Une baignade à la belle étoile, quel plaisir! La sécurité et l'éclairage prévalant dans ces plages incitent les Algériens à y aller pour leurs soirées. «Vamos à la playa», voilà ce qui semble être devenu le mot d'ordre en ces soirées ramdhanesques. Y a-t-il un endroit plus tranquille et plus convivial que le bord de la mer? Incontestablement, non. C'est ce qui pousse de plus en plus d'Algériens à aller y passer leurs «sahra». Que ce soient les familles ou les jeunes, nombreux sont ceux qui optent pour ces baignades qui leur permettent de passer de bonnes soirées sans dépenser un sou... Après l'Iftar, plusieurs familles se rendent à la plage pour se rafraîchir après une journée caniculaire. Depuis le début du mois sacré, les plages de l'Algérois connaissent en effet une affluence de visiteurs en quête de distractions et de fraîcheur. La ruée vers la Grande Bleue crée une atmosphère festive. C'est dire aussi que les nuits du Ramadhan motivent et incitent les gens à sortir et profiter d'une ambiance particulière. Une occasion de prendre du bon temps avec sa famille, ses amis ou carrément en solo pour certains. Que ce soit la côte Est ou Ouest, les plages ne désemplissent pas tout au long de la semaine. À Palm Beach ou à Sidi Fredj, il vous faut souffrir des heures dans les interminables bouchons pour pouvoir arriver à bon port. Il est 21 h, les plages sont déjà bourrées de monde. Les premiers noctambules ont déjà fait trempette. Parmi eux, Aïssa un amoureux de la mer qui dit être là depuis 19 h! «Oui, je suis là tous les jours à partir de 19h avec toute ma famille», assure-t-il. «Mon dîner de F'tour, je préfère le prendre en bord de mer», explique-t-il. «J'adore la Grande Bleue, elle me repose, et ma femme et mes enfants partagent avec moi cette passion alors on y vient pratiquement tous les jours pour l'iftar», atteste-t-il. «On est seuls, tranquilles il n'y a personne pour nous déranger, il n'y a pas de bruit, seul celui des vagues nous berce», ajoute-t-il. «Ma femme prépare tout à l'avance. Dès que je rentre du boulot on prend notre festin dans des glacières et thermos et on le consomme tranquillement en face d'une mer des plus relaxantes», explique-t-il. «Les enfants s'en donnent à coeur joie, ils mangent doucement, jouent au bord de mer et ma femme et moi ça nous déstresse», poursuit-il en indiquant que certains des leurs les rejoignent de temps en temps. «Cependant personne n'a le courage de le faire aussi souvent que nous. Mais quand on aime...», souligne-t-il. Contrairement à Aïssa, la majorité des autres «baigneurs de nuit» y viennent seulement pour la soirée. «Mes enfants adorent la plage, moi tout autant, l'été a été très court. Alors on vient de temps en temps après le F'tour surtout quand il fait chaud. C'est très agréable en plus on ne dépense pas un sou», explique Ali, chef de famille qui dit que l'éclairage et la sécurité qui règnent désormais dans les plages l'ont encouragé. Au Club des pins, aussi! Les résidences d'Etat n'échappent pas à ce phénomène. Au Club des pins, c'est la même ambiance! La plage est prise d'assaut pour des «bains de s'hour». Résidents ou ceux qui ont un droit d'accès profitent des joies que leur procure la mer en ces chaudes soirées ramadhanesques. Certains, qui ont choisi de s'installer face à la mer, s'adonnent aux plaisirs d'une bonne dégustation. Un véritable pique-nique est installé pour l'occasion. Des nappes ou des serviettes de plage étalées à même le sable et sur lesquelles sont dressés des thermos de thé accompagnés de petits gâteaux, font le plaisir des fins gourmets. Pour les plus friands, une crème glacée ne sera pas de trop. Ceux qui ne sont pas équipés pourront siroter le thé vendu par les marchands ambulants. Les jeunes, eux, s'adonnent pendant ces longues soirées à des bains de minuit qui, le moins que l'on puisse dire, rafraîchissent et détendent... Ces baignades nocturnes sont suivies de parties de dominos à même le sable, assorties de «mouksirate» (amuse-gueule), comme aiment les appeler les jeunes. Outre les cacahuètes, il y a aussi le thé et le qalbellouz. Toutefois, ce qui paraît indispensable pour passer une bonne soirée en bord de mer, n'est autre que la star incontournable du moment, à savoir le narguilé ou communément appelé la chicha... «Chicha, dominos, thé, les copains, du sable fin, la mer en face, khir min soltane fi darou (c'est mieux que le sultane dans son palais)», ironise Mehdi, un jeune rencontré à Deca Plage à Aïn Taya (banlieue Est d'Alger). Plusieurs