Le président tunisien Moncef Marzouki s'exprimait hier devant les députés français, ce qui constituera le premier discours d'un dirigeant étranger devant l'Assemblée depuis 2006. Ce discours devant les représentants français constitue le moment fort de la visite en France de M.Marzouki, destinée à donner un nouveau départ aux relations entre Paris et Tunis. Le premier président de la Tunisie démocratique effectue depuis mardi jusqu'à aujourd'hui une visite destinée à lever les malentendus créés par le soutien de Paris à l'ancien régime du président Zine El Abidine Ben Ali et à rééquilibrer les relations bilatérales. Signe que la France tient à réparer les liens, M.Marzouki, longtemps réfugié en France, sera le premier haut responsable étranger à s'exprimer devant la Chambre basse du Parlement français depuis le discours du président de la Commission européenne José Manuel Barroso en janvier 2006. Il devait être reçu en début de matinée d'hier dans l'hémicycle où, après une allocution du président socialiste de l'Assemblée nationale Claude Bartolone, il prononcera son discours à valeur hautement symbolique. Cette réception a cependant provoqué un certain malaise dans les rangs du parti conservateur d'opposition UMP. L'ancien secrétaire d'Etat Pierre Lellouche a prévenu qu'il n'assisterait pas à la réception du président tunisien, jugeant que le processus démocratique en cours en Tunisie n'était «pas encore stabilisé». «Il y a une différence entre reconnaître un Etat, l'aider, et en même temps, donner cette espèce d'onction qui consiste à venir dans l'hémicycle de l'Assemblée nationale», a-t-il estimé. M.Marzouki, un nationaliste de gauche laïc, est allié aux islamistes au pouvoir du parti Ennahda. L'opposition tunisienne craint une dérive islamiste au sein d'Ennahda bien que celui-ci multiplie les assurances sur son caractère républicain et s'est engagé au respect des droits de l'Homme, de la femme et des libertés. «Claude Bartolone en fait un peu trop!», a estimé un autre député conservateur français, Jacques Myard, qui assistera néanmoins à sa réception car, a-t-il souligné, «nous allons être obligés de dialoguer avec la Tunisie». Parmi les dirigeants étrangers qui se sont exprimés devant les députés français, figurent l'ancien président américain Bill Clinton, le roi Hassan II du Maroc, l'ex-secrétaire général des Nations Unies Kofi Annan, le chancelier Gerhard Schröder et le président Abdelaziz Bouteflika. Dès mardi, la France et la Tunisie ont affiché leur volonté de nouer de nouvelles relations lors d'une rencontre et d'un dîner entre M.Marzouki et le président français François Hollande. M.Hollande a assuré son homologue tunisien que Paris était «aux côtés» de la Tunisie pour «assurer le temps de la transition». M. Marzouki a expliqué que son pays était «en train de s'émanciper» et que «par-delà tous ces acquis, la Tunisie a retrouvé sa fierté et sa dignité». Alors que les dirigeants français successifs ont toujours eu des relations privilégiées avec le père de l'indépendance tunisienne Habib Bourguiba puis avec son successeur Ben Ali, la France alors dirigée par Nicolas Sarkozy était dans un premier temps totalement passée à côté de la révolution en Tunisie en janvier 2011, tardant à condamner l'utilisation de la violence contre les manifestants.