Le verdict a été rendu tard dans la nuit Sur les seize accusés, il y a eu quatre acquittements et deux peines de dix ans de réclusion pour les gars du Central... L'affaire dite du vol d'armes à feu au Central du boulevard colonel Amirouche d'Alger, en 2006 et 2007, a été ficelée dimanche tard dans la soirée par la lecture du verdict lu posément par Brahim Kherabi, le président du tribunal criminel d'Alger. Auparavant, les débats, qui ont duré plusieurs heures avec de courtes pauses tant la grosse chaleur et l'insupportable humidité baignaient l'assistance qui a regretté une énième panne de climatiseur, avaient permis de situer la responsabilité de chacun. Dans notre édition d'hier, nous avions arrêté le compte rendu juste après l'audition du cinquième accusé détenu. Aujourd'hui, nous allons vous narrer ce qui a été dit, redit, nié, rejeté, admis par la majorité des non-détenus dont un commissaire principal et un officier de police mouillés mais comme tous les autres accusés, se rejetteront la balle. «Ce n'est pas moi le responsable.» Je ne suis coupable de rien du tout» ou encore: «Jai voulu rendre service à un ami en Kabylie où il craignait des opérations spectaculaires.» Le magasinier, les responsables de l'armurerie et la chaîne de petits «chefs» ne sont pas arrivés à expliquer la pagaille qui régnait dans ce service. Le général Abdelghani Hamel, le Dgsn, aurait été édifié s'il avait assisté aux débats. Il aurait appris par exemple que Toufik Yahi, un simple agent de police en place depuis seulement douze semaines, ignorait tout de la marche de l'administration générale du Central, ce «nerf» sécuritaire de la capitale. Nadjib Jerir, alors commissaire principal, chef en place à Amirouche, a déclaré à Kherabi que «jamais les armes affectées à titre individuel n'avaient jamais été répertoriées, contrairement aux armes collectives qui avaient l'avantage de l'être». «Ce n'est pas moi...» Mourad Mouat, Yassine Saieh, Jamel Ismaïl, Kamel Yahiaoui Mohamed Haddad, Rafik Messaâdi, Boualem Meriah, Larbi Bousaâ feront preuve d'un sang-froid, entourés d'une armada de policiers bien bâtis, ceux de la brigade affectée à la cour d'Alger, des policiers prêts à toute éventualité...ont chacun à sa manière balayé du revers de la main leur responsabilité dans l'absence totale de l'enregistrement des armes restituées ou déposées dans l'armurerie. L'un d'eux affirme ne pas endosser de responsabilité car «nous exercions sans un texte balisant le recensement des armes et notamment celui individuel.» Mourad Mouat ira plus loin en précisant avec détails et arguments logiques que lorsqu'il venait de prendre en charge ce secteur sensible en 2002, «j'ai saisi par écrit plus de quarante fois la tutelle surtout qu'à cette époque, plus de deux cents armes à feu étaient quotidiennement déposées», avait murmuré le responsable poursuivi qui a tout de même informé le tribunal criminel que la disparition de ces armes était plus que normale vu la catastrophique gestion qui prévalait au sein de ce service». Maître Aziz Bensabra et Maître Faïza Aïmeur suivent de près... Et Kherabi, le juge qui s'apercevait des mines défaites par l'humidité ambiante du Ruisseau, de Nacéra Zabour et Djaâfar Belazoug, ses conseillers, de renchérir: «Et donc il a fallu que le vase déborde pour que les choses rentrent dans l'ordre!» L'accusé répond en clignant des yeux au moment où il s'était retourné à la recherche d'un regard encourageant venu de la salle pleine de parents et proches affectés. Un autre accusé aura même l'occasion d'enfoncer le clou. Il déclarera que la pagaille était telle que n'importe quel collègue pouvait entrer et sortir à n'importe quel moment du magasin d'où il pouvait se servir en prenant jusqu'à trois armes en même temps» Un «oh» de stupéfaction monta de la salle où des mamans et des épouses étaient franchement torturées en entendant souvent de la bouche des leurs des inepties en matière de gestion anarchique. Une soeur tout de noir vêtue était franchement prostrée invoquant Allah des milliers de fois. Une très jeune maman de quatre enfants laissa échapper juste au moment où elle entendit Mohammed Kessar le procureur général requérir à l'encontre de son mari, quinze ans de réclusion criminelle: C'en est trop (pour elle). Elle quitta la salle d'audiences pour celle des «pas perdus» et chialer, chialer, chialer sur son destin! D'ailleurs, il n'y avait pas que cette dame qui venait de recevoir un violent coup sur la nuque. En entendant vingt, quinze et trois ans de réclusion criminelle, toutes