«Vous ne pouvez pas détruire le FLN, le jeu est trop grand pour vous, il vous dépasse...» A Médéa, le secrétaire général du FLN n'a pas mis de l'eau dans son leben. Il a servi ses détracteurs à boire avec une amère volupté, un discours d'une rare subtilité. Jeudi dernier, la salle de la mouhafadha de Médéa n'a pas pu contenir les milliers de militants venus assister au meeting de Benflis. Nombre d'entre eux étaient obligés d'attendre à l'extérieur de la salle pour saluer leur invité du jour «Si Ali». «Ici les ayatollah n'existent pas», ironise un militant quand on l'a interrogé sur le degré d'implantation du mouvement de redressement. «D'ailleurs, la wilaya de Médéa n'a même pas été représentée lorsqu'ils ont fait leurs assises à Djelfa.» Benflis entame son discours par l'explication du programme de son parti qui, dit-il, a adopté une ligne politique patriotique modérée. C'est cette ligne, selon lui, qui a mené le parti à la victoire lors des dernières élections communales et législatives. «Les ébauches de ce programme ont été données lors des législatives puis lors des élections communales, et le 8e congrès est venu synthétiser toutes ces idées», a-t-il dit en soulignant que la direction du parti qui a gagné ces rendez-vous électoraux est la même depuis 1998. «De par le monde, on change une direction quand son bilan n'est pas satisfaisant, quand elle a failli. Or, une direction qui gagne que mérite-t-elle, un encouragement ou un retrait de confiance?» Cette introduction terminée, Benflis ne met pas de gants pour répondre tour à tour au président de la République, à Belkhadem, ministre des Affaires étrangères et président du mouvement de redressement du FLN, au ministre de l'Agriculture, Saïd Barkat, et au ministre de l'Intérieur, Yazid Zerhouni. «Vous ne pouvez pas déstabiliser le FLN, le jeu est grand et il vous dépasse», leur a-t-il lancé ajoutant : «N'est pas militant qui le veut; le militantisme est un sacrifice et c'est justement ce qui leur manque (le mouvement de redressement, Ndlr), ils sont des sous-traitants pour une cause qui n'est pas la leur». Sous une salve d'applaudissements et de cris «Benflis président», l'orateur revient à la charge et rappelle que le FLN «n'a pas de problème avec la famille révolutionnaire, il n'a pas de problème en 1962, en 1965 et en 1970 ; nous n'avons pas de problème avec notre passé et nous sommes l'avenir». Le message est clair. M.Bouteflika a fait partie du groupe d'Oujda et de l'armée des frontières, il a participé au coup d'Etat contre Ben Bella en 1965 et a été ministre des Affaires étrangères sous Boumediène durant les années 1970. Plus précis, le secrétaire général du FLN ajoute: «L'Algérie ne se gère pas suivant les humeurs, les états d'âme, les coups de nerfs et l'emportement». Durant son mandat, le président de la République s'est emporté plusieurs fois lors de ses discours, de ses sorties sur le terrain. On se rappelle du «Vous êtes des nains», lancé à Tizi Ouzou. «Je suis venu dégonfler votre ballon de baudruche» à Béjaïa ou lorsqu'il s'en est pris presque avec les mains à un enseignant à l'université d'Oran devant les caméras de la télévision. Sur sa lancée, Benflis a répliqué à ceux qui disent qu'«on est en train de faire une campagne électorale anticipée». «Expliquer aux militants et aux citoyens comment doit fonctionner un Etat digne de ce nom et quel devrait être le rôle de chacune de ses institutions, cela va-t-il déranger quelqu'un?» Il ajoute: «Faut-il des autorisations pour choisir un sujet à discuter avec les militants ou alors faut-il prendre cela comme une menace?» Le message est encore clair. Dans un discours prononcé lors des assises consacrées au soutien à l'emploi de jeunes, le président de la République a regretté que «depuis plusieurs mois déjà, l'intérêt de certains milieux intéressés se soit focalisé sur la prochaine échéance électorale encore lointaine». Réponse du berger à la bergère? Benflis chauffe la salle en criant: «Nous sommes libres, le parti a consacré son autonomie lors du 8e congrès et le temps du OUI Monsieur est terminé et personne ne pourra me faire taire.» Pour Saïd Barkat, il dira que les aides accordées aux fellahs «n'obéissent à aucun contrôle des assemblées. C'est la culture de l'allégeance, et peut-on construire un Etat avec cette culture?», s'est-il interrogé. Abordant le volet des grands services publics dans son discours, il règle son compte au ministre des Affaires étrangères, Abdelaziz Belkhadem. «Au lieu de contribuer à l'amélioration de l'image de marque du pays à l'étranger, le fax du ministère des Affaires étrangères est utilisé pour rendre comptes des activités des putschistes.» «Regardez l'opprobre, à croire qu'ils ont réglé tout les problèmes du pays pour se consacrer à un laboratoire conçu pour la destruction du parti des moudjahidine, des patriotes, des chahids et du peuple.» A Aïn Defla, le même accueil chaleureux a été réservé au candidat du FLN à la présidentielle de 2004. Selon des échos recueillis sur place, la décision de justice, rendue dernièrement en faveur du FLN, a été grandement ressentie dans cette wilaya. «Les plus réticents des élus locaux ont fini par se convaincre de la justesse du combat du FLN», déclare un membre de l'APW d'Aïn Defla. Dans cette wilaya, porte de l'Ouest, Benflis a encore développé le programme de son parti sans omettre, avec la même subtilité qu'à Médéa, de répondre à Bouteflika: «Nous sommes nés en Algérie et nous y avons passé toutes les périodes difficiles. Où étiez-vous durant la décennie noire Ya Missoum?» s'est-il interrogé. Un autre message à l'endroit du Président qui a longtemps vécu en exil dans les pays du Golfe.