Maître Mohamed Kadri a pris un air coléreux car son client, un récidiviste notoire, n'a pas, cette fois, volé. Abderrahmane Nassef est un enfant de Khemis El Khechna assez sympa mais il porte une tache noire derrière son dos et donc désigné à la vindicte à chaque fois qu'un larcin est commis dans la région de l'Arbatache et Khemis. C'est un récidiviste notoire. Il a touché à tout. De l'usage des stups aux coups et blessures volontaires à l'aide d'arme blanche en passant par l'escroquerie de bas étage, les insultes, les menaces, voire l'outrage à agents dans l'exercice de leurs fonctions. C'est dire si à Rouiba et Boumerdès (le lieu de l'appel autour des condamnations), il est connu et pas forcément apprécié et aimé. Pourtant, cette fois et heureusement qu'il avait un avocat sachant g...lorsqu'il le faut il est détenu, inculpé de vol sauf que personne ne l'a vu et qu'aucune empreinte digitale sur la carrosserie n'est venue le confondre. Et donc, face à cette triste situation, il y a un Algérien récidiviste certes, notoire sûrement, qui croupit en taule parce que tout simplement, la voiture volée avait été repérée par un gendarme qui avait rencontré par chance pour lui et par malheur pour Nassef, le... récidiviste! Et c'est autour de cette interpellation du suspect qui venait de sortir de chez lui la coïncidence ayant voulu que l'inculpé habite à quelques mètres du lieu où le véhicule avait été retrouvé sans aucune fracture des serrures ni bris de glace... Nassef Mohammed est un détenu pour vol de voiture qui a le malheur d'avoir un casier judiciaire plus que chargé et double manque de pot, il a été interpellé par un gendarme qui venait de découvrir la voiture garée à proximité du domicile de Nassef «venu déjeuner» dit l'avocat en ire. Pire! à la barre, la victime a dit quatre fois ne pas connaître l'inculpé qui a vu sa mine s'épanouir. Et il avait raison de se réjouir car généralement un rôdeur, voleur, chapardeur a une bobine connue de tous au patelin. Et Khemis El Khechna est un beau patelin où les gens se connaissent très bien. Nassef est plus connu. C'est une star locale. Et donc, lorsqu'il y a délit, les gendarmes savent à qui s'adresser...on ne sait jamais. Manque de chance! Cette fois le délit a été commis avec le double des clés de la voiture. Et Maître Mohammed Kadri le turbulent conseil le criera très fort au cours de sa plaidoirie: «Cette victime avait déjà fait l'objet d'un vol de voiture en 2009 avec le double des clés. C'est l'histoire réécrite!» Yassine Ouazaâ, le président de la section correctionnelle du tribunal de Rouiba (cour de Boumerdès), suit avec beaucoup d'assiduité car il a une énorme qualité, en l'occurrence, une immense capacité d'écoute qu'il mettra à plat devant l'étonnant Maître Mohammed Kadri, l'avocat de Abderrahmane Nassef, qui s'est voulu volontairement long au cours de sa plaidoirie à plusieurs axes. Et rien que pour le plaisir, nous allons nous faire partager le pan, i-e le pan de l'intervention relatif à la présence dans un dossier quasi-vide, de la copie du casier judiciaire. Après avoir regretté que l'Algérie ne soit pas adepte de la justice anglo-saxonne, l'avocat a crié sa douleur en exhibant le casier du gus à plusieurs tomes: «Monsieur le président, nous avons en main le casier qui ne devrait pas être sous vos yeux car un tel document, influe énormément sur la décision que vous allez rendre tout à l'heure.» Et c'est là où j'ai voulu placer l'index: «Dans un pays anglo-saxon, il est formellement interdit de ramener le casier pour laisser le juge du siège travailler sereinement sans une quelconque présence d'un document enfonçant», s'était écrié le défenseur qui passera lui aussi un bon moment à conseiller à Ouazaâ «de ne pas trop s'attarder sur le casier car il s'agit de la liberté des gens». Et Maître Kadri de conclure comme à la parade: «Monsieur le président, faites votre boulot sans la lecture du casier et vous aurez rendu justice loin de toute envie de piétiner les droits d'un inculpé au passé noir, sale, encombrant mais au présent net, propre, non éclaboussé car ce n'est pas lui l'auteur du vol de l'auto qui est à chercher ailleurs!», conclut le conseil qui sera heureux de prendre acte de la relaxe de son client plus heureux encore que tout le monde car il est désormais libre!