Jamais une élection n'aura été aussi atypique que celle du 9 avril prochain ! Les canons et les primordiaux d'une campagne au sens classique du terme s'en trouvent perturbés. À cela plusieurs raisons concourent. D'abord, le voyant le plus visible est la présence en course du Président sortant qui, même sous l'appellation de candidat indépendant, reste indéniablement celui sur lequel le choix a été fait. L'adhésion des trois partis de l'Alliance, majoritaires au Parlement, reste un signal qui ne trompe personne, surtout pas les candidats potentiels ayant une assise partisane ou des personnalités bénéficiant d'une envergure nationale. Pour reprendre une expression consacrée, ceux qui ont une carrure d'hommes d'Etat ont jugé qu'il ne sert à rien d'entamer une course longue et pénible dont l'issue est connue d'avance. Des autres candidatures, seule Louisa Hanoune peut se targuer d'avoir un programme politique et social. Son handicap, même si l'on n'en parle pas, est que c'est une femme. La société algérienne acceptera-t-elle dans son mental de la choisir comme première magistrate du pays ? Les autres n'arrivent même pas à occuper les plages horaires qui leur ont été attribuées sur les ondes des radios et de la télévision. Quand ce n'est pas les mêmes qui passent en boucle, surtout à la radio, où la musique occupe le temps de parole. Le support de communication le plus élémentaire n'est même pas assuré : l'affichage sur les panneaux mis en place à travers les communes. À se demander où est passée la subvention allouée ! Seul le portrait du Président-candidat est omniprésent. Décliné sur tous les formats, il est affiché, placardé ou suspendu partout. Sur le fond, à part le candidat Bouteflika qui essaime son programme par ses innombrables relais constitués par les partis de l'Alliance et une multitude d'associations professionnelles et de soutien, avec des promesses chiffrées touchant tous les secteurs, les autres se contentent d'affirmations beaucoup plus enclines au populisme qu'à des propositions concrètes et matures. Jusqu'à se demander si pour certains, le but ne se limiterait-il pas à porter sur leurs cartes de visite “ancien candidat à la présidentielle 2009”. La qualité disproportionnée des postulants a aussitôt donné une autre tournure à la campagne électorale où la presse, d'une façon générale, s'est évertuée à trouver des angles d'attaque faute d'avoir à se mettre sous la dent des débats contradictoires de bonne facture. L'accessoire a pris le pas sur l'essentiel. Parlant de la presse, il est à relever que cette dernière a su se ménager et ménager les candidats, faute d'accroches informatives venant des différents protagonistes, et le comble c'est que l'attaque vienne du président de la Commission de surveillance des élections qui s'offusque de l'utilisation du mot “lièvre”, pourtant consacré jusqu'à l'usure. Qu'aurait-il dit s'il avait été à cette place lors de l'élection de 2003 ? À croire que cette institution, ne pouvant prendre en charge et assumer l'indépendance dont elle est investie, pense que la meilleure posture est de ménager certains candidats. Cette campagne a aussi permis de mettre à nu un nombre incalculable de zélateurs au profit du candidat Bouteflika dont le comportement dépasse l'allégeance obséquieuse, lequel comportement nuit beaucoup plus à l'image du candidat qu'il n'en apporte. Cette cour, dont la majorité n'avait aucune fonction précise, donne l'image de la mouche du coche où les trépidations et les frémissements s'apparentent au “danseur sans foulard” bien de chez nous. Il y a eu des voix qui ont voulu marquer leur désaccord en appelant au boycott de cette échéance, mais leur réaction a été trop tardive pour perturber une machine bien huilée. Le rideau est baissé sur une campagne douillette, sur fond de flambée des prix sans précédent, qui a fait de la pomme de terre une vedette. Légitime, c'est le quotidien du citoyen. A. O.