«stop et non aux protagonistes de l'obscurantisme religieux et la politique féodale» La nouvelle Constitution au coeur des débats parmi la classe politique et la société civile. Les Tunisiens découvrent les aléas des enjeux politiques post-révolution du 14 janvier 2011. La société civile tunisienne prend en charge les retombées de la dictature et pose les jalons d'une nouvelle Tunisie post-régime de Ben Ali qui a régné d'une main de fer pendant plus de 30 ans, laissant derrière lui, plus de 300 victimes entre décès et blessés. «Le symbole de la Tunisie, c'est la mixité. On ne peut jamais séparer les hommes des femmes pour construire et développer la Tunisie», expliquent de nombreux historiens et observateurs tunisiens, et ce, rien que pour dire «stop et non aux protagonistes de l'obscurantisme religieux et la politique féodale qui veulent à tout prix récupérer les pouvoirs aux dépens des objectifs de la révolution tunisienne». «Le défunt jeune qui s'est immolé à Sidi Bouzid, n'est qu'une étincelle qui a fait bouger tout le monde. C'est le ras-le-bol qui a poussé les Tunisiens et Tunisiennes à sortir dans la rue en masse», dit Lamia F., présidente de l'Association des familles des martyrs qui a perdu son frère dans les événements noirs du mois de janvier 2011. Malgré, tout, «la Tunisie s'en est sortie avec moins de dégâts par rapport aux autres pays arabes qui ont connu des révolutions jusqu'à présent», dit Mohamed, un jeune de 30 ans, Bac +2, qui a trouvé sa réussite dans la contrebande à Dehiba, à 650 km de Tunis, entre les frontières tuniso-libyennes. «Prends ta Tunisie» Très cultivé, Mohamed a réussi à faire marier ses deux frères, dont un policer avant de s'occuper de son propre avenir. «Je suis conscient de la nature du trafic. Mais je ne marchande jamais dans les produits prohibés tels que la drogue et les armes. Tenant compte des spécificités de la région Sud-Est du pays, j'estime que je suis en train de rendre service à mon pays en introduisant des produits de consommation de base, introuvables en Tunisie», avoue-t-il. Selon nos interlocuteurs qui sont venus de Dehiba, les habitants de cette région ont arraché leur liberté depuis 2006. «On n'a pas attendu 2011 pour dire notre mot. Plus de 2000 familles se sont installées tout au long des frontières des deux pays pour dire non à Ben Ali et son régime dictatorial» révèlent-ils, avant d'ajouter: «Nous lui avons dit à l'époque ́ ́prends ta Tunisie et tout ce qu'il y a dedans», avant de recevoir des assurances et des garanties pour ne plus assiéger la population de la région. Enfin, le rapprochement et la solidarité des populations frontalières font craindre le pire au régime de Ben Ali, selon eux. Après trente ans de dictature obscure du régime de Ben Ali et sa femme Leïla Trabelsi, les Tunisiens et les Tunisiennes retrouvent enfin plus ou moins leur liberté et dignité citoyenne. «Avant janvier 2011, quiconque aborde des questions politiques, risque la prison, au moment où les richesses du pays se partagent entre les clans et les membres du sérail du régime en place», tout en rappelant des moments fastes de la dictature du régime «On n'a pas confiance même pas entre membres d'une seule famille», disent-ils, toutes les catégories sociales professionnelles et économiques que nous avons rencontrées à la fin du mois d'août dernier à Tunis. Hanène Zbiss, journaliste au magasine Réalités, souligne «Officiellement, rien n'a encore changé. Les pouvoirs qui succèdent au régime de Ben Ali, veulent rééditer la politique du bâton à l'égard des médias», dit-elle sur un ton révolté. Membre du Syndicat national des journalistes tunisiens, Hanène se dit déterminée à continuer le combat avec les membres du Snjt jusqu'au bout. Classé 4e pays dans le monde en terme d'obligations fiscales, une catégorie de personnes proches de Ben Ali n'hésite pas à limoger et éliminer n'importe quelle personne, juge ou responsable qui ose s'opposer ou dénoncer les intérêts occultes des hommes du régime de Ben Ali et du Rassemblement constitutionnel démocratique (RCD). «Savez-vous pourquoi Ben Ali a été déchu de son poste?», nous ont dit quelques cadres tunisiens. « C'est à cause de la mainmise des beaux-frères du président Ben Ali et de la famille Trabelsi» révèle-t-on. Les alliés du régime s'introduisaient de force dans tous les secteurs économiques et stratégiques du pays, afin d'accaparer des parts très importantes des marchés du pays, selon des interlocuteurs bien placés dans les hautes sphères du gouvernement tunisien. «Effectivement, je suis dans le domaine industriel. Les protégés de Ben Ali, n'hésitaient pas à faire des propositions dans tous les secteurs, notamment le