Sans doute, n'est-ce ni la première ni la dernière fois, qu'un collectif d'une entreprise mise en difficulté se ligue et décide de se battre jusqu'au bout pour sauver son gagne-pain. Les travailleurs de L'Expression, qui ont partagé beaucoup de moments heureux, parfois difficiles, qui ont relevé des défis très importants, ont pris sur eux de vous interpeller directement, M.le Chef du gouvernement, afin que cette grande aventure intellectuelle ne soit pas assassinée quasiment dans l'oeuf. Notre journal, il faut le souligner avec force, est encore trop jeune. Il n'a que deux années et demie d'existence. Même les entreprises pratiquant quelque commerce plus lucratif n'équilibreraient pas leurs comptes en un laps de temps aussi court. M.Ahmed Ouyahia, fervent défenseur de la libre-entreprise et des aides aux investissements privés, tant nationaux qu'étrangers, vous devez le savoir mieux que personne. Il n'est nullement dans nos intentions ici de quémander quoi que ce fut de qui que ce soit. Nous demandons seulement que les règles de la commercialité, dont parlent tant les pouvoirs publics, ne soient pas imposées dans un seul sens. Jugez-en vous-même, M.le Chef du gouvernement. En dépit du jeune âge de notre journal, qui vient de subir une épreuve dont aucune autre publication ne se serait relevée après une si courte existence, la direction s'est acquittée d'une somme globale de 12,5 milliards de centimes, comme l'attestent les copies des chèques certifiés adressés aux différents imprimeurs. Les dettes auprès des SIA, SIO et SIE sont intégralement épongées. Nous avons même payé des avances de deux mois, qui sont de l'ordre de 3 milliards, sans parler de la caution de 600 millions initialement détenue par la Société d'impression du centre. Ce sont précisément ces trois milliards qui nous manquent afin de solder définitivement les comptes et de redémarrer avec une vigueur nouvelle et un second souffle pour toute l'équipe. Le fait que le directeur de notre journal ait décidé de payer une somme aussi importante, alors qu'il ne lui manque plus que trois milliards, est la preuve irréfutable de sa bonne foi et de son envie d'en finir une bonne fois pour toutes avec ces tracas, cette véritable épée de Damoclès qui pèse sur les têtes de tous les journaux indépendants algériens. Ce n'est pas tout. La preuve irréfutable de cette bonne foi est bien le fait que pas moins de trois milliards aient été initialement payés à la Simpral au moment où L'Expression la quittait pour la SIA au tout début de cette année. Dans le même temps, un échéancier portant sur le règlement d'une somme équivalente avait été établi sur une durée de près de quinze mois. Le directeur-fondateur de notre journal, Ahmed Fattani, a joué la carte de la transparence absolue avec son équipe, mettant à nu ses comptes et ses «difficultés», en somme préfabriquées. C'est pour cette raison que nous prenons sur nous de vous interpeller pour éviter qu'un véritable crime ne soit commis. Un crime et un parjure que l'histoire et le peuple retiendront à votre passif. Nous détenons des créances publicitaires de l'ordre de trois milliards auprès de nombreuses institutions publiques, principalement des collectivités locales. Ces créances ne nous ont pas été payées depuis plus d'une année. Nous vous demandons donc, Monsieur le Chef du gouvernement, d'user du pouvoir qui vous a permis d'obliger des journaux à s'acquitter de leurs dettes avant de reparaître d'amener nos débiteurs à régler leurs dus, ou bien à reconsidérer la décision de suspension qui nous frappe en attendant que la somme totale soit encaissée, c'est-à-dire pour une durée qui ne saurait excéder une semaine ou deux. Le pouvoir, dans cette affaire, est interpellé dans sa crédibilité même, puisque les potentiels investisseurs étrangers risquent de faire une croix définitive sur notre pays s'ils voient que les décideurs appliquent une politique éculée des deux poids deux mesures envers un journal qui nourrit directement pas moins de 80 familles et qui a généré des dizaines d'autres emplois indirects. Nous mettons à votre disposition, M.Ouyahia, mais aussi de l'opinion publique, les documents qui prouvent que l'argent qui permettrait notre retour est détenu par les institutions étatiques. Nous prenons également à témoin tout le monde pour dire que notre journal est viable, tout en prouvant avec brio qu'il avait les capacités intellectuelles et financières de figurer allègrement dans le peloton de tête dont les titres eux, totalisent une dizaine d'années d'existence au moins. Si nous insistons sur notre retour immédiat avec des arguments qu'aucune logique ne peut réfuter, c'est que chacun doit savoir que chaque jour qui passe est ressenti avec un plus grand sentiment d'injustice que le précédent. Les répercussions financières et morales en sont trop lourdes à supporter. Cette lettre, adressée à l'homme d'Etat que vous êtes, vise à mettre à nu les chiffres et les vérités et à placer chacun devant ses responsabilités le jour où il faudra rendre, mais aussi solder, des comptes. Le collectif