Existant par la force de la loi et interdit sur décision politique, il usera de tous les moyens pour gagner sa bataille face au pouvoir. La création du parti Wafa de Ahmed Taleb Ibrahimi continue de déchaîner les passions. Preuve irréfutable de «la lâcheté du pouvoir et de son manque de clairvoyance», le traitement réservé au dossier de demande d'agrément du mouvement Wafa était en somme «la première erreur commise par le ministre de l'Intérieur». Cela n'empêche pas que «la décision de suspension du mouvement doit forcément venir de plus haut, ce qui ne changerait rien au destin de Wafa, même si un changement devait intervenir à la tête de ce ministère à la faveur de la formation du nouveau gouvernement» (ce débat à coeur ouvert a été réalisé un jour avant que la composition de la nouvelle équipe gouvernementale ne soit connue). Particulièrement excédé par cette incroyable mésaventure, dans laquelle les lois ont été foulées aux pieds, Ahmed Taleb Ibrahimi a tenu à souligner avec force que «les règles prévues dans la loi ont été scrupuleusement respectées afin de ne laisser aucune prise au pouvoir». Et d'ajouter: «Contrairement aux assertions du ministre de l'Intérieur, aucun membre du mouvement ni aucun congressiste ne sont affiliés au FIS». Ce genre de polémiques, du reste, ne semble pas être du goût d'Ahmed Taleb Ibrahimi. Au contraire, il persiste et signe, affirmant que «la loi est du côté de Wafa, ce qui fait que la suspension dont il est victime est politique, et revêt un caractère absolument illégal et arbitraire». Particulièrement touché par cette campagne attentatoire à son image, menée tambour-battant depuis une dizaine d'années, notre invité citera Montaigne, pour pousser ceux qui ne le connaissent pas à éviter de tomber dans la facilité des clichés trop bien faits: «Avant de juger un homme, il faut suivre longuement et curieusement sa trace». Or, aux yeux de celui qui se considère toujours comme le président de Wafa, fidèle aux centaines de milliers de citoyens qui lui ont fait confiance et lui ont demandé de mettre en place un parti afin de maintenir en l'état la dynamique de la présidentielle de 99, créée autour du thème de la réconciliation nationale, «un pouvoir comme le nôtre, qui souffre d'une grave crise de légitimité, aurait, sans doute, gagné en crédibilité en laissant émerger une opposition véritable». C'est loin d'être le cas. Cela dénote, aux yeux de Taleb Ibrahimi, «une certaine lâcheté, mais aussi quelque indécision chez le pouvoir qui n'arrive pas à se prononcer définitivement et clairement par rapport à ce dossier». Les permanences de Wafa, appartenant toutes à des privés, sont encore sous scellés, 20 mois après et sans aucune décision de justice. Le propriétaire de l'ancien siège national continue de recevoir des factures téléphoniques faramineuses alors qu'il ne peut même pas déposer plainte puisque aucun document n'existe, qui justifie les scellés posés sur ses biens. En revanche, à M'sila, où la permanence de Wafa est toujours sous scellés, le procureur a délivré au propriétaire un document dégageant la responsabilité de la justice. Plus résolu que jamais, conscient que c'est du fond de la nuit noire que l'on peut voir l'aube se lever, celui qui a été sorti de prison du temps de l'Algérie indépendante pour lui annoncer la fin de son calvaire, n'en démord pas pour autant: «Nous nous battrons jusqu'au bout, en usant de tous les moyens que nous confère la loi. Le contrat moral avec la base est maintenu dans un incessant va-et-vient entre la capitale et les wilayas, en prenant un soin méticuleux d'éviter le recours à la clandestinité ainsi qu'à la violence. C'est le sens que je donne à l'Etat de droit et que je veux inculquer aux militants de Wafa, car lorsqu'on a un droit, il faut le défendre contre vents et marées.».