Alors que la violence connaît une nouvelle recrudescence, la recherche d'un gouvernement d'union bute sur un Jaafari calé sur ses positions. La détermination du Premier ministre sortant, Ibrahim Al-Jaafari, à maintenir sa candidature outre de bloquer la formation d'un gouvernement d'union nationale, est en train de fissurer l'Alliance chiite, et risque même de provoquer une scission dans son propre parti, le Da'wa. Au moment où le choix d'un Premier ministre complique les négociations entre chiites, sunnites et Kurdes, la situation sécuritaire s'est encore dégradée ces derniers jours, la violence se poursuivant partout en Irak occasionnant des dizaines de morts. Hier, plusieurs attentats ont eu lieu dans le pays avec un bilan de douze morts et de nombreux blessés. De fait, près de 500 Irakiens ont trouvé la mort au cours du mois de mars, précisément depuis l'attaque contre le mausolée chiites à Samarra. Depuis, une guerre larvée des mosquées s'est déclarée entre chiites et sunnites, plusieurs mosquées sunnites ayant été attaquées et incendiées en représailles. Outre les attentats, et la guerre des mosquées, l'autre fléau qui mine l'Irak ce sont les rapts de citoyens suivis de leur assassinat. Des dizaines de corps, exécutés par balles ou égorgés, sont quotidiennement trouvés dans les périphéries des villes irakiennes, assassinats dont la majorité est attribuée à des mystérieux ‘'escadrons de la mort''. La guerre se fait aussi sentir dans les rangs des soldats américains, dont les pertes se sont élevées ces derniers jours. Ainsi, entre jeudi et dimanche, 15 militaires américains sont morts, dont les deux membres d'équipage d'un hélicoptère abattu samedi au sud de Baghdad. Plus que jamais la violence est ainsi maîtresse des rues et quartiers des villes et villages irakiens, sans pour autant inciter les politiques à savoir raison garder afin de trouver un terrain d'entente permettant la formation d'un gouvernement qui mettra fin à la vacance de pouvoir. Toutefois, face aux atermoiements des uns, à la détermination des autres, un cabinet d'union nationale ne semble pas sur le point d'être trouvé. Le Premier ministre sortant, Ibrahim Al-Jaafari, par son opiniâtreté obtuse semble devoir assumer un éventuel coup de grisou dans l'Alliance unifiée irakienne, dont son parti le Da'wa est membre, mais aussi au sein même du Da'wa menacé maintenant d'une scission. De fait, la belle unanimité de la coalition chiite conservatrice semble avoir volé en éclats, plusieurs députés chiites demandent maintenant à M.Jaafari de se désister afin de débloquer la situation. Déjà contesté par les sunnites, qui lui reprochent sa gestion catastrophique du volet sécuritaire, et les Kurdes, qui n'apprécient guère son individualisme, Ibrahim Al-Jaafari, commence à perdre le soutien, y compris dans son rang, parmi les chiites conservateurs, dont nombreux sont maintenant conscients que le maintien d'Al-Jaafari au Premier ministère constituerait un mauvais choix, d'autant plus que son entêtement commence à diviser la coalition chiite en créant des problèmes au sein de l'Alliance unifiée irakienne (AUI, qui dispose de 128 sièges au Parlement élu le 15 décembre dernier). Pour le moment, M.Jaafari, qui est devenu la pomme de discorde entre Irakiens, bénéficie du soutien d'une partie des élus du Da'wa, (qui a 25 députés dans l'AUI) et de Moqtada Sadr chef chiite radical (30 représentants au sein de l'Alliance). De fait, les partisans d'Al-Jaafari et ceux qui lui demandent de renoncer à un second mandat en sont venus à se compter. La persistance d'Ibrahim Al-Jaafari à maintenir sa candidature pour un deuxième mandat à la tête du gouvernement a de fait dangereusement fissuré l'équilibre de son propre camp. C'est dire jusqu'où est allé le blocage entre les divers courants chiites d'une part et ses partenaires kurdes et sunnites d'autre part. Ne faisant pas dans la dentelle, le député kurde Mahmoud Osmane a estimé que «l'alliance chiite (AUI) fera fausse route en maintenant la candidature de M.Jaafari parce que cette attitude met des bâtons dans les roues du processus politique». En effet, les positions des formations politiques irakiennes sont à ce point irréconciliables, du moins dans le contexte politique actuel, que Mme Rice et Jack Straw, chefs des diplomaties américaine et britannique -en visite surprise à Baghdad dimanche et lundi- s'en sont retournés bredouilles ne parvenant pas à convaincre les politiques irakiens de faire les compromis permettant d'allez à l'essentiel, la formation d'un gouvernement dont l'urgence n'est plus à signaler. De fait, Mme Rice et M.Straw ont tout fait pour que leur visite à Baghdad ne soit pas interprétée comme une ingérence, Condoleezza Rice, précisant même à propos de la désignation d'un Premier ministre qu' «Il revient au peuple irakien d'en décider». Toutefois -comme le montre la résolution de M. Jaafari- laissés à eux mêmes, les politiques irakiens, qui ne semblent avoir tirés aucun enseignement des évènements de ces derniers années, se donnent en spectacle, se disputant un pouvoir relatif dans un pays plongé dans les affres de la guerre où l'on dénombre quotidiennement au moins une cinquantaine de morts.