«Rendez nous nos archives!». M.Abdelmadjid Chikhi, notre directeur général des Archives nationales, répète inlassablement la même réclamation aux pays étrangers, principalement la France, qui les détiennent. Samedi dernier, c'est à partir de Laghouat qu'il a, encore une fois, redemandé la même chose. Il l'a fait à l'occasion de la journée de sensibilisation organisée sur le thème «L'archive spécifique et l'écriture de l'histoire». Comme il l'a si bien rappelé, l'Algérie réclame ses archives depuis son indépendance. 50 ans après, tout le monde fait la sourde oreille ou trouve mille et un prétextes pour ne pas rendre ce qui nous appartient. Le contraire aurait été étonnant. Les raisons qui «bloquent» sont nombreuses. Il y a la valeur inestimable des pièces archéologiques qui font partie de ce capital archivistique. Un véritable trésor comme celui qui a été dérobé de la Casbah d'Alger dès la prise d'Alger en 1830. Ensuite, il y a les documents scientifiques qui «prouvent que le peuple algérien comptait de nombreux savants» comme l'a rappelé Chikhi. Enfin, il y a les documents formant l'histoire de l'administration. Il y a là trois bonnes raisons pour ne plus espérer revoir nos archives. Peut-on croire un seul instant que ceux qui ont fait main basse sur ce bien de notre pays puissent un jour s'en dessaisir? Certes, il faut continuer inlassablement à exiger d'eux la restitution. Ne jamais baisser les bras. Il faut même chercher toutes les voies et les moyens possibles pouvant permettre la récupération. Diplomatiques, juridiques, économiques, etc. Un jour, peut-être, nos efforts seront récompensés. Mais en attendant, il ne faut pas se leurrer et renvoyer l'écriture de notre histoire à cette seule récupération. C'est précisément pour freiner cette écriture que la restitution n'a pas eu lieu. C'est une autre des raisons du «blocage». D'ailleurs et même si l'on parvenait à arracher quelques restitutions cela ne concernerait sûrement pas les archives les plus importantes pour nous. Il faut nous rendre à l'évidence. Un pays comme la France ne peut pas nous rendre des archives qui l'accablent et glorifient notre passé. Les atrocités que ses armées ont commises contre notre peuple durant un siècle et demi par exemple. Non, ne nous leurrons pas! N'attendons pas ce qui ne viendra pas pour commencer à écrire notre histoire. Au risque de nous répéter, pour l'avoir dit plusieurs fois dans ces colonnes, chaque pays écrit son histoire comme le commande l'intérêt supérieur de la nation. A ceux qui s'érigent en donneurs de leçons et jurent que l'histoire s'écrit objectivement nous opposerons l'histoire de la Seconde Guerre mondiale. Est-elle réellement présentée objectivement? Et s'il fallait aller plus avant dans un débat contradictoire, nous le ferons. Notre histoire est plusieurs fois millénaire mais le plus important pour nous aujourd'hui est d'écrire l'histoire de la colonisation et de la guerre de Libération nationale. C'est aussi impératif qu'un vaccin contre un mal qui n'est pas totalement éradiqué. Beaucoup de signaux apparaissent çà et là et qui exigent de nous la plus grande vigilance. Surtout contre ceux qui attendent que la génération de Novembre disparaisse. Ceux-là comptent précisément sur l'absence de l'écriture de notre histoire pour tromper, spolier et dominer, sous une forme ou une autre, les générations suivantes. C'est pourquoi l'intitulé de la journée de sensibilisation qui s'est tenue à Laghouat, est contestable. M.Chikhi a raison de réitérer notre volonté de récupérer nos archives mais cela ne doit en aucun cas empêcher l'écriture de notre histoire. Une écriture qui accuse déjà un énorme retard. En toute chose il faut savoir parer à l'urgence. L'urgence aujourd'hui pour nous est d'armer culturellement notre jeunesse qui aura à affronter des velléités de reconquête qui ne prennent même plus la peine de se cacher. Et cela, nous n'en doutons pas, M.Chikhi le sait!.