Le président de la République préside la cérémonie de prestation de serment de la nouvelle Directrice exécutive du Secrétariat continental du MAEP    Oran: mise en exergue des facilités douanières dans le domaine de l'agro-alimentaire    Foot/ Qualif's-CAN 2025: Amine Gouiri, troisième meilleur buteur avec 4 buts    Dopage/Colloque international: l'Algérie a mis sa législation en conformité avec la réglementation internationale    Sondage "Brahim Dahmani-2024": l'APS publie la liste des athlètes proposés pour les différents prix    Ghaza: le bilan de l'agression sioniste s'alourdit à 43.985 martyrs et 104.092 blessés    Attaf reçoit un appel téléphonique de son homologue iranien    Liban: 3 544 martyrs et 15 036 blessés depuis le début de l'agression sioniste    Le potentiel, considérable, de la croissance des exportations hors hydrocarbures mis en avant    Bendjama convoque le Conseil de sécurité aux actes au Moyen-Orient    La méthode Michel Barnier    Un pied dans la tombe et il veut emmener le reste d'entre nous avec lui    Plus de 300 milliards de cts de factures impayées détenues par ses abonnés    Les ministres nommés ont pris leurs fonctions    L'Algérie met l'accent sur l'innovation et le soutien aux jeunes entrepreneurs    USM Alger-ORAPA United : Le Gambien Lamin N Jammeh au sifflet    Les 21 qualifiés pour la phase finale pratiquement connus    CAN-2025 U20 (Zone Unaf) : L'Algérie et l'Egypte se neutralisent    Ouverture du 8e Salon international de la récupération et de la valorisation des déchets    Mise en service d'une unité de dépistage médical scolaire et de suivi des élèves    Saisie de 3,5 g de cocaïne, deux arrestations à Djdiouia    Un travail de lexicologues, une oeuvre de référence    Appel à porter plus d'intérêt au contenu des journaux publiés durant la période coloniale    Quand le hijab rencontre le kimono vintage    Semaine européenne de l'hydrogène à Bruxelles: Sonatrach examine les opportunités de coopération algéro-allemande    Krikou prend ses fonctions de ministre des Relations avec le Parlement    Mohamed Boukhari prend ses fonctions de ministre du Commerce extérieur et de la Promotion des exportations    Guelma et Souk Ahras commémorent le 70ème anniversaire de la mort du chahid Badji Mokhtar    Touggourt commémore le 67è anniversaire de la mort en martyrs de Mohamed Amrane Boulifa et Lazhari Tounsi    Yacine El-Mahdi Oualid prend ses fonctions de ministre de la Formation et de l'Enseignement professionnels    Le 8e Festival international de l'art contemporain du 26 novembre au 7 décembre à Alger    Youcef Cherfa prend ses fonctions de ministre de l'Agriculture, du Développement rural et de la Pêche    Pas moins de 93% des pêcheurs affiliés à la sécurité sociale    Olympiades arabes de mathématiques: l'Algérie décroche la 2e place    «Dynamiser les investissements pour un développement global»    Le point de départ d'une nouvelle étape    L'Algérie happée par le maelström malien    Un jour ou l'autre.    En Algérie, la Cour constitutionnelle double, sans convaincre, le nombre de votants à la présidentielle    Tunisie. Une élection sans opposition pour Kaïs Saïed    Algérie : l'inquiétant fossé entre le régime et la population    BOUSBAA بوصبع : VICTIME OU COUPABLE ?    Des casernes au parlement : Naviguer les difficiles chemins de la gouvernance civile en Algérie    Les larmes de Imane    Algérie assoiffée : Une nation riche en pétrole, perdue dans le désert de ses priorités    Prise de Position : Solidarité avec l'entraîneur Belmadi malgré l'échec    Suite à la rumeur faisant état de 5 décès pour manque d'oxygène: L'EHU dément et installe une cellule de crise    Pôle urbain Ahmed Zabana: Ouverture prochaine d'une classe pour enfants trisomiques    







Merci d'avoir signalé!
Cette image sera automatiquement bloquée après qu'elle soit signalée par plusieurs personnes.



