. L'Algérie c'est quand, même la colonisation par excellence. Elle est exceptionnellement riche. Elle pose des problèmes que d'autres colonisations n'ont pas posés. Elle est un peu le modèle français avec tout ce que cela comporte comme défaut.
Quand on a joué Folie Coloniale à Paris, on a eu pas mal de gens qui sont venus d'Afrique et des Antilles. Ces gens-là, en voyant cette pièce se reconnaissaient totalement. Ce que raconte le spectacle sur l'Algérie c'est aussi leur histoire. Une sorte de colonie générique voilà.
Et là on arrive à la célébration du cinquantième anniversaire de l'Algérie...
Ce que dit Feraoun à mon avis, je dirais que c'est une parole exemplaire sur cette période, une réflexion sur comment un peuple sort de l'esclavage. De ce point de vue d'ailleurs, c'est assez étonnant d'entendre aujourd'hui, -nous l'avons joué à Avignon tout le mois de juillet,- les gens nous dire que ce que dit Feraoun renvoie au Printemps arabe; cela renvoie à ce qui se passe en Tunisie et en Egypte. On voit comment un peuple renaît après des dizaines d'années de servitude et de d'acceptation. L'ironie du sort, ce n'est pas la France officielle aujourd'hui qui cherche la reconnaissance du tort de la France coloniale envers l'Algérie mais la France officieuse représentée par Edwy Plenel et une pléthore d'intellectuels
Ce n'est pas tellement le pardon. C'est de reconnaître effectivement car tout le discours de Sarkozy tourne autour de la repentance, or, on n'a jamais dit qu'il fallait se repentir, car ce n'est pas nous directement, ce sont nos pères et nos grands-pères, mais dire les choses officiellement. C'est vrai que la France officielle met un temps fou à reconnaître les pages sombres de son histoire. C'est terrible, car cela empêche de construire un futur réconcilié. Il faut dire les choses pour les dépasser. C'est pour cela que j'ai fait Folie Coloniale. Donc, je suis tout à fait d'accord avec la démarche de Plenel et les autres signataires récemment, suite à le célébration du 17 octobre il y a une semaine. En France, il y a eu quelques manifestations, des recueillements. Des choses ont été dites aux informations à la radio mais à la télé aucune chaîne, ni grande ni petite soit-elle, n'a consacré une soirée thématique aux 50 ans d'Octobre 1961. C'est scandaleux. J'ai beaucoup de documents vidéo qui datent entre 1998 et 2002 de l'époque de Jospin. Il y avait énormément d'émissions là-dessus. Et depuis que la droite est revenue au pouvoir, on ne veut pas en parler. il y a une certaine lourdeur. L'Etat français n'a pas encore le courage de tourner la page, de dire: «Oui on a fait ça.» Sarkozy triche, depuis 2007 il fait des cadeaux au Front national. Il est coincé. Il n y a pas que l'Algérie, il y a aussi le Cameroun où on a fait des choses incroyables là-bas.
La France refuse aussi de le dire. Il y a aussi la célébration des outre-mer en France. Eux, ils ne sont pas indépendants, ce sont des départements français. C'est peut-être un peu démagogique pour dire qu'on s'occupe un peu de vous. Y a un côté très paternaliste quand-même dans tout ça.


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