Le plus vieux parti du pays s'apprête, angoissé, à vivre les trois jours les plus longs de son existence. La riposte ne s'est guère fait attendre de la part de la direction du FLN à la suite de l'acceptation de la tenue du congrès extraordinaire pour ce samedi, puis du refus qui s'en est suivi à peine quelques heures plus tard. Le bras de fer est désormais ouvert entre Ali Benflis et le «Président-candidat», pour reprendre les propres termes du porte-parole du FLN, lors d'une conférence de presse animée hier au siège de ce parti. Pour la première fois, la seule voix autorisée du FLN accuse ouvertement le chef de l'Etat d'être «derrière le complot visant à déstabiliser le FLN, et partant le devenir du pluralisme politique en Algérie». Abdesselam Medjahed est allé encore plus loin prévoyant de «graves conséquences sur la stabilité de toutes les institutions de l'Etat». Réuni en extrême urgence en session extraordinaire, le bureau politique a pris la décision de «maintenir l'ensemble des rendez-vous pris par le parti». En d'autres termes, et même si les lieux n'ont pas encore été déterminés par la direction du parti, le congrès extraordinaire «aura bel et bien lieu ce samedi 4 octobre alors que la réunion du comité central, prévue à la veille de ce rendez-vous déterminant, est, elle aussi, à la date qui est la sienne». Le juriste qu'est Abdelkader Sallat a tenté de résumer la situation telle qu'elle se présente actuellement: «Nous vivons un nouvel épisode extrêmement grave du complot ourdi contre le FLN dont le principal instigateur est désormais connu. Ce mardi, nous avons reçu deux autorisations nous permettant la tenue de notre comité central et de notre congrès extraordinaire appelé à désigner officiellement le secrétaire général du FLN, Ali Benflis, comme candidat à la magistrature suprême». Cet ancien ministre sous Benflis commente cette première réaction, à laquelle s'était jointe la voix de Zerhouni à partir de Batna, par le fait que «l'administration peut fonctionner normalement et légalement quand elle n'est pas sujette à des pressions exercées à des fins de pouvoir personnel. Or, le même jour, dans la soirée, nous avons été instruits verbalement du refus. La notification écrite nous a été donnée ce matin (hier). Elle argumente cela par la plainte qui aurait été déposée contre nous». Pour information, les copies de ces trois documents, appelés à entrer dans l'histoire des exemples à ne pas suivre en matière de pratiques démocratiques saines, ont été transmises à l'ensemble des représentants de la presse nationale. Aux yeux du conférencier, «nous nous trouvons en face d'une véritable hérésie juridique». En effet, explique-t-il encore, «le droit de la défense est garanti par la Constitution. A aucun moment nous n'avons été destinataires d'une quelconque plainte. Et encore moins d'une décision de justice rendue en notre défaveur». Ce n'est pas tout, «la loi organique relative aux partis politiques, abordant le gel des activités d'une formation politique, ne le prévoit que dans le cas où ce dernier a transgressé les lois de la République, ce qui est loin d'être le cas pour le FLN». M.Medjahed a enchaîné juste après pour dire que si l'on part de cette «instrumentalisation éhontée de la justice, il devient permis pour nous de déposer plainte contre n'importe quelle institution de la République, y compris le chef de l'Etat, et lui geler l'ensemble de ses activités avant même que la justice n'ait eu le temps de statuer sur le fond et la forme de cette affaire». Toujours est-il qu'au siège du FLN, la soirée d'hier, et les jours qui vont suivre sont vécus comme de véritables veillées d'armes. Une plainte en référé est censée aboutir dans les 48 heures, expliquent des juristes. Le pouvoir peut être tenté de devancer la formidable riposte de Benflis, qui a pris tout le monde de vitesse, en envoyant des agents poser les scellés avant la date fatidique de ce 4 octobre. «Le pouvoir n'en est pas à un grave dépassement près», rétorque M.Medjahed qui évite aussi de parler des risques d'affrontements. Ces derniers, en effet, ne sont pas une simple vue de l'esprit, comme nous n'avons pas manqué de le demander au conférencier puisque des ténors du «mouvement de redressement ont affirmé se préparer par tous les moyens à empêcher le déroulement de ce congrès extraordinaire». La scène politique nationale et la démocratie en Algérie vivent un tournant décisif. C'est pourquoi, Medjahed, qui indique que son parti oeuvrera par tous les moyens à défendre ses droits dans le respect de la loi, interpelle la classe politique et tous les acteurs «à en prendre conscience avant qu'il ne soit trop tard»...