Reportage
CINQ MOIS APR�S LA R�VOLUTION EN TUNISIE Grandes difficult�s et immenses espoirs TOUFIK BEN BRIK, �CRIVAIN : �Je suis le candidat des jetables contre les notables�
Publié dans Le Soir d'Algérie le 19 - 06 - 2011


De notre envoy� sp�cial Brahim Taouchichet
Il est frappant de constater � quel point les Tunisiens mettent de l�orgueil dans cette r�volution qui a chass� un pr�sident que rien ne semblait pr�destiner � une fuite aussi honteuse.La fameuse avenue Habib-Bourguiba arbore sa gent f�minine comme pour exorciser les d�mons de l�ins�curit�, sujet qui accapare l�essentiel des pr�occupations des visiteurs �trangers. En jean moulant, poitrine g�n�reuse et fi�re, les cheveux au vent, les Tunisoises d�ambulent dans une insouciante coquetterie.
Et si votre regard se fait trop insistant, ne croyez pas avoir affaire � une vierge effarouch�e ! Et ce n�est pas du tout par bravade qu�elles tirent leur �pingle du jeu dans ce duel silencieux. Cette assurance est le produit du bourguibisme. On imagine ainsi mal une remise en cause de ce droit de cit� de la femme tunisienne. Haut lieu de la contestation du r�gime, l�avenue Bourguiba offre un fort contraste : � son extr�mit� nord, un minist�re de l�Int�rieur sous haute protection au vu des blind�s de police et de la Garde nationale et les barbel�s. En face, ce sont des terrasses de caf� bond�es de couples plut�t d�contract�s, fumant et causant, et divers clients habitu�s des lieux. En ce 14 juin, cela fait d�j� 5 mois que la R�volution du jasmin qui a emport� Ben Ali et son r�gime tente de redonner une nouvelle physionomie, un nouveau visage � la Tunisie. Dans ce petit pays (162 155 km2 pour 10 200 000 habitants quand m�me !) tout va tr�s vite. Hommes politiques et animateurs de la soci�t� civile veulent s�engouffrer dans une br�che largement ouverte, contre toute attente, par une jeunesse insurg�e contre la mis�re et le d�ni des droits �l�mentaires.
Expectative, espoirs
Aujourd�hui, il s�agit de savoir comment traduire les immenses espoirs induits par la r�volution du 14 janvier dans une dynamique sociale et �conomique. Extraordinaire d�fi dont l�intelligentsia a conscience. Les d�bats passionn�s dans la sc�ne politique tunisienne rappellent � chaque instant cette r�alit� et surtout les enjeux, d�o� l�importance strat�gique de l��lection de l�Assembl�e constituante pr�vue pour le 24 juillet puis report�e au 23 octobre. La mission de cette assembl�e sera d��laborer une nouvelle Constitution �miroir des principes de la r�volution�, selon les termes du pr�sident par int�rim Fouad Mebazza�. Et comme chaque fois qu�une dictature tombe, les langues se d�lient, les bouches longtemps baillonn�es donnent de la voix. Il est frappant de constater � quel point les Tunisiens mettent de l�orgueil dans cette r�volution qui a chass� un pr�sident que rien ne semblait pr�destiner � une fuite aussi honteuse et dont on ne conna�t pas encore tous les tenants et les aboutissants. Pas pour longtemps ? D�j� le secteur de l��dition se lib�re de la censure, se voulant partie prenante de ces v�rit�s mises � nu de 23 ans de r�gne de Ben Ali. La presse foisonne de nouveaux titres, le nombre de partis politiques d�passe la centaine ! Les librairies � pas vraiment nombreuses par ailleurs � garnissent leurs devantures de �livres-�v�nements�, trop chers pour le commun des lecteurs, et autres titres tapageurs du style : La r�gente de Carthage, Notre ami Ben Ali �crits par des journalistes fran�ais, ou r�cents par des Tunisiens : Dans l�ombre de la reine-par le majordome des Ben Ali �dit� en France (en attendant le livre, en cours de r�daction, du garde du corps (et amant) de Le�la Trabelsi, l��pouse de l�ex-pr�sident Zine) et les ouvrages de trublion Taoufik Ben Brik : Le rire de la baleine, Chronique du mouchard, Une si douce dictature, Taoufik Ben Brik, pr�sident, Tunisie la charge, aux armes les oubli�s (Voir l�entretien). Vous