Une guerre pour le contrôle de la mouvance islamiste Le MSP veut se démarquer des partis au pouvoir, rassembler les islamistes et contrer la fraude électorale. Est-il digne de cette mission? Dans une énième tentative de se débarrasser de son étiquette de parti qui a cautionné toutes les dérives du pouvoir, le président du MSP, Bouguerra Soltani, essuie une salve de son rival de toujours, Abdallah Djaballah. «Vous ne m'intéressez pas» a répliqué M. Djaballah à l'appel à l'union lancé par M. Soltani aux islamistes. Contacté pour avoir sa réaction sur la sortie du président du MSP, Abdallah Djaballah, fondateur des mouvements En Nahda et El Islah a, dans un premier temps, refusé de commenter cette initiative avant de tirer à boulets rouges: «Les affaires de ces gens ne me concernent pas dans ces circonstances», a-t-il répondu pour couper court à toute conversation à propos de cette question, soulignant que ce qui l'intéresse pour le moment, c'est l'agrément de son nouveau parti, le Front pour la justice et le développement (FJD). En filigrane, c'est une guerre de leadership qui se dessine entre les deux responsables islamistes: qui va fédérer la mouvance islamiste? Pour Djaballah, il n'est pas question d'offrir cette opportunité à Soltani. Répondant à une question s'il accepterait des anciens du FIS dissous dans son nouveau parti, il a été affirmatif et catégorique: «Oui, à condition qu'ils jouissent de tous leurs droits politiques, et qu'ils se reconnaissent dans le programme du parti. Si ces deux conditions sont réunies, je ne verrai aucune objection à l'adhésion de ces militants au FJD», a-t-il répondu dans un entretien paru hier sur le journal online TSA. S'agissant des militants ayant quitté le MSP, El Islah et En Nahda: Abdallah précise: «C'est déjà fait. Je ne veux pas anticiper et citer de noms, mais je peux vous confirmer l'adhésion d'un nombre important de cadres issus de ces deux partis.» Voilà donc qui coupe l'herbe sous les pieds de Bouguerra Soltani qui risque de faire les frais de sa compromission avec le pouvoir. Appâté par la montée des islamistes dans les pays de l'Afrique du Nord ou Tamazgha, le président du MSP tente la manigance et appelle à l'union des islamistes algériens. «Les partis représentant le courant islamiste doivent s'allier pour les prochaines échéances électorales afin d'améliorer leurs résultats», a-t-il lâché, avant-hier lors d'un point de presse tenu dans la wilaya de Bordj Bou Arréridj. A Bordj Bou Arréridj, Cheikh Soltani a «commis» un autre appel. Il s'agit d'un projet pour un «front national contre la fraude» dans la perspective des prochaines échéances électorales. Une démarche qui s'avère pour le moins aberrante pour un parti qui s'est toujours distingué par des positions ambiguës et imprécises par le passé. «Tous les partis politiques agréés sont appelés à participer à ce front pour faire respecter la volonté populaire exprimée à travers les urnes», a-t-il précisé. Où était-il lorsque les partis de l'opposition avaient appelé à contrer la fraude ou la dénoncer? «Le MSP n'a aucune crédibilité pour s'occuper aujourd'hui de la fraude électorale», commente un militant de l'opposition. Ces appels prêtent, en effet, à équivoque tant il est vrai qu'une couche d'hypocrisie les enveloppe. Autrement, ils auraient mis toute la classe politique dans l'embarras, d'autant plus que le MSP compose avec le FLN et le RND et est membre du gouvernement. Bouguerra Soltani qui est passé maître depuis longtemps, dans l'art de l'ambivalence, garde un pied dans le pouvoir et propose l'autre... C'est ce qui s'appelle danser avec les loups et pleurer avec les bergers. Lors du même point de presse, le président du MSP a indiqué que la survie de l'Alliance présidentielle est tributaire de sa transformation en partenariat politique. Avec ce double discours, appeler les islamistes à l'union et vouloir transformer l'Alliance en partenariat, le MSP risque d'y laisser des plumes. S'il en reste bien sûr. En vérité, ce parti islamiste tente une sortie honorable de l'auberge. Sur un autre plan, le président du MSP a estimé que la confiance du peuple dans ses dirigeants, ses institutions et ses élus doit être de nouveau «patiemment tissée» au regard de la nécessité qu'impose aujourd'hui la réalité politique. Le conférencier reconnaît implicitement l'échec de ses élus et de ses ministres. L'assumera-t-il? Improbable pour un parti qui mange à tous les râteliers...