Au souci de la «bouffe», la nourriture, s'ajoute donc celui des fringues L'Aïd approche à grands pas. A deux semaines de l'événement, qui précède cette année pratiquement de quelques jours la rentrée scolaire. Béjaïa et toutes les autres villes du pays commencent peu à peu à retrouver une activité commerciale intense, orientée beaucoup plus vers le vestimentaire. Les préoccupations des ménages évoluent au fur et à mesure. Même si la priorité est au couffin, les achats de vêtements de l'Aïd ont déjà commencé. Au souci de la «bouffe», la nourriture, s'ajoute donc celui des fringues. Et comme on doit habiller son fils au risque de le frustrer devant ses camarades du village ou du quartier, c'est donc la quinzaine de la bousculade devant les boutiques du prêt-à-porter et des quelques centres commerciaux qui offrent des opportunités d'achat. Dans la journée, les citoyens sont gagnés par la torpeur. Le ventre vide, une chaleur intense, l'unique préoccupation qui les anime est celle de se mettre à l'abri du soleil. C'est après le f'tour, que les choses sérieuses commencent. L'esprit retrouvé, les ménagères se ruent vers les boutiques. On y circule difficilement! Certains achètent, d'autres se contentent de regarder. Il faut faire le bon choix avec un bon prix et l'équation n'est pas toujours facile... c'est une mission difficile. Si pendant le Ramadhan la question de l'approvisionnement en denrées alimentaires a beau être la préoccupation principale des ménages, il reste que celle de l'achat des vêtements pour leurs enfants, pour la célébration de la fête de l'Aïd, est déjà dans les esprits. Ces dernières années on s'y prend tôt. La ville de Béjaïa se transforme en un gigantesque marché avec la nette prédominance des commerçants de fringues. Des foules de clients s'y bousculent. Une vendeuse d'un magasin de vêtements pour enfants nous confie: «Plusieurs familles ont préféré acheter les vêtements de l'Aïd avant même le début du mois sacré.» D'autres ne le font que pendant les soirées du Ramadhan.. «On a des pull- overs pour garçons de 500 DA jusqu'à 800 DA, des pantalons à 2000 DA et des robes à 3000 DA», a-t-elle souligné. Si ces prix-là sont abordables pour certains, ils ne le sont pas pour d'autres. Il se pose, comme de coutume, la question du pouvoir d'achat, et elles sont nombreuses les familles qui sont hantées par la question des prix. On les comprend parfaitement. En dépit de cette flambée des prix, les gens, riches ou pauvres, négocient sans répit le prix des chaussures, chaussettes, robes ou pantalons. Les petites bourses peinent à joindre les deux bouts. La hausse des prix n'a pas atteint uniquement les fruits et légumes comme cela est vécu depuis le début du Ramadhan. Elle touche aussi les prix des vêtements. Et c'est un casse-tête supplémentaire qu'il va falloir régler. Si les vendeurs affirment que les prix sont abordables, les acheteurs ne l'entendent pas de cette oreille. «Les prix affichés sont très élevés. Je viens de payer 3200 dinars ce pantalon, et ce tricot simple pour 1800 DA, les deux made in Turquie», nous confie, dans un autre magasin plus huppé, une maman qui estime avoir fait l'erreur de n'avoir pas pris les choses à temps, soit bien avant le Ramadhan. Les prix sont revus à la hausse par rapport à ceux affichés avant le mois sacré. Une hausse de 30 à 50%, constate ce jeune qui, lui aussi, s'est dit pris au dépourvu. «Je dois me contenter de vêtements moins chers», avoue-t-il précisant que le budget qui lui a été fixé par ses parents est de loin dépassé. Comme un peu partout dans le pays, il est loisible de constater que les vêtements asiatiques et turcs ont inondé le marché local. C'est l'ambiance du Ramadhan et de la fête de l'Aïd. Bousculades, rareté et cherté des articles nécessaires. Nul n'y échappe. Face à cette nouvelle facture, les familles modestes, aux ressources financières limitées, s'endettent juste pour faire plaisir aux enfants. «Je vais devoir m'endetter. Des magasins nous offrent cette opportunité alors j'opte pour de beaux habits pour mes enfants, quitte à en souffrir un peu par la suite, car il faudra rembourser ces dettes», explique Malika. Saïd, père de quatre enfants, accepte lui aussi, de payer par tranches. «Le commerçant est son voisin», confie ce fonctionnaire dont le revenu mensuel ne dépasse pas les 32.000 DA. Du coup, il est difficile de concilier qualité et prix. Les courses de l'Aïd ne sont, tout compte fait, pas une partie de plaisir pour les ménages qui notent cependant, avec satisfaction, la coïncidence avec la rentrée scolaire. «Je mets le prix qu'il faut car je vais habiller mes enfants pour deux événements», explique ce père. C'est en fait la seule satisfaction que l'on tire pour se consoler de la saignée.