ne serez pas surpris outre mesure par ailleurs de d�couvrir parmi tous ces titres �subversifs � le volumineux livre de notre ami Mohamed Benchicou Le mensonge de Dieu. Comme quoi le temps est � la r�volution m�me en mati�re de litt�rature maghr�bine. Tunis, la capitale, la bourgeoise, surprise un temps par le choc des �v�nements de janvier, bouscul�e par la foule d�affam�s surgis des tr�fonds du pays : Jendouba, Kessrine, Sidi Bouzid� (on d�couvre brusquement que 27% de Tunisiens vivent au dessous du seuil de la pauvret� ) reprend progressivement ses droits et se pose comme cadre naturel et d�avant-garde des grands d�bats politiques engageant toute la nation tunisienne. Parce que ce fut une lame de fond qui a emport� les fondations du syst�me Ben Ali, il n�est pas �tonnant de constater le degr� de politisation des Tunisiens et� leur compr�hension de la difficult� de sortir d�une situation �conomique catastrophique. Les chefs des familles qui bouclaient les fins de mois difficilement n�arrivent plus � joindre les deux bouts. Pourtant, les prix des fruits et l�gumes, des poissons, des viandes ne connaissent pas d�augmentation particuli�re comme nous avons eu � le constater. A tout le moins, l�g�rement plus �lev�s que chez nous. C�est une question de pouvoir d�achat et de source de revenus al�atoires. Officiellement, le dinar tunisien n�a pas �t� d�valu�, mais sa valeur a baiss� par rapport � l�euro dans le change officiel : 1euro = 1,96/98 DT et � Bab El- B�Har au march� de change parall�le, il est propos� � 2 DT. Il faut savoir que le revenu par t�te d'habitant en Tunisie est de 2 800 $ (En Alg�rie il est de 7 890 $ selon l'Organisation mondials de la sant� �OMS � sans commune mesure avec le Qatar : 70 650 $, les Emirats arabes unis : 52 000 $ ou le Koweit 43 000 $). Ils ne d�sesp�rent pas pour autant des retomb�es attendues de cette r�volution qu�ils ont souhait�e de tous leurs v�ux et dont ils se portent garants face aux tentatives de r�cup�ration par les RCdistes nombreux qui ne d�sarment pas. Ces derniers menacent, �uvrent � faire avorter la r�volution. En effet, rappelons que les troupes du RCD ( au pouvoir depuis 1956, date de l�ind�pendance de la Tunisie, aujourd�hui dissous) �taient de 1 million de militants r�partis sur 7 500 cellules de base et 2 200 cellules professionnelles (l��quivalent des BSP du FLN l�article 120). Il faut comprendre aussi par l� � quel point �tait fliqu�e toute la soci�t� tunisienne et la difficult� de se d�barrasser d�un passif aussi handicapant. La r�gle c��tait : hors du RCD point de salut ! La carte du parti �tait un coupe-fil infaillible qui ouvrait droit � de multiples avantages et opportunit�s. Les temps post-r�volution s�av�rent difficiles mais rien n�indique, comme nous l�avons vu, que les Tunisiens c�dent au d�couragement ou �prouvent de la nostalgie. C�est l�expectative, l�attente de lendemains meilleurs. Car pour l�heure, le tableau est plut�t sombre : 700 000 ch�meurs dont 69% de moins de 30 ans et parmi eux 170 000 universitaires. Par ailleurs, chaque ann�e ce sont 50 000 dipl�m�s qui d�barquent sur le march� de l�emploi sans perspectives. La situation se corse encore plus du fait du marasme �conomique. Les usines tournent au ralenti, pas d�investissements et par cons�quent des emplois qui sont perdus tandis que d�autres sont plong�s dans la pr�carit�. Et comme pour noircir un peu plus cette situation, la crise libyenne a renvoy� chez eux 35 000 Tunisiens. Autre coup du sort, les milliers de r�fugi�s sur sa fronti�re ouest�
G8, avoirs de Ben Ali et plan Marshall
