«Le pouvoir, qui souffre d'une grave crise de légitimité, mène le pays vers le chaos s'il persiste dans sa démarche.» Le moins que l'on puisse dire c'est que le président de Wafa est passé à la vitesse supérieure à travers sa sortie à Oran et à Aïn-Témouchent. Plus percutant et direct que jamais, en marge de la rencontre qu'il a eu avec les notables et cadres locaux de son parti, Ahmed Taleb Ibrahimi a animé un point de presse à l'hôtel Bel-Air d'Aïn-Témouchent dans lequel il a mis pas mal de points sur les i. C'est ainsi que cet homme, qui est régulièrement reçu par de nombreux chefs d'Etat, et qui compte parmi ses amis le président syrien et Bush-père, martèle que «le pouvoir souffre d'une grave crise de légitimité, que vient aggraver la politique d'exclusion suivie et le refus d'opter pour une solution politique à une crise éminemment politique». Le président de Wafa, qui conditionne toujours sa participation à trois préalables dont nous avons parlé en détail dans notre édition d'hier, ajoute que «la persistance de cette crise, dans le cas où le pouvoir maintient sa ligne suicidaire, pourrait amener une implosion générale qui n'épargnera personne sur son passage dévastateur». Même si, à ses yeux, il est devenu urgent d'agir aux fins de préserver «les fondements mêmes de l'Etat», il n'en demeure pas moins qu'«une phase de transition égale au prochain mandat présidentiel est nécessaire». Ahmed Taleb Ibrahimi, qui s'exprime en homme réaliste, au fait des enjeux et des réalités composant les pratiques du pouvoir, soutient en effet que «le retrait de l'armée de la scène politique doit se faire de façon graduelle pour éviter au pays un vide d'autorité que la classe politique soit inexistante, soit incompétente, ne saurait combler dans l'état actuel des choses». Comme de juste, la question concernant la récente sortie de Abassi Madani a fini par être abordée. Ahmed Taleb Ibrahimi, qui prône une solution politique globale ainsi que le rejet de l'exclusion de toute personne pouvant contribuer à aider à régler la crise, n'en souligne pas moins, non sans perspicacité au demeurant, qu'«en l'absence d'indications précises sur le contenu de cette initiative, le mouvement Wafa ne saurait émettre un quelconque avis sur le sujet». Suivent des messages que tous ceux qui comprennent de quelle manière se conçoit la politique en général, et celle de l'Algérie en particulier: «Je suis pour l'édification d'un Etat de droit qui reconnaît celui de la majorité à gouverner et de la minorité à faire de l'opposition librement. Aussi, faut-il renforcer les garanties pour l'exercice sain d'un contre-pouvoir afin d'éviter les dérives autoritaires.» Il ajoute que «le premier pas sur cette voie passe nécessairement par le retour à la légitimité populaire ainsi que l'ouverture du champ politique à tous ceux qui inscrivent leur action dans le cadre de la loi». Ahmed Taleb Ibrahimi, qui a déjà reçu la visite de Ali Benhadj, lequel avait tenu à rendre hommage à tous ceux qui s'étaient battus pour une solution politique et pacifique à la crise algérienne, estime donc que rien ne devrait s'opposer à ce que les leaders du FIS-dissous fassent de la politique tant qu'ils se conforment aux lois de la République et aux principes usités de la démocratie. A travers ces sorties, de plus en plus importantes, et parfaitement tolérées par les autorités qui semblent s'acheminer vers la délivrance d'un agrément à ce parti parfaitement légal aux yeux de la législation, le mouvement Wafa et Ahmed Taleb Ibrahimi prouvent parfaitement qu'ils n'ont rien perdu du fantastique élan de mobilisation qu'avait déclenché la campagne électorale de 1999.