Pendant que le Polisario libère les prisonniers de guerre, certains milieux marocains ressortent de nouveau la théorie du «Grand Maroc». Une nouvelle fois, le front Polisario décide une libération de prisonniers de guerre marocains. Au nombre de 300, ces derniers viennent s'ajouter aux 1303 autres libérés précédemment et seront remis à la fondation El-Gueddafi (une ONG libyenne) en présence d'une délégation du Comité international de la Croix-Rouge (Cicr). Ils seront, par la suite, rapatriés dans leur pays. C'est lors d'une conférence de presse animée conjointement par le secrétaire général du front Polisario, président de la Rasd, M.Mohamed Abdelaziz et Seif el Islam El-Gueddafi, président de cette fondation caritative que cette information a été rendue publique dans la soirée de jeudi dernier. Le président sahraoui, expliquant son initiative, a indiqué que cette décision d'élargir un certain nombre de détenus marocains «un vendredi de Ramadan» est «un geste strictement humanitaire du Polisario». Il a fait savoir aussi que son mouvement «attend un geste similaire du gouvernement marocain qui détient toujours 1150 prisonniers de guerre et plus de 500 civils sahraouis entre détenus et ceux portés disparus». M.Mohamed Abdelaziz, a, dans ce cadre, demandé au fils du leader libyen d'intervenir auprès du Maroc pour leur libération, précisant que le gouvernement marocain n'avait pas pris d'initiative dans ce sens malgré les résolutions de l'ONU, et ce depuis 1987, année durant laquelle furent libérés 166 prisonniers de guerre sahraouis. Il reste que cette nouvelle action humanitaire de la part du Polisario a pris au dépourvu les observateurs et autres analystes des affaires de la région surtout dans le contexte actuel des manoeuvres souterraines qui caractérisent les rapports entre certains pays de la région. C'est que l'arrière-plan régional est caractérisé depuis quelques temps par une remontée d'un cran de la tension induite par la conjugaison de plusieurs faits troublants mais émanant tous de la partie marocaine. D'abord, il y eut le refus annoncé publiquement par le Maroc du plan Baker et de la résolution 1495 du conseil de la sécurité de l'ONU sur le Sahara occidental.Ensuite, les toutes récentes velléités de revendications et d'expansion territoriales lancées par un parti politique nouvellement créé avec le silence, sinon la complicité du palais royal marocain. Enfin, paradoxalement, cette nouvelle fournée de prisonniers marocains libérés unilatéralement, décidée par les Sahraouis intervient le jour même où le royaume chérifien célébrait le 28e anniversaire de la fameuse «Marche verte» à la faveur de laquelle il avait occupé et annexé militairement ce territoire de 260.000 kilomètres carrés avec ses ressources et ses populations. En somme, il est désormais clair que le Royaume chérifien a une grande responsabilité dans la détérioration du climat politique et diplomatique dans la région du Nord-Ouest africain. D'autant que Rabat ne cache plus son rejet de la résolution 1495 de l'ONU et ses manoeuvres pour torpiller la mission Baker sont patentes. Le récent discours du Roi Mohammed VI célébrant la «Marche verte», le donne à penser. Le souverain marocain a une nouvelle fois martelé implicitement qu'en dehors de la souveraineté du Maroc sur le Sahara occidental, il ne pourrait y avoir que le «risque de plonger toute la région dans l'instabilité». Il s'agit de savoir maintenant si la monarchie marocaine est prête à assumer toutes les conséquences de ce jusqu'au-boutisme.