Sharon avoue regretter de «n'avoir pas liquidé Arafat en 1982 au Liban». Un de ses ministres veut «transférer» les Palestiniens, alors que des militaires ont un plan pour «réoccuper» la Palestine. Que fait la communauté internationale? En effet, si le chef de la diplomatie espagnole Josep Piqué, au nom de l'Union européenne, «regrette et rejette» ces déclarations du chef du gouvernement israélien, il n'en a pas été de même à Washington où le porte-parole du département d'Etat s'est suffi à estimer que les «remarques» de Sharon «ne sont pas utiles». Voici, un responsable d'un gouvernement «démocratique» qui avoue, mine de rien, «regretter» de n'avoir pas fait assassiner le leader palestinien Yasser Arafat, dans le sillage du massacre des populations palestiniennes de Sabra et Chatila sans autrement susciter l'horreur des «bien-pensants» dont la réaction aurait été autre si ces propos avaient été tenus par un dirigeant arabe contre Sharon. Parlant de Yasser Arafat, le chef de la droite israélienne déclare: «Au Liban, il y avait un accord au terme duquel il ne fallait pas le «liquider» et en fin de compte je le regrette», avoue Sharon dans un entretien au quotidien israélien Maariv. A l'époque des événements - auxquels il fait allusion - Sharon était ministre de la Défense et supervisa personnellement l'invasion, en juin 1982, du Liban, suivie, en septembre, du massacre des camps palestiniens de Sabra et Chatila. Il est patent que les propos que vient de tenir le chef du gouvernement israélien sont graves et inacceptables, et disent bien la haine du chef du gouvernement israélien envers le président et le peuple palestiniens. Cela situe le peu d'engagement de Sharon à contribuer à chercher les voies et moyens de mettre un terme à la violence. Bien au contraire, ses déclarations haineuses ne feront que radicaliser une situation déjà très pénible. Loin de calmer le jeu, en faisant, à tout le moins, la part des choses, le président américain, George W.Bush, donne l'impression de jeter de l'huile sur le feu en faisant chorus avec le sinistre bourreau des enfants palestiniens. Bien plus, recevant, hier, le roi de Jordanie Abdallah II, le président Bush critique un homme pris en otage et prisonnier de l'armée israélienne l'exhortant de «mieux travailler». Bush affirme: «Il y a un plan de paix, mais il ne peut démarrer qu'en se concentrant pleinement sur des efforts pour combattre la terreur et M.Arafat, doit faire un meilleur travail, nous pensons qu'il le peut» ajoutant: «Le meilleur moyen d'aller vers la paix est de garder en mémoire ce qui fait dérailler la paix, et ce qui la fait dérailler c'est la terreur.» M.Bush feint seulement d'ignorer que la terreur, dès les prémices de l'Intifadha avait été du fait du chef du gouvernement israélien qui provoqua, par tous les moyens, la terreur, dont sont victimes autant les Palestiniens que les Israéliens. Que dire de ce fait assez bizarre qui fait que le «parrain» du processus de paix, loin de se montrer équitable, prend fait et cause pour l'une des parties en conflit, notamment en écoutant sa seule version des événements, en recevant (le 7 février) pour la quatrième fois son représentant, Sharon, depuis son arrivée au pouvoir le 20 janvier, tout en dédaignant d'inviter M.Arafat. Relevons aussi le fait que les pressions américaines se font à sens unique, toutes contre Arafat et les Palestiniens, et la boucle est bouclée. Cette mansuétude envers les Israéliens les encourage à tous les dépassements et aux prises de position les plus extrêmes. Ainsi, le ministre israélien d'extrême droite, Benny Elon, n'hésitait pas, hier, à menacer les Palestiniens de «transfert», en d'autres termes d'une expulsion collective. Il a ainsi déclaré: «Il ne faut pas craindre de relancer l'idée d'un transfert et de discuter au grand jour des diverses possibilités qu'elle offre.» Indiquant: «Les Palestiniens doivent savoir que s'ils continuent leurs attaques, ils perdront leurs maisons et devront partir, comme cela fut le cas en 1948.» Que va dire le président Bush de ces propos racistes du ministre israélien du Tourisme? Dans son édition d'hier, le quotidien israélien Ha'aretz faisait état de l'existence d'un plan militaire israélien de réoccupation des territoires palestiniens autonomes. Le journal rapportait ainsi, que «de hauts responsables politiques et d'ex-généraux israéliens ont mis au point un plan proposant la réoccupation des territoires palestiniens et envisageant la possibilité d'assassiner le président Yasser Arafat». Ce plan, qui préconise également la destruction de l'Autorité palestinienne, aura pour objectif, selon la même source, une «action décisive» qui pourrait «changer la situation stratégique en une semaine». Cette activité démesurée ne se fait pas dans la clandestinité, puisque, selon Ha'aretz, le général Effi Eitam (qui dirige le groupe de responsables politiques et d'ex-généraux) a indiqué le plus officiellement que «c'était la première tentative entreprise par la droite pour présenter un plan politico-sécuritaire (...) qui propose des solutions». Solutions qui consistent, dans l'esprit de leurs auteurs, faut-il le souligner, en l'extermination du peuple palestinien. La solution finale chère aux nazis. Tour à tour, Sharon, Elon et Eitam ont esquissé, chacun à son niveau, une vision israélienne de la manière de mettre un terme au problème palestinien par l'élimination du problème : c'est-à- dire les Palestiniens. L'inertie de la communauté internationale, pour ne point dire sa pusillanimité dans l'affaire du Proche-Orient, aura autant encouragé les excès israéliens que leur propension à vouloir résoudre un problème essentiellement politique par la seule voie des armes et du diktat. Que fait, dès lors, la communauté internationale, sous la protection de laquelle se sont placés les Palestiniens, pour les protéger? Va-t-on laisser, sous la pression des Etats-Unis, les Israéliens continuer dans l'impunité leurs exactions contre un peuple victime d'un déni de droit, ou la communauté internationale va-t-elle enfin se ressaisir et assumer ses responsabilités pour replacer le dossier palestinien dans son contexte véritable de combat d'un peuple pour sa liberté et son droit d'ériger son Etat indépendant? Il y va de la survie d'un peuple quand les différents responsables politiques et militaires israéliens ne cachent plus leur objectif de «liquider» - au propre et au figuré - le peuple palestinien. Une fois encore, l'ONU est mise face à ses responsabilités. Que va dire Kofi Annan pour condamner les graves propos des responsables israéliens? Le dossier palestinien, qui n'est pas une question intérieure israélienne, est plus que jamais du ressort de la communauté internationale et des Nations unies.