«La société en général tolère les étrangers et les citoyens qui pratiquent d'autres religions que l'islam» Le nombre de chrétiens et de juifs en Algérie varie entre 30 000 et 70 000 personnes avec une nette prépondérance de chrétiens. En outre, entre 1 000 et 1 500 chrétiens coptes égyptiens vivent dans le pays. «Oui, mais...», tel est le constat fait par l'Oncle Sam sur la liberté du culte en Algérie. Dans le Rapport 2011 sur la situation des libertés religieuses à travers le monde, présenté lundi par la secrétaire d'Etat américaine, Hillary Clinton, il n'y a eu aucune détérioration dans le respect et la protection du droit à la liberté religieuse en Algérie. Cependant, ce rapport ne révèle aucune amélioration dans ce sens. Pour les Américains donc, la pratique du culte en Algérie connaît une situation de statu quo. Ce rapport souligne le fait que cette liberté de culte est un droit protégé par des textes de loi, mais ces derniers peinent à être appliqués. «Le prosélytisme est une infraction pénale dont la peine peut aller d'un à trois ans de prison, mais sa mise en oeuvre a été irrégulière», est-il noté dans ce rapport. Les Américains ont également noté l'ouverture d'esprit et la tolérance de la société algérienne vis-à-vis des non-musulmans, ce qui leur permet de pratiquer librement leur culte. «La société en général tolère les étrangers et les citoyens qui pratiquent d'autres religions que l'islam», est-il indiqué. Citant des estimations officieuses, le département de Hillary Clinton témoigne que le nombre de chrétiens et de juifs en Algérie varie entre 30.000 et 70.000 personnes avec une nette prépondérance de chrétiens, tout en précisant que ce chiffre inclut les expatriés vivant dans le pays pour des raisons professionnelles. En outre, entre 1000 et 1500 chrétiens coptes égyptiens vivent dans le pays. Toutefois, ce rapport des «oui, mais» rappelle que certains convertis algériens gardent un profil bas car ils craignent pour leur sécurité personnelle et redoutent de potentiels problèmes juridiques et sociaux. Il donne de ce fait comme exemple celui «des extrémistes qui ont harcelé et menacé certains convertis au christianisme». A ce sujet, il note le fait que beaucoup de citoyens chrétiens continuent à se réunir dans des «églises» officieuses, souvent les maisons ou les entreprises de membres de l'église. «Certains de ces groupes se réunissent ouvertement alors que d'autres le font en secret», ajoute le même rapport. Ce document qui a été rédigé grâce à une sorte de «micro-trottoir» précise que des groupes chrétiens ont parlé de retards importants dans la procédure de délivrance des visas, voire de refus catégorique, pour leur personnel travaillant en Algérie. Toutefois, note le département d'Etat, certains groupes de chrétiens ont indiqué que la situation des visas s'est améliorée par rapport aux années précédentes. D'ailleurs, «le gouvernement a autorisé des groupes de missionnaires à mener des actions humanitaires en Algérie à condition de ne pas faire de prosélytisme», est-il encore souligné. Pas de prisonniers religieux en Algérie Dans le même registre, il est fait état d'une plus grande ouverture vis-à-vis des institutions religieuses non musulmanes. «En plus de l'Eglise catholique romaine qui avait été, auparavant, la seule institution religieuse non musulmane officiellement reconnue dans le pays, le ministère algérien de l'Intérieur a reconnu officiellement l'Eglise protestante d'Algérie en 2011», atteste la même source. Le rapport note aussi que les églises anglicanes et celles des Adventistes du Septième jour ainsi que d'autres églises protestantes ont introduit des demandes d'inscription et elles n'ont signalé «aucune ingérence du gouvernement dans la tenue de leurs services religieux». Les entités chrétiennes ont aussi indiqué que «le gouvernement algérien leur a permis d'importer davantage d'ouvrages religieux que les années précédentes». Par ailleurs, le département d'Etat