La communauté internationale vient encore de s'illustrer par sa pusillanimité face à Israël. La communauté internationale montre, encore une fois, l'image d'une société incapable de se prononcer face aux exactions israéliennes, donnant l'impression surtout de vouloir arrondir les angles sans intervenir sur le fond, au moment où un chef d'Etat, Yasser Arafat, -fusse-t-il président d'un pseudo-Etat, l'Autorité palestinienne -, est le plus officiellement du monde menacé d'assassinat par le gouvernement d'un Etat membre des Nations unies: Israël. Ne nous leurrons pas, samedi étaient réuni à Genève, en session spéciale, -consacrée à l'Irak-, les ministres des Affaires étrangères des cinq pays membres permanents du Conseil de sécurité (les Etats-Unis, la France, la Grande-Bretagne, la Russie et la Chine) et le secrétaire général de l'ONU, Kofi Annan. Autrement dit, à Genève se trouvaient en conclave, les «vrais» décideurs du monde, qui avaient là l'opportunité, à tout le moins, de condamner de manière plus explicite la prétention d'Israël à disposer de la vie d'un homme. Sans équivoque, différents responsables politiques et militaires israéliens se sont étalés dans la presse locale d'hier, sur la façon de faire un sort au président palestinien pour, expliquent- ils, le «liquider», terme employé par Avi Dichter, chef du Shin Beth (service intérieur de sécurité israélien). Cette propension à parler froidement du meurtre qu'ils comptent commettre contre un homme qui a le tort de résister à Israël, est induite par l'arrogance d'un peuple qui sait ne courir aucun blâme et est assuré de l'impunité totale quoi que décident ses responsables. Ainsi, dans une déclaration à la radio israélienne, Ehud Olmert, ministre du Commerce et de l'Industrie et vice-Premier ministre, peut se permettre de dire que «le cabinet israélien a décidé en principe de se débarrasser d'Arafat, qui est un obstacle à la paix. Son expulsion est une option, et sa liquidation en est une autre. Il est aussi possible de la confiner dans des conditions cellulaires en le privant de visites et de téléphone». Face à cet oukase, la conférence de Genève fait le dos rond se contentant d'affirmer un euphémisme qu'il était «essentiel de continuer d'appliquer la - feuille de route - » comme l'indiquait le secrétaire général de l'ONU, Kofi Annan, qui s'est gardé de faire référence à la décision de «principe» d'Israël d'expulser Yasser Arafat et à la menace de mort qui plane sur le président palestinien. Dès lors, que la communauté internationale reconnaît en Israël, un Etat à l'évidence hors normes, et bénéficiant de la compréhension du monde, même dans ses crimes les plus abjects. De fait, les Israéliens se voient quasiment encouragés à poursuivre la liquidation et le génocide du peuple palestinien, (des dizaines de responsables palestiniens ont été victimes d'assassinats ciblés), dont le tort est de réclamer son droit à vivre libre sur son territoire, occupé par l'armée israélienne. Les exécutions extra-judiciaires, les destructions récurrentes, ont été possibles, il faut bien le relever, grâce à l'accord tacite de la communauté internationale qui feint de ne pas voir les destructions quotidiennes qu'inflige l'armée israélienne d'occupation aux infrastructures et aux institutions palestiniennes. Aujourd'hui, du fait de s de l'armée d'occupation les territoires palestiniens sont devenus un vaste champ de ruines, ce qui n'empêche pas les cinq permanents et le secrétaire général de l'ONU, ce dernier excessivement prudent dans ses propos sur Israël, de mettre en avant une «feuille de route», plus illusoire que réelle -aussi mort-née que les précédents plans de paix pour le Proche-Orient, mis en échec par l'irrédentisme israélien. N'est-ce pas Ariel Sharon qui avait dit déclaré, dans sa toute première déclaration, en tant que chef du gouvernement israélien en mars 2001, que le processus d'Oslo était «définitivement mort»?, amorçant