L'Expression: Comment se présente la rentrée universitaire de cette année? Abdelmalek Rahmani: Cette rentrée est extrêmement difficile pour plusieurs raisons. L'Université algérienne continue de souffrir de sa propre politique. La stratégie politique globale choisie par les pouvoirs publics a atteint ses limites. On voit que la politique de massification sous prétexte de démocratisation de l'enseignement supérieur et d'équité fait que l'Université s'écroule sous le nombre. Actuellement, 80% des problèmes sont dus à cette massification: la qualité de la formation, le déficit d'encadrement, la recherche scientifique qui patine, accumulation des problèmes pédagogiques... etc. Il est donc temps de revoir de fond en comble la politique de l'enseignement supérieur. Car, dans les 50 ans à venir, c'est l'Université qui déterminera la position de l'Algérie au niveau mondial. Et cela exige de la rigueur. Y a-t-il d'autres raisons qui font que cette rentrée soit extrêmement difficile? La deuxième raison est que depuis cinq mois, la tutelle fonctionnait avec un ministre intérimaire, ce qui a fait que les problèmes se sont accumulés faute de dialogue. Il y a le problème du logement qui permet à l'enseignant de gérer sa carrière, le problème du doctorat et surtout celui de la corruption qui ont mis en danger l'Université. La troisième raison concerne les oeuvres universitaires qui nécessitent une réforme profonde. On ne peut pas mettre l'Université en danger à cause de ces oeuvres. Ce problème se répercute directement sur l'étudiant et indirectement sur l'enseignant car les problèmes des uns sont liés aux autres. Il faut donc renouer avec un vrai débat et non un débat de façade. Il faut un partenariat dégagé de toute arrière-pensée politique. Il faut ouvrir tous les dossiers. Il y a possibilité de désamorcer la rentrée. Comment cela peut se faire à votre avis? La balle est dans le camp du ministre. C'est à lui de renouer le dialogue pour trouver des solutions aux problèmes qui se posent. Nous, en tant que syndicat, on souhaite la protection de l'Université car, il est légitime de se demander s'il y a des cercles qui veulent que cette institution coule? Que veut exactement le Cnes? Il défend l'Université et veut que les moyens de l'Etat soient rationnellement utilisés. Il faut arrêter l'impunité et revoir tout le système de fonctionnement. Comment expliquer qu'un enseignant qui commet une faute est sanctionné alors que le recteur ne l'est pas? L'Université, qui est un bien public, doit rester au-dessus de tout le monde. Le dialogue sur son avenir doit s'élargir. Toutes les institutions de l'Etat, la société civile, les partis politiques, l'APN et le Sénat sont concernés par l'avenir de l'Université. Il faut une réforme profonde. Et dans les conditions actuelles, il ne faut pas rêver d'une université performante. Si on veut une université performante, faisons ce qu'il faut. En tout cas, on ne peut pas faire un plat de crevettes avec de la sardine.