Talon d�Achille de l��conomie tunisienne, le tourisme (priv� � 100%) est selon ses promoteurs menac� de faillite. L�artisanat est sinistr� et les secteurs para-h�teliers comme les circuits touristiques sont par cons�quent durement touch�s et en rade. �2011 sera une ann�e blanche�, dit-on. A la m�dina de Tunis, Hammamet, Sousse, Monastir, Sidi Bou Sa�d, nous avons �t� confront�s � un spectacle affligeant de commer�ants oisifs. Fid�les au poste comme � leur habitude, ils font preuve d�une patience � vous draper d�humilit�. Le c�ur n�y est pas. �Vous �tes Alg�riens ! Venez, vous �tes nos fr�res, on vous fera les meilleurs prix.� Mais cet enthousiasme tombe net vu notre peu d�empressement � acheter quelque bibelot. Dans les souks bien calmes, on n�entend plus les habituels coups r�p�t�s du martelet de l�artisan, l�invite bruyante du proprio d�une �choppe. A Hammamet, un jeune commer�ant nous avoue que son chiffre d�affaires du jour se r�sume � un seul et unique article vendu 20 DT. A Sousse, un autre commer�ant, visiblement bien inform�, nous fait part de sa conviction que pour s�en sortir il faut des solutions � l��chelle maghr�bine. �Nous avons le tourisme, l�Alg�rie le p�trole et le Maroc le phosphate !� Un son de cloche que nous entendrons ailleurs aussi. Na�vet� renversante aliment�e par le discours officiel ou conviction qu�il faut chercher ailleurs qu�en Tunisie des opportunit�s de travail et donc de vie ? A travers les art�res des m�dinas, peu de t�tes blondes. C�est vrai que c�est ainsi en basse saison, mais est-ce la seule raison ? �On croyait que les touristes auraient un �lan de sympathie pour la destination Tunisie apr�s la r�volution. Or, c�est tout le contraire qui s�est produit�, dit le pr�sident de la F�d�ration tunisienne des agences de voyages. En l�absence d�une strat�gie de relance de ce secteur, c�est la guerre froide entre les services de l�Etat et les professionnels qui prennent malgr� tout leur mal en patience. Mais pour combien de temps encore ? Pour relancer l��conomie, il faut � court terme, selon le Premier ministre Beji Ca�d Sebsi, 5 milliards de dollars pour des besoins �valu�s � 25 milliards $. La presse tire la sonnette d�alarme et parle de la n�cessit� d�un plan Marshall (200 milliards $ en monnaie d�aujourd�hui) pour la Tunisie. Au dernier sommet du G8, auquel elle a �t� convi�e, la Tunisie n�aura finalement que la modique somme de 3,5 milliards $� � partager avec l��gypte, pour sa phase de transition d�mocratique pour la p�riode 2011-2013. Objet de toute l�attention de l�Occident, la R�volution du jasmin devra se contenter de promesses d�aides � d�faut d�engagements concrets. Grandes sont aussi les illusions quant � la possibilit� de r�cup�rer les avoirs de Ben Ali dans les banques en Europe� et ailleurs. Apr�s les effets d�annonce (divulgation des avoirs tenus au secret), ces m�mes banques vont-elles vraiment l�cher le morceau ? Les avoirs de Ben Ali dans les banques suisses sont estim�es � 500 millions d�euros. Des pr�c�dents quant � la restitution inaboutie de l�argent gel� de dictateurs d�chus incitent au doute. C�est l�avis de l�ancien d�put� et sociologue suisse Jean Ziegler exprim� aux Tunisiens : �Pour r�cup�rer les biens spoli�s � la Tunisie et d�pos�s en Suisse, il faudrait que les l�gislations des deux pays en mati�re de malversations bancaires et financi�res soient conformes, ce qui n�est pas le cas aujourd�hui. Il faudrait aussi prouver le rapport entre ces fonds et leurs provenances par des pratiques mafieuses ou dans le cadre du blanchiment d�argent, ce qui n�est pas �vident.� Mais au plan interne, le sentiment, sans �tre pour autant bruyant, d�une grande lib�ration chez le Tunisien est manifeste : �Nous avons gagn� la libert� de parole�, nous dit un chauffeur de taxi de Hammamet Yasmine. Opinion identique � Monastir, ville natale de feu Habib Bourguiba �le combattant supr�me�, aujourd�hui r�habilit�, le clan Ben Ali l�ayant remis� aux oubliettes. Sur la belle esplanade du mausol�e �cras�e de soleil, de jeunes gar�ons et filles. Ils viennent visiter le p�re de l�ind�pendance de la Tunisie. Mausol�e gard� et tr�s bien entretenu faut-il le souligner. Monastir r�habilit�e � l�image du buste de son enfant prodige � l�entr�e du jardin public.
