Le principal adversaire de Bouteflika en 1999, ne veut pas se lancer dans la mêlée sans garanties sérieuses. Alors que le monde entier avait les yeux braqués sur le conflit opposant Bouteflika à Benflis faisant peser de lourdes menaces sur le FLN ainsi que l'Etat algérien, des candidats tout aussi « sérieux » ne semblent guère avoir «chômé». La présidentielle de 2004 sera nettement différente de celle de 1999. C'est ce qu'il faut conclure de la sortie du président du mouvement Wafa. L'ensemble des candidats qui comptent sur l'échiquier politique, qui ont tous des chances de devenir le futur président de la République, sans lesquels aucune élection ne serait crédible, refusent catégoriquement de réitérer le scénario de 99. Les uns et les autres exigent de sérieuses garanties avant de se jeter dans le bain. L'annonce en a été faite par le président du mouvement Wafa, un homme connu pour être peu loquace, mesurant parfaitement la portée de ses mots et allant toujours jusqu'au bout de ses pensées et de ses actes, quand il les juge justes. Ahmed Taleb Ibrahimi a multiplié les sorties sur le terrain ces dernières semaines. Il semble également avoir multiplié les contacts durant le même temps. Une sorte de «Smig» politique semble avoir été dégagé, sans lequel aucune présidentielle ne saurait être envisagée en mars ou avril 2004. C'est, du moins, ce qu'il a laissé entendre lors de la séance de travail qu'il a eue avec les cadres, militants et représentants de notables de l'est du pays durant ce week-end. La question pour Taleb, qui avait obtenu plus d'un million de voix en 1999, en dépit de son retrait et de la fraude qu'il a dénoncée, n'est pas de savoir s'il se présente ou pas, mais «si les décideurs se sont enfin résolus à accepter et à respecter le verdict populaire». Mais, contrairement à d'autres, Taleb qualifie de «décideurs» aussi bien l'institution militaire que le gouvernement. Pour la première fois, Taleb, ainsi que d'autres candidats, désignent du doigt l'armée, et lui demandent de garder ses distances bien avant le rendez-vous électoral. Dans le même temps, le projet de loi du mouvement Islah sur les élections, que le gouvernement a officiellement endossé, demande à ce que les bureaux spéciaux soient supprimés et que les membres des corps de sécurité votent chez eux. Le président de Wafa, qui demeure réaliste quant à la situation politique algérienne, ne revendique pas pour autant le retrait définitif de l'institution militaire des affaires politiques. Il propose, au contraire, de «gérer une sorte de phase de transition pour faire passer le témoin définitivement des mains des militaires à celles du prochain président de la République algérienne». Pour rappel, le leader de Wafa avait développé une thèse similaire l'année passée lorsqu'il avait été l'invité de notre rubrique «A coeur ouvert avec L'Expression». S'agissant du gouvernement, le constat est nettement plus dur. Pour ces candidats, en effet, «il faut que les responsables chargés d'organiser le scrutin soient non partisans». Or, comme le constate Taleb, c'est loin d'être le cas actuellement. Ahmed Ouyahia, le chef du gouvernement, outre le fait qu'il est lui-même leader d'un parti politique, a clairement affiché sa sympathie pour le président Bouteflika. L'autre grand décideur pour toute consultation électorale, le ministre de l'Intérieur en l'occurrence, «roule carrément pour Bouteflika, sans essayer d'en faire un secret». Ce n'est pas tout. Nul n'ignore que le parti Wafa a été interdit par Zerhouni sans le moindre prétexte légal. Un homme pareil ne peut donc pas rester neutre dans une consultation électorale à laquelle prendrait part le fils du grand érudit cheikh Bachir El-Ibrahimi. S'agissant des autres «candidats potentiels» inscrits en droite ligne de celle décrite par Taleb, il semble qu'il soit question de certains membres du fameux groupe des six. C'est-à-dire les six responsables qui s'étaient retirés en 1999, laissant Bouteflika seul candidat à la veille de l'ouverture du scrutin. Il s'agissait de Taleb, Hamrouche, Djaballah, Sifi, Khatib et Aït-Ahmed. Si Sifi et Khatib ne semblent plus être dans le coup, tout porte à croire que le général Ben Yellès, qui a annoncé sa candidature et que l'on sait proche de Taleb, ait rejoint le groupe. Il en est aussi pour le président de la Laddh, Me Ali Yahia Abdennour. Quant à Hamrouche, sa position attentiste ne devrait pas l'empêcher foncièrement de rejoindre une démarche pareille, d'autant qu'il a gardé des contacts indirects avec la plupart des membres de l'ancien groupe des six.