les femmes eurent une décharge émotionnelle de neuf secondes... Debout, Kessar, le jovial procureur général devait présenter son réquisitoire avec sa légendaire gentillesse. Il ne s'écriera pas. Il ne...g...pas! Non il ira simplement aux faits en les présentant plus que très graves: «Je crois même qu'il n'existe pas de qualificatifs plus graves que...graves!» dit-il en souriant s'appuyant sur la facilité et le j... m'en-foutisme avec lesquels les policiers exerçaient leur fonction et leur tâche. Ce crime, car c'en est un, vaut sa peine. C'est pourquoi le ministère public demande une peine de vingt ans à l'encontre de Fliti et Toufik Yahi assortie d'une amende de trois millions de dinars, quinze ans contre trois accusés: Younès Oukhetalat et Ben Mohiedine et une amende de deux millions de dinars. Enfin, pour le reste de la «troupe» trois ans fermes» ont été requis, le tout dans une atmosphère empreinte d'inquiétude, de suspense... L'humidité et la fatigue Les dix-huit avocats n'étaient pas chauds du tout pour plaider à cette heure tardive de l'après-midi. D'ailleurs, pour vous permettre d'avoir une idée sur la complexité de la tâche de la défense: un peu plus de quatre heures d'interventions, d'exclamations, de remarques et même des cris de guerre balancés par Maître El Haouès Ghorid qui sera tout de même satisfait en prenant acte des deux ans d'emprisonnement assortis du sursis pour son client Kamel Yahiaoui. D'avance, nous réclamons l'indulgence de nos chers lecteurs s'ils ne trouvent pas toutes les plaidoiries car la fatigue et l'humidité ont eu raison de votre serviteur. Maître Djamel Fodil pour Oukhelfallah, rappelle l'absence de toutes preuves pouvant le mener en taule pour vingt ans. Evoquant la circulation des armes à feu en Grande Kabylie qui vit une situation sécuritaire exceptionnelle, l'avocat compare les faits survenus au magasin et en dehors lors des offres d'achat d'armes à feu avec de solides papiers. «En allant acquérir cette arme, il pensait à une rapide régularisation à la wilaya pour pouvoir porter cette arme» a dit le conseil qui a rappelé que ces armes à feu, un fusil de chasse et un pistolet automatique, l'ont poussé à aller raconter sa mésaventure. On lui a demandé la restitution de ces dites armes. «Et c'est là le hic, la catastrophe!» a ajouté le défenseur. Toute l'affaire est que Karim Benkhelfallah aurait dû être poursuivi pour détention d'armes à feu sans autorisation. «Il est allé à Azzefoun avec des policiers chercher lesdites armes. Alors, où est le crime?» a conclu l'avocat avant de détruire l'accusation «d'association de malfaiteurs» s'appuyant sur l'absence totale dans tous les procès-verbaux qui ne contiennent aucunement de lignes où Karim a reconnu ce crime. «Nous ne demanderons que l'acquittement pour Karim Oukhelfallah.» Maître Abdelhafidh Belkhider pour le jeune Djamel commence sa plaidoirie en lançant un coup d'oeil complice à Maître Arezki Ramdani et va droit sur ce qui est reproché gravement à son client: le laxisme. Il se dit même un peu outré du grossissement des faits. «Faudrait prévoir pour ceux qui se rendent coupables de laisser-aller, la potence?» s'est écrié le conseil qui a dit sa conviction de voir Djamel Ismaïl retrouver les siens dès cette nuit. Les autres défenseurs ont déployé tout leur talent et après une heure trente de délibération, le verdict a été le suivant: Maâmar Fliti et Toufik Yahi écopent de dix ans de réclusion criminelle. Trois ans ferme ont été prononcés contre Benmohieddine, Oukhalfallah et Younsi. Six accusés ont té condamnés à deux ans assortis du sursis. Il s'agit de Jerir - Moat Saïeh, Meriah, Yahiaoui Kamel et Bousaâ. Quant à Messaâdi Rafik et Djamel Ismaïl, ils ont été acquittés. Et Maître Samir Mahdi de jubiler... Pour ce qui est des deux accusés en fuite, Beniane Houcin et Ahmed Oukalfallah, ils ont été condamnés à une peine de vingt ans de réclusion criminelle par contumace. Et ce n'est que vers vingt-trois heures vingt que Kherabi lèvera l'audience dans un brouhaha né autour des lourdes peines. Maître Djamel Fodil est déçu par le verdict... Djafaâr Belazoug et Nacéra Zabour, les deux conseillers, étaient enfin libres en vue de retrouver leurs familles, le président du tribunal criminel d'Alger, Ibrahim Kherabi, lui, passera la nuit loin des siens comme à chaque fois qu'une audience s'achève tard dans la nuit noire de juillet 2012. C'est la rançon de l'engagement de nos magistrats qui ne se plaignent jamais lorsque le devoir les pousse à s'échiner pour rendre justice.