par là la violence qui déferle sur le Proche-Orient depuis la profanation de l'Esplanade des Mosquées par Sharon alors leader du Likoud. Cette situation a pu se perpétuer parce que, alors que les Nation unies sont marginalisées, la communauté internationale avait accepté les fausses solutions proposées par Israël et les Etats-Unis. Du fait du veto de Washington et d'Israël, il n'a jamais été possible à la communauté internationale d'imposer la seule solution qui était envisageable pour que réellement tout processus de paix ait des chances de réussite. Solution expérimentée ailleurs qui fait de la séparation des deux belligérants, -par l'interposition d'une force internationale de paix des Nations unies-, une condition sine qua non pour toute réussite d'un plan de paix. Cela s'est fait au Timor, au Kosovo au Sahara occidental, en RD du Congo et partout dans le monde où la violence rendait la présence d'une force tierce indispensable. Cette donne, pourtant incontournable pour toute solution négociée, se heurte au Proche-Orient au refus catégorique d'Israël qui ne veut à aucun prix voir officialiser les frontières entre les territoires palestiniens occupés et Israël, Quoique leur reconnaissant le statut de territoires occupés, les Nations unies n'ont en revanche rien fait pour que cette distinction soit observée par Israël, (cf. Israël ne reconnaît pas cette occupation persistant à nommer «Judée et Samarie» les territoires palestiniens), ce qui aurait rendu plus difficile l'intervention militaire de l'armée israélienne, actuelle administratrice des territoires palestiniens occupés. D'où l'opposition d'Israël à officialiser une frontière entre les deux entités. Les Israéliens disent clairement, et à haute voix, qu'ils veulent en finir avec le président palestinien, -c'est bien le ministre israélien de la Défense Shaoul Mofaz qui affirme «il faut tuer Arafat». Or, la communauté internationale ne trouve que «la feuille de route» à mettre en avant quand il fallait réagir plus énergiquement au moment où une disparition brutale de Yasser Arafat signifierait la fin de tout le processus engagé depuis dix ans et qu'une Autorité palestinienne sans Arafat serait une coquille vide et sans répondant. C'est bien ce que veulent les Israéliens qui se sont acharnés ces trois dernières années à déstructurer l'Autorité palestinienne totalement neutralisée autant par la déstabilisation de ses services, singulièrement les services de sécurité, -ciblés par l'armée israélienne au même titre que les mouvements de résistance-, que par la réoccupation des villes autonomes palestiniennes. Que reste-t-il dès lors de l'Autorité palestinienne si ce n'est une institution sans pouvoir réel et que la seule chose qui justifie aujourd'hui son existence c'est encore l'homme tenu, depuis 20 mois, en otage par l'armée israélienne dans le réduit de la Moukataâ à Ramallah, Yasser Arafat. La disparition d'Abou Ammar remettrait ainsi en question tout ce qui a été réalisé jusqu'à ce jour, -avec certes ses bas et ses hauts-, tout en rouvrant la voie à la violence, car Israël ne veut pas en face d'elle des interlocuteurs responsables, mais des hommes prêts à se soumettre à son diktat, allant même jusqu'à prétendre avoir un droit de regard sur les hommes appelés, d'une manière ou d'une autre, à diriger le gouvernement palestinien. Cela a été vrai pour Mahmoud Abbas qui a fini par se faire piéger dans le formalisme politicien, oublieux que sa mission était d'abord de défendre les droits des Palestiniens à ériger leur Etat indépendant. La décision d'éliminer Yasser Arafat procède de cette analyse simpliste comme quoi il suffirait d'isoler ou de supprimer le président palestinien pour que la route soit ouverte à la mainmise sur les territoires palestiniens. Un challenge que Sharon n'est pas prêt de gagner, pas, en tout état de cause, face à un peuple qui lutte depuis 55 ans pour faire reconnaître ses droits.