«C'est toute la presse qui est ciblée à travers l'interpellation illégale et l'audition du directeur du Matin», affirme la défense de M. Benchicou. Dès 8 h 30 et accompagné d'un grand nombre de journalistes et d'amis, le directeur du journal Le Matin s'est présenté à la sûreté de la wilaya d'Alger pour y être auditionné par des éléments de la PJ qui, s'appuyant sur les textes de loi, «ont refusé la présence des avocats». A 9h 00 précises, commence l'audition qui a duré un peu plus de trois heures. Pendant ce temps, une grande inquiétude se lisait sur le visage des présents qui n'avaient d'autre alternative que d'attendre la suite des événements. Les avocats et les journalistes étaient dubitatifs quant au bien-fondé de cette convocation qui, selon eux «ne repose sur aucun argument légal». Vers 13h, un communiqué de la Dgsn apporta la réponse aux interrogations. Ce dernier, note qu'«après la découverte le 23 août à l'aéroport Houari Boumediene des bons de caisse d'une valeur de 11.700.000 DA dans les bagages de M.Benchicou de retour de Paris, le procureur de la République territorialement compétent, saisi le 24 août, a ordonné l'ouverture d'une enquête judiciaire et a demandé aux services de police la poursuite des investigations.» L'assistance et les avocats se sont toutefois demandés, «pourquoi aucun PV n'a été établi au moment de la découverte à l'aéroport et pourquoi les douanes n'ont pas été saisies comme le stipule la loi et le code des douanes», ajoutant que «seules les douanes sont habilitées à procéder au contrôle et à l'établissement d'un PV s'il y a infraction». Vers midi et alors qu'il était attendu que le directeur soit présenté devant le procureur, les policiers ont quitté les locaux de la police en compagnie de M.Benchicou et ce à l'insu de ses avocats. En fait, nous révèlent ces derniers, «ils l'ont emmené pour procéder à une série de perquisitions à l'intérieur du domicile de sa mère et sur les lieux de son appartement, sis rue des Pins à Hydra» ajoutant que «Benchicou a refusé de signer le PV». L'information selon laquelle Benchicou n'était plus dans les locaux a suscité l'agitation parmi les journalistes, sympathisants et autres hommes politiques présents. Alors qu'au sein du journal Le Matin, se tenait une conférence de presse animée par les avocats et les responsables de la rédaction, le directeur a été relâché et invité à se représenter le jour suivant à 17h au sein des locaux de la police pour poursuivre l'enquête déclenchée. «Ils ont évité de le placer en mandat de dépôt pour la simple raison qu'il était identifié et ne pouvait pas quitter le territoire national». Dès son arrivée aux locaux du journal, M.Benchicou a pris la parole pour déclarer: «La corporation doit se mobiliser, car les auteurs de cette cabale comptaient sur la division de la presse», ajoutant avec force: «Il faut que la presse transcende les différences existantes pour mieux faire face à cette cabale qui vise à faire taire la presse dans son ensemble.» M. Benchicou n'omettra pas de saluer le formidable élan de solidarité des journalistes et de tous ceux qui se sont sentis, de près ou de loin, concernés par cette «injustice». «Le directeur du Matin a tenu à dénoncer les pratiques endurées a son corps défendant et qui dénotent la nature mafieuse du pouvoir qui recourt, encore une fois, à de lâches procédés d'intimidation.» L'organisation Reporters sans frontières (RSF), basée à Paris, s'est «inquiétée» mardi des «pressions» exercées par la police algérienne à l'encontre du Matin et de son directeur. Dès l'annonce de l'ultimatum des imprimeries d'Etat, en quasi monopole en l'absence de rotatives privées en nombre suffisant, la France avait souhaité qu'une solution respectant la liberté de la presse soit trouvée. «La France est profondément attachée à la liberté de la presse partout dans le monde. Nous formons le voeu qu'une solution soit trouvée, dans le respect de cette liberté, au différend qui oppose aujourd'hui les quotidiens algériens concernés et leurs imprimeurs», avait déclaré, mardi, la porte-parole adjointe du ministère français des Affaires étrangères, Cécile Pozzo di Borgo. A rappeler que ce harcèlement intervient après la diffusion de certaines affaires scandaleuses dans lesquelles aurait été impliqué le ministre de l'Intérieur. Il est permis, à en croire la tournure des événements, que d'autres patrons de journaux pourraient être inquiétés dans les jours à venir. La question est de savoir: qui sera le prochain sur la liste du département de Zerhouni?