Un vieil émigré, ancien syndicaliste et retraité de chez Renault est passé à la rédaction s'enquérir de l'absence du journal: «Vous revenez quand? Vous savez, je me suis habitué à ce journal et je trouve que depuis le 18 août, cela fait un peu long!». Après lui avoir expliqué les tenants et les aboutissants de cette affaire et lui avoir fait comprendre que les imprimeries nous réclament le paiement cash de toutes les factures et qu'il nous manquait quelque 30 millions de dinars pour «apurer» les comptes, notre syndicaliste réfléchit un bon coup et déclare: «Mais c'est absurde! Les imprimeries sont en train de scier la branche sur laquelle elles sont assises!» Et devant notre étonnement face à ce raccourci, le vieux de s'expliquer: «En agissant ainsi, les imprimeries font tout pour pousser les journaux à acquérir seuls ou en coopérative des rotatives. Certes, aujourd'hui, elles sont en situation de quasi-monopole, mais ce n'est pas aller vite en besogne que de dire que dans moins de cinq ans, elles risquent de baisser rideau!» Et notre lecteur d'ajouter: «C'est le cas de dire que tant va la cruche à l'eau, qu'à la fin elle se casse!». Après avoir tenu à encourager toute l'équipe du journal, «au moins avec des mots, car je n'ai pas les moyens de le faire autrement!», notre vieil émigré de prédire: «Je sais que ces jours-ci doivent être durs pour tous, lecteurs et travailleurs du journal, mais l'issue est certaine. Alors, il nous faut tenir bon!». De pareils témoignages d'amitié et de sympathie ne peuvent que nous réconforter et nous galvaniser dans notre détermination. A notre tour de répondre à ce brave monsieur et à tous nos lecteurs: «Le retour sera pour bientôt! La galère, aussi longue soit-elle, finira bien par cesser!» Certes, pour l'heure, le tableau est des plus sombres. Même si des responsables et non des moindres, ne partagent pas forcément, notre vision. Tout est question d'angle de vision. Depuis le perchoir du Conseil de la nation, tout peut sembler teinté de rose! A El-Mouradia, où l'on s'enorgueillissait de n'avoir jamais interdit un journal, ce sont du coup six titres à la fois qui sont dans l'oeil du cyclone! De quoi faire verdir de rage le plus obsolète des dictateurs. Le Chef du gouvernement et son parti s'égosillent à répéter que c'est là une affaire de commercialité! C'est bon d'en prendre note, mais les faits sont là, têtus et bien réels. Sur plus de 250 milliards de créances détenus par tous les titres confondus, il se trouve que seules les créances de six quotidiens sont montées en épingle. Certes, chacun se doit de payer ses dettes. Mais la question est de savoir pourquoi ces imprimeries ne réclament pas l'apurement des créances aux autres titres. Tous les titres, y compris ceux du secteur public? C'est ce qui nous permet aujourd'hui d'affirmer que le coup de la commercialité est «cousu de fil blanc!». A moins que le gouvernement ne trouve qu'il n'y a pas assez de chômeurs comme cela, et ne décide d'augmenter ce nombre en forçant les entreprises de presse à baisser rideau. La balle est dans le camp de M.Ouyahia!