Les frasques de Le�la Trabelsi
A d�faut de grives, il faudra se contenter de merles. C�est ainsi que l�on pourrait qualifier l�atmosph�re politique interne. Si les d�bats sur les prochaines �lections alimentent la chronique dans le mouvement associatif, mobilisent les nombreux partis qui ont vu le jour, c�est incontestablement les histoires croustillantes du clan �Ben Ali et les quarante voleurs� qui tiennent encore le haut du pav�. Elles d�voilent chaque jour les preuves de la voracit� de Zine El- Abidine qui �aime par-dessus tout l�argent�, nous dit-on. Il serait, selon nos t�moins, d�une cupidit� maladive. Dans cette d�rive totalitaire, il aurait m�me affirm� : �Tout ce qui t�appartient m�appartient sur le sol et dans le sous-sol !� Et ce fut la r�gle durant ses 23 ans de r�gne. Avec sa femme Le�la Trabelsi, �La r�gente de Carthage�, le tandem finira par faire de la Tunisie un bien personnel. Parvenu au sommet du pouvoir et profitant de la sant� d�clinante de son mari � qui se r�fugie dans la drogue dure (coca�ne) �, au fil des ans Le�la Trabelsi mettra en place un puissant r�seau mafieux o� les acteurs seront exclusivement les membres de sa famille. Quiconque tentera de r�sister � ses convoitises sera bris�.Il en est ainsi de la belle villa sur la corniche de Sidi Bou Sa�d qu�elle prend de force (pour sa fille Nesrine) parce que ses propri�taires ne voulaient pas vendre ! Dominant Port El-Kantaoui (Sousse) : la Baie des Anges. Une r�sidence de plusieurs hectares y a �t� construite par� l�arm�e (!) pour le petit-fils (6 ans) de Ben Ali. Le m�me Ben Ali entrera dans une col�re noire lorsqu�il apprend qu�un jeune internaute de la famille Ben Zined de Hammamet est entr� dans son site personnel. Cette audace sera fatale au jeune homme. Dans cette ville touristique de r�f�rence (et dans d�autres villes), les insurg�s prendront d�assaut et d�truiront les somptueuses villas du clan Ben Ali-Trabelsi. Aujourd� hui, les portes de tous ces palaces sont mur�es. On sait que 25 h�tels du clan ont �t� mis sous scell�s par le gouvernement. Nul besoin de chercher � distinguer la part du vrai de la l�gende tant c�est flagrant et facilement v�rifiable s�agissant de l�immobilier en particulier. Honnie par-dessus tout : Le�la Trabelsi. Ses frasques r�v�l�es au grand jour et dont se d�lectent les Tunisiens auront au moins le m�rite de faire baisser la pression sur le gouvernement provisoire. Pour les damn�s de la terre tunisiens, l�on tente de trouver une ouverture dans les horizons bouch�s de l�emploi. Pour certains, vivement la fin de �Kadhafou� � sobriquet dont affublent les Tunisiens Moammar Kadhafi. Ils sont convaincus qu�avec le Conseil national de transition (CNT), ils auront beaucoup � gagner. C�est pourquoi ils sont massivement pour la fin de Kadhafi. Et d�ailleurs, le drapeau des insurg�s libyens, d�ploy� dans un kiosque � journaux de l�Avenue de France, est vendu 10 � 18 DT selon le format. Des graffitis sur les murs de la m�me avenue expriment ces sentiments : Kadhafi, un danger pour la Tunisie. Au sommet de l�Etat, la rupture avec le pouvoir libyen actuel semble consomm�e. Plus qu�une question de jours pour que la Tunisie d�aujourd�hui proclame sa reconnaissance officielle du Conseil national de transition libyen. �Kadhafi nous a tellement fait de mal�, dit-on ouvertement partout en Tunisie.
