Quelque 338 Tunisiens ont été tués et 2.174 blessés durant le soulèvement populaire qui a abouti à la chute de l'ex-président Zine El Abidine Ben Ali en janvier 2011, selon un bilan officiel rendu public vendredi par le gouvernement tunisien. Ce bilan a été annoncé par la Commission nationale chargée d'enquêter sur les abus commis depuis le 17 décembre 2011, date du déclenchement du soulèvement. « Ce bilan n'est pas définitif », a indiqué son président l'avocat Taoufik Bouderbala, qui présentait à la presse le résultat des investigations concernant 2.489 dossiers examinés depuis février 2011. Selon le rapport de la commission, 66% des personnes tuées l'ont été par balles et 60% d'entre elles étaient originaires du Grand Tunis, de Kasserine, de Gafsa et de Sidi Bouzid, la ville d'où était partie la révolte après l'immolation par le feu de Mohamed Bouazizi, un vendeur ambulant. La police est responsable de 79% des cas de décès et de 96,18% des blessés, selon le même rapport. Parmi les morts, on compte 14 policiers, 5 militaires et un agent de la protection civile, ainsi que 83 détenus tués dans les mutineries et incendies qui ont eu lieu dans des prisons. Les hommes représentent 96,5% des personnes tuées qui ont pour la plupart (82%) moins de quarante ans, cette tranche d'âge représentant 76% des blessés, selon les détails du rapport. Si plus de la moitié des tués l'ont été après le 14 janvier, 68% des blessés ont été touchés entre le 17 décembre 2010 et le 14 janvier 2011, date de la fuite de Ben Ali en Arabie Saoudite. M. Bouderbala a affirmé que «la responsabilité des meurtres et actes de violence incombait au président déchu Ben Ali qui a donné l'ordre d'écraser le soulèvement dans le sang », puis aux ministères de l'Intérieur, de la Défense, de la Communication et de la Santé. S'agissant des « snipers » qui ont semé la terreur après la fuite de Ben Ali, le rapport affirme qu' «aux dires des responsables sécuritaires interrogés, il n'existe pas d'unité proprement constituée de snipers dans les corps de la sécurité ». « Les éléments qui s'étaient postés sur le toit des bâtiments pour des tirs mortels ciblant la tête, la poitrine et le dos, appartiennent aux forces de sécurité », a tranché la commission sur une question des plus controversées en Tunisie. Déplorant en outre «des conditions de travail difficiles » et «l'absence de cadre juridique pour protéger les témoins », la commission a établi la liste des principaux évènements et troubles qui ont eu lieu durant le soulèvement. Cette commission, qui recevait directement les plaintes de victimes et de leurs proches, doit remettre ses dossiers à la justice. Le retard pris dans l'établissement d'une liste définitive des morts et blessés de la révolution a suscité la colère des proches de ces victimes, regroupés en associations. Des groupes de défense des «martyrs » de la révolution observent régulièrement des sit-in pour protester contre les lenteurs administratives et juridiques. L'unique bilan publié jusqu'ici est celui de l'ONU qui faisait état de 300 morts et 700 blessés.