Le chef de l'Assemblée nationale Mohammed al-Megaryef a ordonné ce week-end la dissolution des milices «illégitimes», tout en demandant de ne pas s'en prendre à celles qui sont sous l'autorité de l'Etat. Les autorités libyennes ont affiché leur volonté de mettre de l'ordre au sein des multiples milices armées nées du conflit de 2011 mais l'idée de donner une légitimité à certaines fait redouter l'implantation de branches armées à la solde de partis politiques. Le chef de l'Assemblée nationale Mohammed al-Megaryef a ordonné ce week-end la dissolution des milices «illégitimes», tout en demandant de ne pas s'en prendre à celles qui sont sous l'autorité de l'Etat. Il a lancé cet appel dans la foulée d'une importante mobilisation à Benghazi, deuxième ville de Libye dans l'est du pays, où la population a chassé plusieurs milices islamistes des locaux qu'elles occupaient. La distinction entre milices légitimes ou illégitimes a fait grincer des dents à Benghazi, où des dizaines de milliers de personnes avaient réclamé vendredi le démantèlement de tous les groupes armés, qui font la loi dans le pays depuis la chute du régime d'El Gueddafi en octobre 2011, et la création d'une armée et d'une police professionnelles. En faisant une telle distinction au lieu de désarmer toutes les milices, les autorités prennent le risque que les principales brigades armées se transforment en «bras militaire de factions politiques», avertit Fathi al-Baaja, professeur de sciences politiques. «Nous aurons des armées à l'intérieur de l'armée, et c'est très dangereux», estime cet analyste, soulignant que la Libye a besoin d'une armée unifiée au sein de laquelle les soldats s'enrôlent individuellement, et non en tant qu'unités constituées. Des milices islamistes telles que le Bouclier libyen, la Brigade du 17-février, ou celle de Raf Allah al-Sahati se sont en effet placées sous l'autorité du ministère de la Défense. «Ces groupes ne sont pas légitimes», conteste M.Baaja. «Leurs membres ne font pas partie de l'armée. (...) Qui leur a donné une légitimité?», s'inquiète-t-il. Une préoccupation partagée par Miftah Bouzeid, rédacteur en chef du journal de Benghazi, Barniq: «Nous ne voulons pas rejouer le scénario libanais, avec une armée faible, et le Hezbollah plus fort que l'armée», en référence au très puissant parti chiite au Liban qui contrôle de facto le sud du pays et la banlieue sud de Beyrouth. Pour M.Bouzeid, le mouvement de contestation à Benghazi visait tous les groupes armés, qui représentent chacun un courant islamiste, car il les voyait comme «les branches armées de factions politiques au sein du Congrès général national», l'Assemblée législative élue en juillet. Le Premier ministre élu, Moustapha Abou Chagour, doit encore former un gouvernement, qui aura comme principale tâche de rétablir la sécurité dans le pays, où une attaque contre le consulat américain le 11 septembre a tué quatre Américains dont l'ambassadeur. Le premier défi sera de démanteler ces milices, accusées par des ONG de défense des droits de l'Homme d'emprisonner et torturer des gens en toute impunité. «Elles ont des armes et le pouvoir de faire pression sur le gouvernement», avertit M.Bouzeid.