estime que le décret exécutif 07-158, entré en vigueur en 2009, apporte une plus grande précision à l'ordonnance 06-03 en définissant la composition de la Commission nationale régissant les entités religieuses non musulmanes. Abordant cette ordonnance du 06-03, le rapport rappelle que «le gouvernement a maintenu cette ordonnance 06-03 qui réglemente la pratique religieuse des non-musulmans et qui prévoit des amendes contre les personnes qui tentent de convertir les musulmans à une autre religion». Le rapport constate aussi que «les chefs religieux musulmans et les politiques critiquent publiquement les actes de violence commis au nom de l'Islam». Enfin, le rapport souligne le fait que l'ambassade des Etats-Unis à Alger est très active contre la discrimination religieuse, rappelle le département d'Etat. «Les fonctionnaires de l'ambassade, y compris l'ambassadeur, ont rencontré des représentants du gouvernement pour discuter de leurs préoccupations concernant la liberté religieuse, en particulier les difficultés rencontrées par les groupes chrétiens pour inscrire leurs organisations auprès du gouvernement ou pour obtenir des visas pour l'Algérie». En général donc, le rapport n'épingle pas l'Algérie mais il n'omet pas de soulever le fait que beaucoup reste à faire. «Des rapports font cas d'abus concernant les libertés religieuses. Mais aucun rapport ne fait cas de détenus ou de prisonniers religieux dans le pays», est le constat général qui résume ce rapport qui, s'il était un bulletin scolaire, aurait comme appréciation... «Peut mieux faire»! L'Europe épinglée! Même s'il a été plus ou moins tendre avec l'Algérie, ce rapport n'a pas hésité à épingler d'autres pays à l'instar de la France et de la Belgique, ce qui prouve sa crédibilité. En effet, les lois contre la burqa en France et en Belgique ont été pointées du doigt par Washington. Les Etats-Unis ont plus généralement dénoncé une poussée de l'antisémitisme et de l'hostilité à l'égard des musulmans en Europe. «Les pays européens sont de plus en plus divers en termes ethniques, raciaux et religieux. Ces évolutions démographiques s'accompagnent parfois d'une montée de la xénophobie, de l'antisémitisme et de sentiments antimusulmans», pointe le rapport. Le département d'Etat met également en exergue «le nombre croissant de pays européens, parmi lesquels la Belgique et la France, dont les lois restreignant le code vestimentaire ont un effet défavorable sur des musulmans et sur d'autres», en référence aux législations européennes visant le port du voile intégral. De manière générale, le rapport international sur les libertés religieuses en 2011 du département d'Etat - le premier depuis le Printemps arabe- met au jour «les conséquences sur les minorités religieuses des transitions politiques et démographiques, l'impact des conflits sur la liberté religieuse et (...) la poussée de l'antisémitisme». Saluant les «transitions démocratiques en cours en Afrique du Nord et au Moyen-Orient, notamment en «Tunisie, Libye, Egypte», le département d'Etat rappelle que la «situation des minorités religieuses dans ces pays fait la Une de l'actualité». Ksentini satisfait Réagissant au dernier rapport publié par le département d'Etat américain sur la liberté du culte en Algérie, le président de la Commission nationale consultative pour la protection et la promotion des droits de l'Homme (Cncppdh) s'est dit satisfait du contenu de ce rapport. «C'est un rapport qui se rapproche beaucoup de la réalité», déclaré hier Farouk Ksentini estimant que les rapports du Département d'Etat sont de plus en plus objectifs, «ce qui ne pourrait que nous réjouir», a-t-il dit. M Ksentini n'a ni commenté ni remis en cause les différents chapitres du rapport américain concernant l'Algérie. «Aucune loi n'est parfaite. Les textes législatifs sont appelés à être revus, actualisés et dépoussiérés pour suivre le dynamisme de la société», s'est contenté de dire le président de la Cncppdh.