La revanche des exclus
Nombreux sont les Tunisiens des villages de l�int�rieur � venir s�installer dans les grands centres urbains et y d�velopper un commerce informel. C�est ce que nous avons pu voir dans le souk de la m�dina de Sousse. A Tunis, ils sont install�s � Bab El-B�har, au pied de la Casbah. Pareil � l�avenue Charles De Gaulle et � la rue d�Espagne o� l�animation y est grande, rappelant, aussi bien par les articles propos�s � la vente que par l�animation, Bab El-Oued, Bachdjarah, Bouma�ti (El-Harrach) avec les corbeilles � pain et les �tals de fruits et l�gumes en moins. Il y a tout un bric-�-brac de produits chinois �tal�s � m�me le sol ou sur des �tals de fortune. Ces �trabendistes� ne sont pas inqui�t�s et encore moins pourchass�s par les policiers qui veillent seulement � ce que ces commer�ants d�un genre nouveau ne �colonisent� pas les all�es de l�avenue Bourguiba et son prolongement l�avenue de France, vitrine de la Tunisie moderne. Un jeune vendeur de cigarettes, � peine install�, est tr�s vite �d�m�nag� � par des policiers tout sourire. Rappelons que la saisie de la marchandise de Mohamed Bouazizi a mis le feu �� la r�volution ! Dans cette m�me avenue, il y fleurit aussi un autre genre de commerce. R�cemment, une campagne de �moralisation� des islamistes tunisiens a �t� men�e � grand bruit � Tunis et dans d�autres villes, imposant la fermeture de maisons de tol�rance. Il n�emp�che, des rabatteurs fort discrets proposent des �papichate� pour vous accompagner � un d�ner ou pour une nuit, pour des s�ances de massage ! Bref, c�est � la carte. Celui que nous avons pris pour un d�s�uvr� d�sireux de nouer conversation avec les touristes nous explique qu�il fait ce �travail� parce qu�il ne peut pas vivre avec une mensualit� de 400 DT�
L��quation islamiste
Longtemps �touff�s ou pouss�s � l�exil depuis Bourguiba, les islamistes qui voient d�un tr�s mauvais �il la lib�ration de la femme tunisienne reviennent � la charge avec des chances suppos�es de gagner les prochaines �lections. Certes, on ne voit pas les barbes-claquettes-gandoura plut�t effac�s. Ghanem Ghennouchi ne veut pas se placer dans la course aux pr�sidentielles. Il l�a dit publiquement. �Double langage !� dit-on dans le camp des d�mocrates qui se m�fient de lui. La question de l�islamisme traverse les pays musulmans et la Tunisie n�y �chappe pas. Pour Mehdi Mabrouk, sociologue, membre du Parti d�mocratique progressiste et de �l�Instance sup�rieure pour la r�alisation des objectifs de la r�volution� : �Il faut cr�er un climat qui aide les islamistes � opter pour la mod�ration et � �voluer. Le rejet �pidermique des mouvements islamistes et leur pr�sentation syst�matique comme �tant l�ennemi � abattre ne peut que favoriser leur durcissement et leur radicalisation. � A cet �gard, il serait int�ressant de voir comment le �g�nie� tunisien � compte tenu des exp�riences arabes � n�gociera l�avenir. C�est vrai que dans la rue, les commerces, les souks de m�dinas, on remarque de plus en plus des t�tes voil�es de jeunes filles sans le caract�re ostentatoire de la tenue. Approch�es par nos soins, elles se justifient par le besoin de spiritualit�. Signe des temps, le portrait de Ben Ali qui tapissait les �difices publics, les magasins jusqu�� la moindre boutique � et qui paraissaient �tre une marque de fabrique tunisienne depuis feu Bourguiba � ont disparu. Pour l�heure, il est une question lancinante : le red�marrage d�une �conomie �phagocyt�e par le clan Trabelsi-Ben Ali�. Plus facile � dire qu�� faire vu le manque de ressources. Les jeunes Tunisiens ont fait la r�volution. D�autres jeunes harraga tunisiens fuient le pays� Il reste que partout o� nous ont men� nos p�r�grinations, nous avons relev� l�opinion tr�s favorable des Tunisiens quant � la position de l�Alg�rie � l�endroit de la R�volution du jasmin.
