Le secrétaire général du FLN est le premier à dépasser le débat sur la fraude et à étaler sur la table les grandes lignes de son programme. Le moins que l'on puisse dire, c'est que Ali Benflis a parfaitement réussi sa cérémonie d'annonce de sa candidature. Plus de 3000 personnes, dont de nombreux anciens responsables politiques et militaires, étaient venues, jeudi, acclamer et soutenir le plus sérieux adversaire du «président-candidat» (lire l'article de Hocine Adryen). Dans un long discours, très apprécié par les présents, Benflis a dressé les grandes lignes de son programme électoral, qu'il compte rendre public en début de semaine prochaine, et qui comporte une centaine d'engagements vis-à-vis des populations. Cette manière de procéder relève d'une nouvelle forme de marketing politique dont Benflis semble être le précurseur. En attendant, donc, de connaître, dans le détail, la centaine d'engagements que compte prendre Benflis vis-à-vis du peuple algérien, il en a défini les trois principaux axes. Ainsi, la première orientation a-t-elle trait à «l'approfondissement du processus démocratique». Benflis évoque à ce propos une «démocratie participative». L'idée, ne pouvant être atteinte qu'au lendemain de profonds changements aussi bien dans les lois que dans les mentalités, Benflis se propose d'en être le simple précurseur en en posant les jalons. Il reprend également, dans ce contexte, une pratique qui était courante sous Zeroual et qui a disparu sous le règne de son successeur, à savoir «la mise en place de conseils consultatifs de proximité». Benflis ne précise pas la différence qui pourrait exister entre ces conseils et les APC et APW, non plus les modes de désignation ou d'élection de ces instances. Dans un appel du pied quasi direct à l'Ugta pour, sinon soutenir Benflis, du moins se confiner à une stricte neutralité, le candidat et chef de file du FLN promet que «la tripartite, qui a donné son cachet particulier à la concertation sera institutionnalisée et dotée d'un statut». C'est à partir de cette nécessité que se cristallise la seconde grande orientation qui achoppe, elle, sur «la dynamisation de l'économie nationale». Il sera question de prêter attention aux entreprises, aux investissements nouveaux, dans le cadre d'une économie de marché ouverte sur le monde sans, pour autant, que l'Etat ne se désengage des grands secteurs stratégiques tels que les hydrocarbures. Le troisième volet, enfin, porte sur le domaine social. Aux yeux de Benflis, le défi actuel consiste à reconstruire «la cohésion sociale fortement ébranlée ces dernières années, avec une aggravation effarante de la pauvreté et de la paupérisation». Benflis, qui plante des banderilles douloureuses sur le dos du programme et des résultats de son concurrent Bouteflika, met en exergue sa conviction que «l'efficacité d'une politique économique doit être jugée sur le critère de l'emploi au moins autant que sur celui de la maîtrise des équilibres budgétaires et de l'inflation». Benflis, à la fin de son discours, s'est mêlé à la foule nombreuse venue le soutenir des quatre coins du pays. Il s'est, à cette occasion, prêté au jeu des questions des journalistes. Nous avons, ainsi, pu apprendre que ce candidat, contrairement à d'autres membres du groupe des Dix (dont le sort est entre les mains de ses animateurs, nous a-t-il précisé), compte aller jusqu'au bout, et malgré «la fraude programmée et le refus de mettre en place un gouvernement neutre, garde bon espoir de devenir le prochain président de la République». Boualem Benhamouda, abondant dans le même sens, nous a annoncé «la fin prochaine du président-candidat et son remplacement par le candidat officiel». Karim Younès, lui, s'est contenté de déclarer que sa «présence ici est un signe évident de (son) soutien à la candidature du FLN». Pour revenir au rôle de l'armée, Benflis s'exclame pour dire qu'«au moment où cette institution clame haut et fort sa neutralité voilà que le président-candidat s'empare des moyens de l'Etat, des deniers publics et des médias audiovisuels pour faire de ce scrutin une véritable fraude programmée». Benflis, qui vient d'accélérer officiellement la cadence, lançant une protestation publique sur la couverture tronquée qu'a réservée la télévision publique à sa sortie, promet de mener une campagne électorale qui fera date dans les annales politiques algériennes.