Plusieurs journalistes et photographes ont été embarqués hier au commissariat central de la capitale. La journée d'hier a amplement prouvé ce constat amer dans l'évolution des rapports entre les pouvoirs publics et la presse dite privée. D'abord, au début de la matinée, à 9 heures précisément, le directeur du quotidien Le Matin, Mohamed Benchicou et Ali Dilem caricaturiste au quotidien Liberté ont été arrêtés alors qu'ils se trouvaient à bord de leur véhicule à Alger. Ils ont été conduits par des policiers en civil au commissariat central et devaient être présentés hier ou aujourd'hui au procureur de la République du tribunal de Sidi M'Hamed. Les deux hommes en détention avaient annoncé avant hier qu'ils ne répondraient plus désormais aux multiples convocations de la police qui leur étaient quotidiennement adressées. Ensuite, au début de l'après-midi lors de la venue des journalistes devant le commissariat central d'Alger pour s'informer du sort réservé aux deux hommes arrêtés ou tout simplement pour faire leur travail en assurant la couverture de l'événement, les choses ont pris une tournure encore plus grave. En effet, il a suffi que quelques confrères déploient une banderole sur laquelle était écrit: «Libérer nos journalistes» pour que l'ambiance devienne viciée et vire au vinaigre entre des policiers apparemment chauffés à blanc et des journalistes hyper-nerveux. Des échauffourées ont alors éclaté entre les deux camps qui s'observaient en chiens de faïence de loin jusqu'à cet instant. Dans une mêlée indescriptible en plein boulevard colonel Amirouche, d'autres journalistes ont été interpellés par des policiers en tenue et en civil et embarqués. Il s'agit du rédacteur en Chef du Matin, Youcef Rezzoug, son épouse, photographe au sein de la même publication, ainsi que des photographes des quotidiens El Watan, Liberté et Info Soir en mission de couverture devant l'édifice de la police. Le délégué des ârchs de la Cadc, Mustapha Mazouzi et Yacine Téguia, du parti MDS, apparemment de passage par hasard près des lieux, ont également été brutalement arrêtés. Visiblement, l'épreuve de force entre le pouvoir politique actuel et la presse privée n'est pas prête de prendre fin sans dégâts des deux cotés, ni encore moins sans fracas sur la scène nationale. Bien au contraire! Le bras de fer entre les deux parties, commencé au milieu du mois dernier, va crescendo au gré des rapports de forces en présence. L'argument de la commercialité est à des années-lumière de ce qui se passe dans la réalité algérienne. L'accélération des évènements ces dernières heures donne à penser que les mesures d'intimidation de ces journaux et leur harcèlement judiciaire et policier a augmenté d'un cran supplémentaire. Autrement dit, tous ceux qui cherchaient sur place à comprendre ce qui se passait couraient le risque d'être embarqués manumilitari. Ni l'argument commercial, ni encore moins le principe du droit et de la liberté de presse n'avaient droit de cité sur le lieux. Pourtant, quatre des six journaux interdits d'impression ont payé et ont pu reparaître. Néanmoins, leurs problèmes ne semblent pas, au vu de l'évolution de la situation prêts de finir. Les deux autres quotidiens ne sont pas parvenus à revenir sur les étals des buralistes bien que l'un de ces quotidiens en l'occurrence, L'Expression, a déboursé pas moins de 98% de ce qu'on lui réclamait. Les cas de Liberté et du Matin sont pathétiques. Ces deux titres ont réuni dans des délais relativement très courts les sommes exigées et ont épongé rapidement jusqu'au dernier sou leurs soi-disant créances. Cependant, il semble que leurs dettes étaient plus politiques que simplement financières et partant, leur stratégie de payer pour s'exprimer, est à revoir, sinon à réévaluer. La journée d'hier a laissé entrevoir que leurs adversaires sont déterminés à aller jusqu'au bout de leur singulière logique qu'ils donnent la bourse ou pas.