B. T. TOUFIK BEN BRIK, �CRIVAIN :
�Je suis le candidat des jetables contre les notables�
C�est dans le hall du vieux et n�anmoins imposant h�tel Africa, situ� en plein centre de la capitale Tunis, avenue Habib- Bourguiba, que nous l�avons fortuitement crois�. Il venait tout juste de terminer un entretien pour une t�l� en cette fin d�apr�s-midi de jeudi 9 mai. Sans lui laisser le temps de souffler, d�un bref signe nous lui signifions notre int�r�t � prendre langue avec lui. Puis c�est sans transition que nous prenons place aux c�t�s de celui qui fut la �b�te noire� du pr�sident d�chu Ben Ali et son irr�ductible opposant. Harc�lements permanents, prison, Toufik Ben Brik ne c�dera jamais. Au contraire, il redouble de t�nacit� dans sa d�nonciation du syst�me Ben Ali et toutes les horreurs qui lui sont attach�es dont la torture qu�il subira par sa police (ce qui n�est pas la moindre des atrocit�s). Gr�ve de la faim r�p�t�e, alerte � l�opinion publique font de lui le loup blanc dans cette Tunisie de Ben Ali, l�homme � abattre qui ne veut pas renier ses convictions ou qui fut tent� par l�exil. Auparavant �vit� comme la peste, il est d�sormais la coqueluche des m�dias �trangers. Il reste toujours aussi critique parce qu�il est, dit-il, d�un �r�alisme amer�. Il s�explique dans cet entretien � Tunis pour le Soir d�Alg�rie .
Le Soir d�Alg�rie : Monsieur Toufik Ben Brik c�est pour un entretien, je suis un journaliste alg�rien�
Toufik Ben Brik : En g�n�ral je n�accorde d�interview que pour les m�dias �trangers. J�ai un m�pris incommensurable pour la presse tunisienne, car il n�y a pas de journalistes en Tunisie. Si en Alg�rie on a tu� des journalistes, en Tunisie, on a br�l� au napalm le m�tier.
Qu�en est-il de la r�volution tunisienne aujourd�hui ?
La r�volution a �t� fauss�e d�s les premiers jours. Je vous invite � revoir le film Il �tait une fois la r�volution. La chute de Ben Ali n�a pas �t� voulu seulement par le peuple mais a �t� le produit du syst�me lui-m�me. En 23 ans de r�gne, Ben Ali est devenu le grain de sable qui faisait grincer le m�canisme du syst�me. Pour s�en d�barrasser il a fallu l�apport du peuple et de la rue survolt�s. Le syst�me �tait bas� sur l�argent, le fusil, l�administration et les m�dias. Mais en se d�barrassant de Ben Ali, le syst�me s�est retrouv� face � un gros caillou. Aujourd�hui, nous avons un gouvernement qui ne gouverne pas. Allez juste en dehors de Tunis et vous constaterez l�absence de l�Etat.
Parce que c�est ainsi en p�riode de transition ?
Non. Il ne s�agit pas de cela. On n�est pas sur la m�me longueur d�onde�
Des �lections l�gislatives sont pr�vues pour le 23 octobre prochain...
Ce sont des �lections fauss�es de prime abord. Rien n�est pr�par� pour leur r�ussite. En France, Victor Hugo dit qu�il faut pr�parer les urnes mais avant la presse doit jouer le jeu, car chaque jour elle veille sur le respect de la confiance mise dans les �lus. Or, aujourd�hui, cette presse comme tous les autres pouvoirs est d�tenue par les orphelins du syst�me Ben Ali qui fonctionnait sur les �trois� : parti-p�gre-police. Il s�agit de lobbies d�argent djerbien, sfaxien, sah�lien (Sousse), tunisois et aussi le lobby d�argent d�outre-mer. Le climat politique a besoin d�hyper-confiance et il n�y a rien de cela. On vient de d�couvrir que 27% de Tunisiens vivent au-dessous du seuil de la pauvret�. On d�couvre un Etat clochardesque. Ici � Tunis, vous vivez � Philadelphie (NDLR : ville des Etats-Unis). Vous quittez Tunis c�est Ebolie. Connaissez-vous les autres villes qui ont march� sur Tunis un certain janvier ? Connaissez-vous Kessrine, Sidi Bouzid, Seliana, Jendouba ? En fait, je me demande comment tous leurs habitants ne sont pas des harraga et ce qui les retient dans ces villes tristes, mornes et ali�n�es.
