Convaincu que le prévenu est innocent, le défenseur a été plus qu'époustouflant... Il a été plus qu'époustouflant, Maître Bensaïd Maître Youssef Bensaïd, le grand avocat de plus d'un mètre quatre-vingt-douze, n'a pas ménagé sa tignasse noire rejetée derrière son massif cou et sa grosse nuque qui dominent de larges épaules qui portent un corps de poids (Allah bénisse). Face au trio de juges de la deuxième chambre correctionnelle d'Alger, l'avocat avait mijoté une brillante intervention juste de quoi arracher son jeune client au «pull blanc» qu'il portait ce jeudi à l'audience. Les faits relatés laissent apparaître que le jour des faits, les gens étaient attablés, sirotant, qui un café qui un soda, un thé lorsque l'un d'eux avait vu un manège: quelqu'un vêtu d'un «pull blanc» qui voulait probablement cambrioler le véhicule. Et le «gosse» en question n'a eu qu'un seul réflexe: courir chez les flics et donner l'alerte. Le temps que le témoin oculaire de la tentative de vol arrive, discute avec les policiers et revienne au café, le voleur avait disparu. Au moment de l'arrivée des policiers, par malheur, le prévenu du jour, client de Maître Bensaïd passait par là. Puis ce fut la catastrophe. Le pauvre jeune homme de un mètre quatre-vingt un est jeté en taule. Il est jugé en flagrant délit et condamné à une lourde peine de prison ferme. En appel, il est devant Brahim Kherrabi, le président de la deuxième chambre correctionnelle d'Alger. Nadia Amirouche et Mansour Ouchen, les deux excellents conseillers veillent au débat contradictoire. D'un côté, le pertinent Nasredine Rebaï poursuivant jusqu'au bout des ongles et de l'autre l'immense avocat Maître Bensaïd, décidé à arracher la meilleure décision qui peut permettre à son jeune client de rentrer chez lui. A le voir poser des questions aux réponses salvatrices, le défenseur cherche carrément la relaxe et non pas un vulgaire verdict où le sursis pourrait prêter à rire pour le commun des justiciables. Non, le conseil à la tignasse qui le rajeunit, devait penser que ce procès était le bon, juste de quoi effacer les honteux débats menés par le tribunal. Cette fois, il n'y a plus un seul juge aux deux yeux et deux oreilles mais trois magistrats assis, rusés, chevronnés, six yeux et six oreilles ouverts aux arguments de la défense. Et comme pour montrer à l'assistance sa bonne foi, Kherrabi s'empare du témoignage des flics qui avaient interpellé Liamine T. le prévenu. -«Monsieur le président, vous avez en face de vous un jeune primaire au casier quasi vierge qui n'a eu qu'un seul tort, être au mauvais endroit au mauvais moment. Il n'a même pas tenté de s'enfuir à la vue des policiers. Il avait même envie de leur tendre la main en guise de salut...de politesse... -Il ne l'a pas fait», coupe le magistrat avec un large sourire qui cachait probablement une envie d'en finir. Malgré tout, Maître Youssef Bensaïd voulait soulever des montagnes, surtout que Rebaï, le procureur général, venait de faire un commentaire autour de ces rôdeurs de l'aube où ceux de la nuit noire, car non appelant dans ce dossier, il ne pouvait donc pas effectuer de demandes depuis le siège du ministère public. Assis à nos côtés, Maître Khaled Selam, l'avocat de Aïn Bénian balance ce commentaire: «Eh bien, c'est mieux maintenant que les gens sortent à l'aube et veillent aussi tard, c'est la preuve que la paix est revenue et les fruits de la réconciliation nationale sont délicieux... Et pan! C'est là le signe du bon sang qui ne saurait mentir car Maître Khaled Selam venait de nous rappeler son regretté papa, Ahmed, cet enfant digne de l'Armée de libération nationale disparu très tôt pour goûter au bien-être de l'Algérie qu'il a débarrassée des «Bérêts», les rouges, les verts et les noirs.