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Project'heurts souffle sa 10e bougie
OUVERTURE DES RENCONTRES CINEMATOGRAPHIQUES DE BEJAIA
Publié dans L'Expression le 11 - 06 - 2012


[Project'heurts souffle sa 10e bougie]
Un documentaire des plus pertinents, une fête au pied d'un musée enluminé et un bon gâteau d'anniversaire pour commencer en beauté ce programme, c'était samedi soir.
«Que c'est beau une salle pleine!» a déclaré tout de go Abdenour Hochiche le président de l'association Project'heurts, organisatrice des Rencontres cinématographiques de Béjaïa qui fête cette année leur 10e année d'existence. Dix ans d'un acte culturel consacré à célébrer l'art et le cinéma, non sans une fierté affichée et, rendre hommage ainsi à tous ceux qui font des films et ceux qui veulent en voir.
«Voilà pourquoi nous continuons à faire ces rencontres en dépit des obstacles et, pour ce faire, il faut qu'il y ait des gens qui y croient, soutiennent, dont le wali présent ici à la cinémathèque pour la première fois...», a fait remarquer Abdenour Hochiche qui cédera, juste après, la parole au documentariste Malek Bensmaïl, invité à faire l'ouverture des Rencontres avec son excellent film La Chine est encore loin dont la trame fait étrangement écho à la célébration du cinquantième anniversaire de l'Indépendance de l'Algérie. Un film, a-t-il souligné, «tourné dans les Aurès et qui est, à l'instar de tous mes films, une déclaration d'amour à mon pays. Un film qui montre les soucis de ce dernier, partant du système éducatif dont la défaillance est l'une des sources des problèmes de la société. Un film qui prend le temps, comme dans un voyage, pour nous raconter l'enfance, non pas sur les gens, mais avec les gens...»
Tourné dans les localités de Ghassira, Ghoufi et T'kout, La Chine est encore loin invoque en fait, le passé pour comprendre où nous en sommes aujourd'hui avec notre présent. Un présent pas si glorieux que ça, contrairement au mythique discours sur la Guerre d' Algérie. Le film s'ouvre sur cette information capitale que le cinéaste a découvert après sa pérégrination à Ghassira en visitant une école primaire. Celle-ci était dirigée par un couple d'enseignants français à l'époque, assassinés à tort par les moujahidine, un certain 1er Novembre 1954, date du déclenchement de la guerre de Libération. Le film, qui mène une autopsie d'un système éducatif de l'Algérie actuelle dans un no mans land abandonné, témoigne en filigrane de la déliquescence des pouvoirs publics dans cette ville reculée et partant, de la démission de l'Etat.
Comme dans les Chercheurs d'os de Tahar Djaout, le cinéaste exhume les traces du passé pour mieux sonder la tragédie algérienne avec son lot de vérités falsifiées et de misère humaine.
Même nos vestiges historiques comme les célèbres grottes du Ghoufi sont frappés par l'omerta, abandonnés. Seul un vieil homme errant comme una âme en peine en fait le triste état à celui qui veut bien l'entendre, en vain. Ce dernier, à l'allure mi-sage, mi-fou, surnommé «l'Emigré», rappelant un peu le célèbre Momo dans le fameux Tahia ya Dido, parle tout seul, chante de la poésie et se veut le garant d'une patrimoine dont nul ne connaît sa valeur tout en déplorant le manque de prise en charge du tourisme en Algérie et partant, de l'absence totale du vrai savoir-faire et vivre... Dans la Chine est encore loin, le réalisateur confronte le regard des enfants à celui des adultes et se demande quel avenir dans cette «topographie de l'Algérie d'aujourd'hui» qu'il tente d'enregistrer en restituant son âme, son souffle à travers la captation en images et paroles vraies de ces personnages. «Ma motivation au départ était la transmission d'un savoir sur lequel s'est greffée l'Histoire», a-t-il dit lors du débat, soulignant par ailleurs, le caractère et niveau «international» de ces rencontres cinématographiques. «Tous les deux ou trois jours, je montrais aux personnes ce que je filmais, pour raconter notre Algérie, c'est-à-dire notre joie, notre humour, notre espoir et désespoir...»
Malek Bensmaïl émettra aussi le souhait de pouvoir présenter cette année son film à Alger, maintenant qu'il a obtenu enfin le visa d'exploitation. Donner du rêve et faire éclater cette peur, cette rage qui est enfouie en chacun de nous sont le but de ses films, a-t-il fait savoir à travers cette quête de liberté, soulignée avec délicatesse, intimité et sobriété par le biais de cette femme, femme de ménage de son état, qui traverse tout le long du film en silence, de tout le poids de son destin tragique pour nous narrer le désir d'émancipation de toutes les femmes, de tout individu, bref de toute la société algérienne et de son peuple qui rêve de s'élever et faire exploser ces barrières restrictives et taboues dictées par les dogmes religieux ou politiques comme indiqué en outre par le réalisateur lui-même.
«C'est en ce sens que le cinéma peut jouer un rôle proprement psychologique, de révélateur de notre société, grâce à une caméra écoutante, enregistrer cette mémoire dans l'instant T car l'intellectuel aujourd'hui n'a plus son mot à dire...»
Prônant la liberté d'expression, Malek Bensmaïl dira ne pas se préoccuper de ce qui se passe en haut lieu, mais soulignera son désir d'avancer en dépit du côté subversif ou pas de son film qui peut déranger.
Commencer à filmer les institutions comme la police, les politiques ou encore l'enseignement, c'est commencer par démocratiser l'image de ces institutions et ce qui se cache derrière.» Et de se demander «ce que l'on va faire de cet avenir. Quelle image renvoient ces adultes à ces enfants?».
A fortiori, dans un environnement austère aux horizons bouchés...Restant dans les méandres sociétales, le projet cinématographique actuel de Malek Bensmaïl est une fiction cette fois au nom des plus intrigants, Odysseys, lequel a été sélectionné récemment à l'Atelier de la Ciné-fondation du Festival de Cannes qui mènera le protagoniste du film, qui n'est autre que Sid Ahmed Agoumi, dans un périple de l'Algérie... au Japon.
Un film qui abordera un sujet ô combien d'actualité «l'Islam moderne» avec l'avènement du Printemps arabe. Autre film dont l'écriture est en cours «sera l'adaptation du livre de Amine Zaoui, Festin de mensonge qui abordera les questions de la sexualité. Une façon de témoigner par la fiction, mais avec une approche qui ne s'éloigne pas du documentaire, les problématiques actuelles de notre société en déperdition.


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