Le 22 septembre prochain, 9 journaux au moins seront absents des étals. Cette décision prise par les directeurs de ces titres vise à protester contre le harcèlement dont sont l'objet de nombreux journalistes au lendemain de la reparution de quatre des six journaux suspendus par le pouvoir. A travers cette action symbolique, les professionnels de la plume entendent attirer l'attention de l'opinion publique sur la gravité d'une situation dont l'une des expressions se trouve être l'intervention de la police dans des affaires qui, en principe relèvent exclusivement de la justice. Dans le communiqué rendu public avant-hier, annonçant la journée de grève, les éditeurs des 9 journaux concernés par la journée de grève, affichent leur disponibilité à répondre aux convocations de la justice, mais s'élèvent contre la procédure qui consiste à entendre les journalistes sur PV établi par la police. La prise à témoin de l'opinion publique quant à la volonté de la corporation de respecter la justice en tant qu'institution souveraine de la nation constitue la première étape d'une riposte, qui se veut moderne, aux attaques répétées du pouvoir à l'encontre de la presse. Les éditeurs de journaux semblent décidés à ne pas se contenter de cette action symbolique, puisqu'ils comptent organiser «un forum pour les libertés» qui verra la participation des «forces sociales et politiques nationales». De plus, il est prévu de «dépêcher des délégations auprès des organisations internationales pour les alerter sur la gravité des atteintes aux libertés en Algérie». Une série d'initiatives dont l'objectif est d'amener la confrontation presse-pouvoir sur le terrain politique, ce que ledit pouvoir tente d'éviter justement, en évoquant l'argument commercial, puis en donnant une connotation strictement judiciaire au harcèlement contre la presse. En procédant de la sorte, il semble vouloir éviter d'aller au fond de la problématique qui tourne essentiellement autour d'articles de presse traitant des scandales au sommet de l'Etat. Cette façon de faire du pouvoir n'est pas nouvelle. En 1998 déjà, à situation comparable, il a usé de la même arme commerciale dans une tentative de détourner le débat des pratiques du personnel du système, pour l'orienter sur la survie de la presse en elle-même. En d'autres termes, le pouvoir noie le poisson dans l'eau. Dans ce nouveau face à face, version 2003, le rapport de force est à peu près le même, avec en prime une indépendance financière des journaux largement prouvée. En s'adjugeant le soutien de la société civile, la presse prend même une longueur d'avance et est à même, cette fois, d'amener les débats sur le terrain, non pas de la survie de la liberté seulement, mais sur les pratiques des hommes du système. Réussira-t-elle là où les partis politiques ont échoué? L'avenir nous le dira. Un avenir d'ailleurs assez proche.