«Les médias et la culture ne font pas bon ménage», affirme ce journaliste humaniste auteur de contes pour enfants... «Quelle place pour la culture dans les médias?» est le thème débattu avant--hier lors d'une rencontre tenue au pavillon La grande maison du 8e Salon international du livre. Parmi les intervenants, Abdou B, l'ex-directeur de l'Entv, qui n'ira pas de main morte avec la page culturelle de la presse algérienne, allant jusqu'à la qualifier de «dépotoir», préférant aussi les anciennes plumes qui ont fait jadis, certes, les beaux jours et les belles lettres de nos journaux à celles d'aujourd'hui. A contrario, Achour Cheurfi, journaliste à El Moudjahid et auteur du Dictionnaire des musiciens algériens mettra néanmoins un bémol en estimant qu'il y a tout de même une reprise d'intérêt avec la presse indépendante. «Au départ, il n'y avait pas de rubrique culturelle du tout. Au fur et à mesure, et malgré la violence, on continue à s'intéresser et à rendre compte des activités culturelles. C'est extrêmement positif». «Mais, reconnaît-il, il y a peu de magazines, hebdomadaires ou mensuels culturels...». Répondant à une réflexion soulevée par un journaliste d'El Watan ayant trait au manque de journalistes spécialisés dans le domaine culturel, et donc au manque de critiques à proprement parler, le journaliste Méziane Ferhani dira, pour sa part, qu'«il faut clairement distinguer entre information culturelle et la critique, sinon on tombe dans la corrélation de savoir, y a-t-il ou non de production culturelle». «Aujourd'hui, renchérit-il, il y a une vie éditoriale plus riche : le rôle de la rubrique culturelle est aussi de faire des enquêtes et de dénoncer le manque de production justement s'il n'y en a pas. Il ne faut pas qu'on braque les projecteurs sur la critique seulement. Mais aussi sur l'information culturelle». Abondant dans le même sens, Amine Zaoui, directeur de la Bibliothèque nationale d'El Hamma et aussi écrivain, regrettera, quant à lui, la quasi-absence de nos journaux du supplément culturel. «C'est désolant», lâchera-t-il avec dépit. Et de citer Tahar Djaout, Abdelkader Jemaï dans El Moudjahid notamment, qui avaient animé ces belles pages et ont, dit-il «encouragé notre génération». Parlant de son expérience à la radio (chaîne III), l'animateur et producteur de Papier Bavard (tous les mercredis de 21 h à 22 h), révèle qu'il y a très peu d'émissions culturelles à la radio. «Mais qui va animer ces émissions?» se demande-t-il interloqué. Et d'avouer: «On a atteint le degré de la pure fainéantise! Les émissions de jeux sont les plus faciles. Pourquoi? Ce n'est pas rentable!». D'aucuns savent que la culture est le parent pauvre du système et l'Etat a un rôle déterminant à jouer dans le développement et l'épanouissement de la chose culturelle dans un pays. Or celui-ci brille par son laxisme chez nous. Un monsieur, Sadek Kbir pour ne citer que celui-là, peine, avoue-t-il à monter un spectacle pour enfants. «Ce qui est plus grave, fait remarquer Ahmed Ben Allam, chroniqueur à L'Expression, est le débat culturel qui est évacué des colonnes de nos journaux». M.Ben Allam rappelle à notre mémoire la non-assistance aux intellectuels en termes de médiatisation. Citant deux exemples, celui de Ahlem Mostaghenemi et Amina Chouiker. Pour le premier, dit-il «c'est son roman Dhakiret El Djassed publié au Liban qui lui a donné une notoriété, alors que pendant plus de trente ans, elle a publié de nombreux livres et animé une émission à la radio. La même chose peut être dite à propos d'Amina Chouikh. Si son film, Rachida, n'avait pas été primé à Cannes, il serait passé totalement inaperçu». Achevant cette rencontre, M.Abdou B dira tout l'impératif de l'Etat à investir dans la spécificité de la chose culturelle. Tant qu'on ne prendra pas au sérieux les intellectuels, on n'est pas près de voir les choses s'arranger. En effet, comme l'a si bien fait remarquer notre ami Youcef Sayeh, ce n'est pas demain la veille qu'on verra l'effigie de Mohamed Dib sur notre monnaie!