Alors des �lections pour quoi faire ?
C�est l�aboutissement de cette r�volution trahie. Ils ne peuvent faire que cela pour sortir de l�engrenage, de cette situation de non-droit, d�ill�gitimit�. La Tunisie est devenue un non- Etat.
Cela ne vous emp�che pas de postuler � la pr�sidence de la R�publique ?
Non, non. Attendez, j�ai �t� pi�g� par CNN. C�est vrai que je suis l�homme le plus populaire ici en Tunisie qu�ils le veuillent ou non. Je l�ai fait contre ceux qui viennent sur des chars d�Al Jazeera, de la France, de l�Arabie Saoudite et m�me de l�Alg�rie. Je suis contre les Chalabi, de nom irakien mais tunisiens. Je suis le candidat des jetables contre les notables, le candidat basan� contre les candidats blancs aux yeux verts. Je suis un Morales (NDLR : pr�sident de la Bolivie) et un Lula (NDLR : ex-pr�sident du Br�sil et ansien syndicaliste). J�aimerais dire aux Tunisiens : �I have a dream� d�un Martin Luther King et surtout d�Abraham Lincoln.
Vous �tiez harcel�, mis en prison, mais aujourd�hui vous �tes l� (dans le hall de l�h�tel Africa) et vous vous exprimez librement.
Je n�ai jamais arr�t� de m�exprimer.
Il n�y a pas de flics qui vous surveillent...
S�exprimer oui, mais o� est la libert� ? J�ai lu un article �L�expression nue�. Il est dit : je vous vole l�expression et je vous laisse la libert� et faites-en ce que vous voulez. La libert� d�expression je l�ai comme un sixi�me doigt, rachitique� (gros �clat de rire).
Comment voyez-vous la situation pr�sente ?
Moi je dis que l� o� il y a la pauvret�, il y a crime. A se demander comment les gens ne s�entretuent pas. Il faut voir la d�tresse de ces gens-l�. Ils ne vivent pas, ils n�existent pas.
C�est pourquoi ces gens attendent beaucoup de la r�volution...
J�aimerais croire que cette r�volution a �t� faite pour apporter le bonheur. On a peur de ce mot inscrit dans la Constitution am�ricaine du XVIIIe si�cle. Or, on est en train de recr�er la d�tresse et la tristesse.
Vous semblez tr�s pessimiste... Je suis r�aliste, d�un r�alisme amer. Ni optimiste ni pessimiste.
Quelles seraient alors, selon vous, les perspectives d�avenir ?
Je ne sais pas comment nous allons nous en sortir. Peut-�tre faudra-t-il un plan Marshall. La Tunisie est un pays profond�ment tiers-mondiste. C�est comme le Titanic, beau et clinquant vu de l�ext�rieur mais coule au premier iceberg heurt�.
Il y a de plus en plus de harraga...
Tous les Tunisiens veulent foutre le camp d�ici. Les Tunisiens auraient pu accepter leur mis�re mais dans la fiert� et l�orgueil. Qu�on leur donne la libert� de choisir ceux qui vont les gouverner. Qu�on ne leur vole pas leurs r�ves.
Toufik Ben Brik bient�t en Alg�rie ?
Moi j�aimerais bien mais Bouteflika m�a interdit l�entr�e par deux fois. En Tunisie, il y a ceux qui veulent que je parte, mais je ne c�derai pas. J�ai �crit un livre �dit� en Alg�rie, seul pays o� je pourrai aller car je m�y sens chez moi.


Cliquez ici pour lire l'article depuis sa source.