Le rassemblement auquel ont appelé les opposants au secrétaire général s'est achevé enfin de compte en queue de poisson. En effet, le duel tant attendu entre les antagonistes a tourné au fiasco. Les opposants se sont contentés d'échanges d'amabilités et d'accusations pimentées par quelques coups de barre ayant entraîné la blessure d'une vingtaine de personnes. «S'ils refusent de reconnaître le résolutions du 8e congrès, pourquoi alors avoir mis sur les badges distribués aux invités et à la presse le nouveau logo adopté par le parti justement lors de ce congrès?» Question pertinente venant de la part de Djouhri, membre de la mouhafada d'Alger à laquelle aucun des membres anti-Benflis n'a pu apporter la moindre réponse. La rencontre anti-FLN, organisée sous le couvert d'un double rassemblement estudiantin et sous l'égide des organisations estudiantines, l'Onea et l'Aren, et qui a été autorisé pour cela par l'administration, qui s'est tenue jeudi au pavillon central du palais des Expositions, sis aux Pins-Maritimes à Alger et géré par la Société des foires et exportations (Safex), a failli tourner au vinaigre, n'était l'intervention musclée des forces de l'ordre. En dépit de cette intervention, on dénombre plusieurs blessés des deux côtés à la suite des affrontements entre militants du Front de libération nationale. En effet un cordon sécuritaire a été mis en place très tôt. En dépit de ce cordon, les premières escarmouches sont enregistrées bien avant l'arrivée des délégations. Armés de gourdins, de bâtons, de pierres et d'armes blanches, les militants des campus se sont regardés longtemps en chiens de faïence. Entre-temps quelques pro-Benflis ont réussi à pénétrer à l'intérieur. Dans leur tentative d'empêcher l'organisation de cette manifestation, ils ont réussi à casser les pots de fleurs ornant l'allée de la salle avant que les forces de l'ordre n'interviennent et les mettent dehors selon les instructions reçues. Ce qui a donné lieu aux premiers accrochages entre militants du même parti. L'arrivée de Rabha Tounsi, présidente de l'Andvt, a mis le feu aux poudres. Dès sa descente de voiture elle fut prise à partie par les anti-Benflis qui lui saccagèrent complètement son véhicule. Loin de se calmer, elle entonna un «Zerhouni assassin et Benflis président» repris en choeur par l'assistance. Ce à quoi répondirent les pro-Bouteflika «Benflis assassin». Ce qui a fait réagir un militant pro-Benflis «Pourtant c'est Zerhouni qui a plus de 120 morts sur la conscience.» Une réplique qui sera suivie illico d'une «les ârchs sont avec Benflis» et d'un «aujourd'hui, demain les ârchs sont avec Benflis». En outre, la présence de Attaf, arrivé dans son véhicule personnel, a stimulé les pro-Benflis à redoubler d'ardeur dans leur quête de défense de leurs bien et légitimité. Entre-temps, Mohamed Zaïm, président de l'APW d'Alger, avec quelques militants acquis à Benflis, tentent de briser le cordon sécuritaire en vain. «Regardez, ils ont ramené des gosses de Biskra, de Mascara et d'autres wilaya sous le prétexte de leur faire goûter les plaisirs de la grande bleue», ne cesse de clamer un militant. D'ailleurs, Zaïm n' a pas hésité à reprocher aux congressistes d'avoir laissé les gosses sans nourritures: «Il a fallu que nos militants les prennent en charge au niveau de la kasma au risque de subir une insolation.» C'est à ce moment que quelques militants de la mouhafada d'Alger arrivent à briser les chaînes du portail supérieur et entrer en force. Surpris dans leur réunion qui venait de commencer, les «congressistes» dressent un rempart humain devant la porte menant à la grande salle de conférences aidés en cela par les éléments de la brigade anti-émeutes et des policiers en civil. Dans la salle, plus de 500 militants avaient pris place avec pour chef de file Abdelhamid Si Afif, ancien président de la commission des affaires étrangères de l'Assemblée populaire nationale. Au premier rang, on pouvait facilement apercevoir Saïd Barkat, ministre de l'Agriculture, Taïeb Louh, ministre du Travail, Amar Tou, ancien ministre et actuel président de l'Autorité de régulation des télécoms, et Rachid Harraoubia, ministre de l'Enseignement supérieur et de la Recherche scientifique. Ce dernier a été d'ailleurs rapporteur des commission des programmes lors du 8e congrès du FLN, dont les résolutions sont aujourd'hui remises en cause. Tous, à l'exception de Tou, ont été exclus du parti par la commission de discipline. Prenant la parole, le mouhafad de Dar El-Beïda a lu une déclaration à l'assistance où il est fait mention des résolutions adoptées par ce congrès bis. Entre-temps les échauffourées continuent à l'extérieur entre les militants des deux camps. A la fin du pseudo-congrès et pour échapper à l'émeute, les ministres ont été dans l'obligation de prendre la poudre d'escampette par une vitre brisée comme de «vulgaires voleurs». Afin de régler leurs comptes avec les anti-Benflis, les militants ont improvisé un sit-in barrant ainsi la route aux bus. Mais c'était compter sans la vigilance des forces de l'ordre qui avaient couvert la fuite des congressistes par une autre issue. Loin de baisser les bras, les pro-Benflis se sont rendus à Hydra afin de protéger leur siège d'un éventuel assaut que la rumeur a amplifié. A midi, les antagonistes se sont dispersés sous un soleil de plomb. Dans l'après-midi, une réunion a été tenue au siège du FLN. Au cours d'un point de presse improvisé Medjahed, en présence de Sallat, Attaf, Bouchemla, Bouguettaia et Zaim, a qualifié les pseudo-congressistes «de voleurs au service de l'administration, qui se proclament de la démocratie, mais qui refusent le verdict des urnes». De l'autre côté de la ville, Sid-Ahmed Toumamri, président de l'Aren, présidait une réunion d'évaluation. A ce sujet, il déclare: «Nous allons constituer des commissions de préparation d'une instance nationale des militants du redressement pour consacrer la démocratie.» «D'ailleurs, notre action vise à réapproprier non seulement le parti, mais toute l'Algérie» qu'ils estiment avoir été dévoyés par les partisans de Benflis. Ce dernier n'a pas voulu faire le déplacement sur le terrain pour ne pas envenimer davantage la situation, selon certains membres du bureau politique du FLN. Un rendez-vous est d'ores et déjà pris pour la première semaine de septembre. Et là, les choses devraient prendre une autre tournure.