tourisme. Dans le cas où on refuse leurs offres, on se retrouvaient dans des situations de redressement fiscal inimaginables qui poussent à la faillite de l'entreprise» a regretté K.Samy, industriel, âgé de 65 ans environ. Dr Salim Fekhri, chirurgien dans un hôpital à Tunis, revient sur ses souvenirs: «J'ai opéré au moins 8 blessés dans mon bloc opératoire. Ces jeunes qui sont sortis, ont tous reçu des balles dans le dos», et ce, pour dénoncer l'atrocité du régime de Ben Ali, tout en innocentant les agents qui ont tiré dans le dos des manifestants. «Pour moi, les agents de l'ordre sont des victimes du régime. Eux aussi obéissaient à l'ordre de tirer à bout portant sur des citoyens qui n'ont fait que réclamer leur liberté et citoyenneté», dénonce-t-il. Que devient la Tunisie post-Ben Ali? Vingt mois après la révolution du 14 janvier 2011, que devient la Tunisie? Contrairement à ceux qui croient que la Tunisie vit une situation instable au point de faire fuir des milliers de touristes, ce pays de 12 millions d'habitants, reconnaît en grande partie, le travail de Habib Bourguiba qui a investi dans le secteur éducatif, culturel et scolaire pour élever le niveau culturel et intellectuel des citoyens. «L'honneur et la reconnaissance reviennent à l'ex-président Habib Bourguiba qui a développé l'esprit du savoir à tous les niveaux. Sans cela, la Tunisie aurait sombré dans le néant après la révolution du peuple», nous dit-on. Abdessettar Ben Moussa, nouveau président de la Ligue tunisienne des droits de l'homme (Ltdh), reconnaît toute la difficulté. «Nous avons compris que la démocratie n'est pas une chose facile mais c'est un exercice quotidien à tous les niveaux que nous devons mener pour réussir le projet démocratique en Tunisie», a-t-il déclaré le 22 août dernier, en marge de la conférence sur l'avant-projet de la Constitution à Tunis. La stabilité et l'avenir du pays dépendent de la qualité de la prochaine Constitution tunisienne qui sera élaborée dans les prochains mois. En ce qui concerne la rédaction et l'élaboration de cette nouvelle Constitution, le parti Ennahda doit composer avec tous les représentants de la société civile sans exception. Autrement, c'est une perte de temps pour le pays qui se retrouvera encore dans des luttes intestines et partisanes sans lendemain, ajoute le nouveau président de la Ligue tunisienne des droits de l'homme. La reprise du secteur du tourisme est un indice palpable par rapport à la sécurité et à la stabilité du pays. A l'exception des mouvements extrémistes provenant de la mouvance saadiste, les Tunisiens rejettent en bloc la violence à tous les niveaux. Pour témoignage, nous avons sillonné de nombreux quartiers populaires à Tunis, où l'on s'attendait plus ou moins à des provocations, mais à aucun moment nous n'avons été inquiétés même pas par un regard de la part des citoyens tous âges confondus. Le tourisme étant le secteur principal du développement de l'économie tunisienne, a repris de plus belle en chiffres et en qualité en 2012 par rapport à l'année précédente. L'Office du tourisme tunisien (OTT), n'a pas manqué de nous faire part des statistiques sur les touristes de l'année en cours par nationalités et continents. Du 1er janvier au 20 août 2012, le tableau des entrées enregistrées a été effectué comme suit. Les Algériens ont le taux le plus élevé des pays maghrébins et africains. Le nombre d'Algériens qui ont séjourné en Tunisie à la date du 20 août 2012 est de 452 723 pour l'année 2012 et pour l'année 2011, il était de 379 414, a-t-on appris auprès de l'Office du tourisme tunisien. Unique pays dans le Monde arabe et musulman à garder le week-end universel, soit samedi et dimanche même le parti islamiste Ennahda, n'a pas osé porter un quelconque changement pour imposer le vendredi comme jour férié aux Tunisiens. La demi-journée du vendredi est libre pour tous les fonctionnaires du secteur public. Cette demi-journée est récupérée la matinée du samedi. Quant au secteur privé, ce dernier est libre quant à l'accomplissement de la prière du vendredi, nous dit-on. L'ouverture des commerces et l'ambiance urbaine sont plus ou moins présentes jour et nuit, les dimanches à plus de 60%, ainsi que lors des jours fériés. Le tourisme dans ce pays, dépend en très grande partie de la fréquentation des Occidentaux. «Même si c'est un parti islamiste qui est au pouvoir, il ne pourra pas sacrifier l'économie du pays à cause de la prière du vendredi», nous dit-on. Le travail et la science, c'est fondamental dans la vie dans toutes les religions du monde et bien plus dans l'Islam. «La Tunisie n'est ni islamiste, ni laïque», affirment les graffitis sur les murs de la Tunisie.