L'ex-DEC de Sidi M'hamed, Alger, jure qu'on a scanné sa propre signature... L'accusé de faux et usage de faux a affirmé avec beaucoup de détermination qu'il avait été victime d'une machination orchestrée par des individus sans scrupule. «On a imité la signature qui traînait un peu partout dans tous les services de l'administration», a-t-il assuré à Brahim Kherrabi, le président du tribunal criminel d'Alger qui a bien étudié le dossier et réussi à poser de bonnes questions à l'accusé qui déclarait à l'époque que les arrêtés d'attribution de logements sociaux lui avaient été remis par le chef de la daïra sur instruction du wali d'Alger. «Mais vous aviez remis deux arrêtés à deux dames qui n'y ouvraient pas droit», précise le président. «Je m'adresse à un DEC qui avait les compétences pour diriger la commune», ajoute Kherrabi qui semblait ne pas vouloir avaler des couleuvres car il dira aussi: «Qu'est-ce qui vous a obligé à l'époque à justifier votre 'don'' aux deux dames en vous appuyant sur le chef de la daïra?» L'accusé plie mais ne rompt pas. L'échange est vif mais courtois. Le respect mutuel est à l'ordre du jour surtout que l'accusé s'acroche au feu vert du wali. Et Abdelaziz G. de balancer: «Exhibez donc ma signature, pas celle qu'on a imitée!» Le juge reprend: «Non, non. Restons sur votre déclaration première: celle où vous aviez dit et redit au juge d'instruction que nous aviez agi sur instruction verbale du chef de daïra», souligne le magistrat qui prend acte d'une question d'un des deux jurés. Messaoud Kennas, le procureur général, suit les étapes de l'interrogatoire sans trop vouloir y balancer du sel ou du poivre. Maître Bouchachi Mostefa, l'avocat, est debout à la gauche de l'accusé, attendant le moment propice pour intervenir. Pour le moment, les feux sont à «l'orange» pas au «rouge». Têtu, le président veut absolument que l'accusé ne réponde qu'aux questions posées par le tribunal criminel. L'accusé est acculé car il doit expliquer ce qui l'avait poussé à l'époque à mêler le chef de daïra et le wali à l'attribution des deux logements à deux femmes qui n'auraient jamais dû en bénéficier. «En trente-neuf ans d'exercice, je n'ai jamais été inquiété par la justice, ce n'est pas en 2012 que je dois expliquer des instructions!» lâche l'accusé qui panique soudain. Kennas se lève et demande à l'accusé de situer les deux logements. «Je ne connais pas l'endroit où se trouvent les deux logements. Nous ne nous intéressons qu'aux attributions. Je ne saurais donc vous répondre!» marmonne l'accusé qui rejette l'idée simpliste que d'autres attributions avaient été accordées. «Nous n'avons rien qui puisse prouver que ces documents portaient des signatures fausses», réplique Kherrabi qui laisse Maître Bouchachi poser la question portant sur le fait qu'il connaissait les deux bénéficiaires du logement. Et ce sera au juge de répondre: «Maître, il ne les connaît pas puisqu'il ne cesse de répéter qu'il avait reçu des instructions d'en ´´haut´´.» Maître Benchalal le soulignera fort bien plus tard, dans sa courte plaidoirie car son aîné, Maître Bouchachi, ne lui avait pas laissé beaucoup d'arguments à développer... Kennas ricane et semble être prêt à confondre l'accusé qu'il enfoncera plus tard par des propos sonnants et trébuchants. Kherrabi se dit outré que l'Opgi soit absent. «On dépose plainte. On court dans tous les sens pour voir le procès s'ouvrir. Une fois les parties convoquées, seul l'Office ne se présente pas. C'est inadmissible comme comportement. Le tribunal a des questions à poser. L'avocate, elle, ne doit que plaider», rugit le juge. Le procureur général est debout pour dire tout de go qu'il est déçu par le comportement de l'accusé qui se cache derrière les «instructions». «C'est trop facile de tenter d'embarquer le tribunal criminel en se maintenant dans la défensive. Il a commis un crime et veut échapper au châtiment. Mais le point important est de savoir quelle est la fonction de Shahrazed et de son mari? Ce dernier était, à l'époque, chef de daïra de Djanet. Voilà la vérité, la seule! Personne ne lui a volé le cachet ni imité sa signature», s'est exclamé Kennas qui s'est réjoui devant les «silences prolongés» de Abdelaziz G., cet ex-DEC que ses avocats ont présenté comme malade. «Vingt ans de réclusion», crache le parquetier qui ne semblait pas être si convaincu par la culpabilité de l'accusé, mais cette maudite indivisibilité du siège l'empêchera de le crier depuis son pupitre. Les deux avocats, Maîtres Bouchachi et Fadila Benchalal, vont tout tenter en vue de convaincre que le vrai faussaire est dehors et ce, depuis plus de dix ans. «La dernière fois, le président du tribunal criminel avait dit sa détermination à entendre toutes les parties, oui, toutes!»