Le non-paiement de la pension alimentaire est un délit qui prend de fâcheuses proportions... Houcine F. est un excellent papa mais victime des battements de son coeur balancés en direction de Zahia son ex-épouse et mère d'un beau minet innocent comme tout. Face à Sarah Ziane, la sévère présidente de la section correctionnelle du tribunal de Rouiba (cour de Boumerdès), Houcine doit s'expliquer sur le non-paiement de la pension alimentaire. La juge commence par constater que l'inculpé parle avec elle en ayant le corps légèrement tourné vers l'ex, une dame pas terrible sur le plan physique avec un visage barré d'un gros nez de boxeur en fin de carrière (peut être l'a-t-elle été à la suite d'un mauvais coup balancé par Houcine qui doit connaître le très moche adage qui prétend que «celui qui aime bien, châtie bien». Remarquez, même lui, le père de famille ne casse rien. Il n'a rien qui puisse attirer une femme. En fixant la juge, l'homme insinue des choses. Il affirme qu'il lui avait expédié «un mandat de un million de centimes qu'elle a refusé». -Elle a raison. Vous ne lui aviez réglé que deux mois et demi de pension alimentaire alors que vous devez à votre enfant, cinquante mois! Un peu plus de quatre ans à raison de quatre mille dinars, ce n'est pas beau comme ratage, ça, non?» articule, en tenant sa paire de lunettes de vue et balayant la salle de son regard angélique et maternel, la présidente Sarah Ziane. L'inculpé va alors s'amuser à entraîner le tribunal sur son terrain préféré: celui du dribble et du gain de temps qui consistera à renvoyer le procès le temps que madame l'ex se calme et consente à retourner chez elle avec son fils et son...mari. Ziane devine rapidement les intentions du Monsieur. Et ce Monsieur veut quitter le statut d'inculpé à celui de frais remarié avec son ex qu'il adore visiblement. Il n'a même pas besoin de le préciser, à entendre les mots prononcés en direction de Zahia qui est, elle, décidée à récupérer les dinars de son «foie». Elle va même en rajouter: «Madame la présidente, il veut une réconciliation alors que son enfant crève de faim. Il cherche le retour au foyer conjugal alors qu'il n'a jamais mis les pieds chez mon père pour voir et faire sortir son garçon. Croyez-le si vous voulez, mais moi, non! Jamais! Plus jamais sa peau ne frôlera la mienne. Il ne m'a jamais rien apporté. Et depuis le divorce, il ne s'est pas occupé de son fils. Comment voulez-vous que je revienne avec un tel individu et...» «Ça va, ça va. Nous sommes ici pour le non-paiement de la pension alimentaire pas pour réveiller les vieux démons de la vie conjugale. Alors, cessez-le-feu et revenons au sujet qui intéresse le tribunal!» tranche, sans se fâcher, mais aussi avec beaucoup de détermination, Ziane, qui a vécu des situations plus émouvantes et beaucoup plus préoccupantes pour les familles, les enfants et la société en général. Et ici, visiblement, la magistrate n'avait pas envie, mais alors pas du tout, de jouer à la réconciliatrice sachant que c'était le rôle de sa collègue de la section «statut personnel». C'est pourquoi elle passera à la vitesse supérieure en exigeant de l'inculpé de s'engager ici, maintenant, à la barre, de prendre rendez-vous avec son ex pour aller chez l'huissier du coin, établir un calendrier de paiement en tranches mensuelles du reste à régulariser. «Attention inculpé. Le tribunal vous tend la perche et ne prenez pas la bonne volonté pour de la faiblesse. Quant à vous madame, sachez que tôt ou tard et je vous le certifie, ça sera plus tôt que vous ne l'imaginez. Ce Monsieur paiera sa dette envers son enfant!» L'inculpé baisse la tête. Pas pour longtemps, car il est invité à prononcer un mot avant son retour à la barre sous quinzaine et son dernier mot sera formé de cette question qui permettra à l'assistance de pouffer: «Quand est-ce que tu reviens à la maison?» Et comme à la parade, Sarah Ziane de conclure: «Fallait pas vous précipiter en divorçant. Allez, du champ, le tribunal a beaucoup à faire!». Un long silence accompagnera la sortie du couple et de l'enfant. Quelle misère que ces débats!