Comme des ours sortis de leur tanière après plusieurs mois d'hibernation, les mendiants prennent d'assaut les mosquées et les trottoirs à chaque Ramadhan pour faire la manche. Ils sont visibles partout. A proximité des mosquées, à l'entrée des bureaux de postes et des banques, devant les boulangeries et les restaurants, dans les bus et les trains et même à l'intérieur des immeubles où ils font du porte-à-porte pour essayer de trouver des âmes charitables. Les mendiants sont omniprésents, surtout durant le mois de Ramadhan, période faste, qu'ils mettent à profit pour ramasser le plus d'argent. Entourés souvent d'un ou plusieurs gosses qui les suivent partout comme leur ombre, ils s'installent parfois au milieu du trottoir pour faire la manche. La plupart choisissent des lieux très fréquentés pour y établir leurs quartiers..Comme les bêtes sauvages qui marquent leur territoire, ils empêchent tout intrus qui oserait les défier, en s'installant tout près d'eux. Il n'est pas rare de croiser sur sa route des mendiants se disputant pour une sombre histoire de territoire. Certains en arrivent parfois aux mains. Ce n'est que grâce à l'intervention des passants qu'ils suspendent, momentanément, les hostilités qu'ils reprennent, aussitôt après, jusqu'à ce que l'un d'eux batte en retraite. A ce jeu, ce sont les plus jeunes et les plus valides qui sortent souvent vainqueurs. La mendicité est devenue une fonction très lucrative. Selon certains commerçants, les mendiants gagnent beaucoup d'argent, en tout cas, nettement plus qu'un travailleur salarié ou un smicard. Ceux qui ont élu domicile au niveau des quartiers très fréquentés font jusqu'à 5000 dinars par jour! Durant le mos de Ramadhan, mois de la piété et de la solidarité, ils sont particulièrement actifs. Afin que les gens s'apitoient sur leur sort, des mendiants pourtant saints de corps et d'esprit innovent, en se transformant, qui en une personne aveugle, qui en un handicapé se déplaçant avec des béquilles. Certains disposent même d'une belle voiture et d'un chauffeur qui les récupère en fin de journée. Un réalisateur a consacré un de ses films à ce phénomène, qui nous montre une scène burlesque d'un mendiant grondant son chauffeur parce qu'il était venu en retard pour le ramener chez lui. A la longue, on ne sait plus distinguer un vrai mendiant d'un faux. Une nouveauté, on loue des bébés ou des enfants en bas âge qu'on fait passer pour ses propres enfants pour s'attirer la sympathie des gens. Coût de la location: 2000 dinars par enfant la journée. On le voit bien, si un pseudo mendiant parvient à payer 2000 dinars pour s'assurer les «services» d'un enfant, c'est qu'il doit gagner beaucoup plus. Les mosquées sont devenues des crèches et des mines d'or pour tous ces faux mendiants et mendiants qui sévissent dans la capitale. Le mois sacré est pour eux un mois béni, une occasion inespérée pour se faire de l'argent sans le moindre effort. La plupart pensent, déjà, à la fête de l'Aïd et aux profits qu'ils vont tirer de la Zakat El Fitr qui est chaque année plus conséquente. L'arrivée par vagues de milliers de réfugiés syriens qui ont investi les principales places de la capitale pour solliciter la solidarité des Algériens risque de perturber sérieusement leurs plans. A moins qu'ils ne trouvent d'autres stratagèmes, d'autres formules pour conserver leurs privilèges et continuer à régner, en maîtres, dans Alger.