bandes de copains étaient affalé sur le sable profitant des délices de la Méditerranée. Mais quelle est la raison qui les a poussés à choisir la plage comme destination nocturne? «La plage permet des activités ludiques spécifiques au Ramadhan et on peut se rafraîchir à volonté», rapporte pour sa part Khiro, un autre jeune rencontré sur place. «Rien ne vaut un bon plongeon pour récupérer des efforts du jeûne», ajoute-t-il, avant que son ami Issam, ne l'interrompe. «Parle pour toi, moi nager le soir, c'est pas trop mon kif, J'ai peur de me faire piquer par je ne sais quel animal sous-marin ou bien pire, me faire hanter par un esprit...», confie-t-il d'un air craintif. «Oh, le peureux! De quoi as-tu peur, regarde comme c'est bien éclairé à Deca. On voit tout comme si on était en plein jour», lui rétorquent ses amis d'un air moqueur. «Moi je viens pour rester avec vous mais surtout pour profiter de la tranquillité incomparable du bord de mer», leur répond Issam. «Avec le monde qui grouille dans les villes, on stresse plus que l'on ne profite de nos soirées. Ici, c'est retiré, tranquille, personne ne nous dérange et on ne dérange personne», poursuit-il. La plage pour s'évader... D'autres jeunes par contre, ont opté pour les sorties nocturnes à la mer afin de s'adonner à des activités sportives: jouer au ballon, courir... «On n'a pas d'endroit où jouer, il n'y a aucun espace où l'on peut se défouler. Si on joue dans nos quartiers on va faire beaucoup de bruit ce qui dérangera certainement les riverains. On préfère donc venir ici pour éviter les problèmes», explique un groupe de jeunes qui étaient en train de disputer un match de football sur le sable. «Ceux qui ne jouent pas aux dominos ou aux cartes, n'ont pas d'alternative pour leurs soirées!», disent-ils, d'un air déçu. Plus loin, on aperçoit un groupe de jeunes avec des pierres à la main. «En soirée on s'en sert comme support pour barbecue», expliquent-ils avec humour. «Nous on aime bien manger lors du s'hour, de bonnes brochettes. On vient donc souvent à la plage, le barbecue avec nous», soulignent-ils. Néanmoins, la plupart des jeunes rencontrés sont formels, la raison principale qui les pousse à venir passer leurs soirées à la plage est le fait du peu d'options qui se présentent à eux vu les prix exorbitants qu'affichent les soirées musicales et culturelles. «Si j'avais les moyens, moi aussi j'aimerais bien me trémousser dans une kheïma, ou autres soirées culturelles et profiter d'un bon bouillon de culture...», assure de son côté Faouzi. «Malheureusement, il n'y a pas de transport public digne de ce nom, il te faut donc une voiture pour pouvoir bouger. Et il te faut beaucoup d'argent pour pouvoir te cultiver ou profiter d'une belle soirée...», regrette-t-il. Des jeunes plus discrets fumaient des joints. «On profite des derniers péchés avant el Imsek», nous confient-ils. Les plages sont donc prises d'assaut pendant ces soirées ramadhanesques par des citoyens en quête d'un havre de paix. Les piscines pour ceux qui ont les moyens Mais ce n'est pas le seul endroit où les jeunes vont pour profiter des «bains de minuit». Les piscines privées sont également prises d'assaut par les jeunes en quête de fraîcheur! Ces piscines ont trouvé le filon en organisant une double formule, piscine et kheïma. Les nuits feutrées de l'hôtel Mazafran de Zeralda sont les pionniers dans ce genre de soirées. Une décoration somptueuse en bord de piscine. Une ambiance festive avec des DJ's, performers, spectacles, lives, jeux aquatiques... et bien sûr la fameuse baignade qui plait aux jeunes en quête de fraîcheur mais aussi de divertissement. «Depuis 4 ans, je suis un abonné des lieux», témoigne Hafid qui semble avoir trouvé son bonheur à une quarantaine de kilomètres d'Alger... Ce ne sont pas les seules piscines qui proposent ce genre de soirée. Ardis, qui a récemment ouvert ses portes, en fait de même avec ses soirées aquatiques où les jeunes s'éclatent dans les toboggans du parc aquatique tout en profitant de l'ambiance de la Kheïma. À Bordj El Kiffan, les piscines qui fondent la réputation de la ville ont également opté pour ce genre de soirées «deux en un» au grand bonheur des jeunes fêtards. Toutefois, le prix d'accès à ce genre d'endroit «in» reste excessif et n'est pas à la portée de tous. Mais cela ne les empêche pas de faire le plein. Plage ou piscine sont donc les endroits où les Algériens ont choisi de passer leur «Sahra». Chacun selon ses moyens, mais tous ont le même but: le divertissement...