Les événements se sont bousculés hier dans les territoires occupés, alors qu'à New York, Washington bloquait une résolution condamnant Israël. Ya-t-il un lien, ou cause à effet, entre l'attentat dont a été victime un convoi transportant des diplomates américains à Gaza, et le nouveau veto de Washington bloquant, ipso-facto, le projet de résolution présenté, au nom du groupe arabe, par la Syrie? Il est sans doute un peu tôt pour l'affirmer mais il reste que cette coïncidence dans le temps donne à ces deux faits la dimension d'événements du jour. Selon les premières indications des services de sécurité palestiniens, et des sources médicales, il y aurait entre trois et quatre morts et au moins un blessé, sans que ces chiffres ne soient confirmés de sources fiables. De fait, au moment où nous écrivons ces lignes, l'attentat n'a pas été revendiqué, et l'on ne sait pas avec certitude le nombre de diplomates se trouvant dans le transport attaqué. Hier, en milieu de journée, l'ambassadeur américain à Tel-Aviv n'avait pas précisé qui étaient les membres du convoi diplomatique américain, encore qu'il semble exclu que l'émissaire américain pour le Proche-Orient, John Wolff, soit parmi les victimes, selon des sources diplomatiques américaines. L'Autorité palestinienne a immédiatement et «fermement» condamné cet attentat. Dans sa première réaction, le président Arafat affirme «Je condamne avec la plus grande fermeté ce crime qui visait des observateurs américains venus en mission de paix et de sécurité». De son côté, le Premier ministre, Ahmed Qorei, indiquait «Nous souhaitons exprimer nos regrets et notre colère (a la suite de cet attentat) que nous dénonçons quels qu'en soient les auteurs». En fin de matinée, hier, une équipe d'enquêteurs américains était sur place à Gaza. Cet attentat contre le convoi américain, survenait dans le temps où, à New York, Washington, usait à nouveau de son veto pour soustraire Israël à la condamnation internationale unanime, pour la construction de «murs» qui empiètent profondément sur les territoires palestiniens occupés. Les Etats-Unis ont eux-mêmes dénoncé, ces dernières semaines, la construction d'une barrière qui, non seulement mettait à mal le processus de paix sous sa forme de «feuille de route», mais aussi rendait sans objet la «vision» du président Bush de deux Etats (Israël et Palestine) cohabitant au Proche-Orient. Ainsi, quand il s'agissait de mettre en corrélation les paroles et les actes, les Etats-Unis, se sont dérobés retrouvant leur réflexe primaire de protection de l'Etat hébreu, le soustrayant indéfiniment à la condamnation de la communauté internationale, même lorsqu'il a tort. En fait, l'affaire des «murs» vient confirmer la collusion existante entre Israël et les Etats-Unis, l'un des parrains du processus de paix. Expliquant le vote de son pays, l'ambassadeur américain à l'ONU, John Negroponte, indique que «le texte n'était pas équilibré et ne condamne pas le terrorisme en termes explicites». C'est quasiment le même motif avancé par le diplomate américain pour justifier le précédent veto, le 16 septembre, bloquant une résolution exigeant qu'Israël revienne sur ses menaces d'expulser Yasser Arafat. C'était aussi le cas le 20 décembre 2002 lorsque le Conseil de sé-curité con-damna Israël après la mort de plusieurs fonctionnaires des Nations unies tués par des soldats israéliens. C'est également un veto américain qui bloqua, en mars 2001, un projet de résolution recommandant l'envoi d'une force d'interposition internationale entre les belligérants israéliens et palestiniens. Au total, Washington a usé, ces dernières années, 78 fois du veto au bénéfice d'Israël pour bloquer sa condamnation par le Conseil de sécurité. Dans un communiqué, la représentation de l'ONU à Alger indique: «Le vote négatif d'un membre permanent du Conseil de sécurité, à savoir les Etats-Unis, a abouti au rejet d'un projet de résolution qui qualifiait la construction par Israël, puissance occupante, d'un mur dans les territoires occupés lequel s'écarte de la ligne d'armistice de 1949, d'illégale au regard des dispositions pertinentes du droit international. Le projet de résolution stipulait également que la construction de ce mur devait être interrompue et que le processus devait être inversé. Dix Etats membres, (ce qui constitue la majorité d'adoption du projet) ont voté en faveur de la résolution et quatre se sont abstenus : le Royaume Uni, la Bulgarie, le Cameroun et l'Allemagne». Réagissant au veto américain, l'ambassadeur français auprès de l'ONU, M de La Sablière, indiquait hier «Il est de la responsabilité du Conseil de réagir par l'adoption d'une résolution qui marque son opposition à la construction du mur selon le tracé choisi, tracé illégal au regard du droit international et dont les conséquences humanitaires et politiques sont gravissimes et inadmissibles». Pour leur part, les Palestiniens dénoncent, avec la dernière énergie, cette nouvelle entrave aux efforts de paix consentis par la communauté internationale. Ainsi, pour le négociateur en chef palestinien, Saeb Erakat, «le gouvernement israélien va comprendre ce veto comme un feu vert pour poursuivre la construction du mur et des colonies», indiquant «Les agissement israéliens, que ce soit la construction du mur et des colonies, les incursions, les expulsions ou les assassinats (...) méritent une condamnation et non un encouragement des Etats-Unis», soulignant «utiliser le veto contre une résolution appelant à l'arrêt de la construction du mur et des colonies revient à bloquer aussi la vision du président Bush de deux Etats (israélien et palestinien)». En fait, l'adoption de cette résolution aurait constitué pour Israël un point limite, une ligne rouge, à ne pas franchir. A l'évidence, selon les Etats-Unis Israël a tous les droits et la condamner pour ses actions illégales demeure «improductif». En opposant hier leur veto, les Etats-Unis auront surtout consolidé l'impasse et le cercle vicieux dans lesquels Israël a plongé le dossier palestinien et la région du Proche-Orient.